Négociation efficace et communication vraie

« « Un bon négociateur est capable d’être à la fois flexible comme le saule et dur comme le roc. » Dans cette fameuse formule de François de Callières, le défi est de situer sur quoi être flexible comme le saule et sur quoi être dur comme le roc. Fisher et Ury, professeurs à Harvard, ont trouvé la clé : il faut séparer soigneusement les questions de fond et les questions de personnes, les divergences d’intérêts et les enjeux de relation. C’est la confusion des deux registres qui empoisonne les débats sur « une main de fer dans un gant de velours ». Au lieu d’être tantôt dur, tantôt doux, ou un peu l’un et un peu l’autre dans un subtil mélange, il s’agit d’être constamment doux avec les personnes (souplesse relationnelle) et dur dans la recherche de l’accord le plus profitable. Le mouvement n’est pas dans l’horizontal mais bien dans une double verticale qui barre tout abus de pouvoir des uns et des autres. 

Il n’y a pas à sacrifier les intérêts pour la relation ou la relation pour les intérêts, il y a à gagner sur les deux tableaux : faire grandir les gains ET la relation, garder le double cap d’optimiser les résultats par la prise en compte des intérêts en présence ET de respecter les personnes. Négociation efficace et communication vraie sont des plans qu’il faut apprendre à distinguer d’abord, à associer ensuite. Plus je manifeste du respect pour les personnes, plus je peux me battre résolument sur le fond, en me donnant les moyens efficaces d’atteindre mes objectifs. L’accord sera d’autant meilleur et vite conclu que la communication est bonne. Et inversement, le fait de prendre au sérieux les intérêts de l’autre contribue à renforcer la relation » (Chomé Étienne, La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain, 2009, p. 106-107) + étape 3 du parcours de formation.

Pour une explication de la structure formelle employée dans le schéma ci-dessous, voyez http://etiennechome.site/mon-modele-de-base/.

Trois types de violences : vécu frustré – délit – jeu de pouvoir

« Les différentes réponses qu’il convient d’apporter aux conduites agressives sont à la base d’une typologie au cœur de la méthode C-R-I-T-E-R-E : les « violences-manière de dire quelque chose » ne se traitent pas de la même manière que les « violences-manières d’obtenir quelque chose », au sein desquelles je distingue les violences-délit et les violences-pouvoir. Ce n’est pas la forme qu’elles prennent qui permet de les distinguer. Qu’elles soient finement psychologiques, verbales ou brutalement physiques, on les déjoue en diagnostiquant correctement leur cause et leur finalité. Les « violences-manière de dire » sont provoquées par une tension émotionnelle et sont désamorcées par l’empathie. Sont à classer dans la catégorie des violences délictuelles toutes celles que l’amélioration du cadre de droit réussit à éliminer. Restent les jeux de pouvoir que la morale ne peut pas contrecarrer par le droit contraignant et dont on se joue par l’art diplomatique du recadrage et, à la racine, par la force tranquille qui garde sereinement le cap de ses objectifs » (Chomé Étienne, La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain, 2009, p. 108) + étape 3 du parcours de formation.

Réforme du Conseil de sécurité de l’ONU

« L’incapacité du Conseil de sécurité à se réinventer face à un monde qui change a pour conséquence une perte de légitimité qui, bien qu’unanimement reconnue, reste sans solution. En 1963, a eu lieu la seule et unique réforme de la composition du Conseil de sécurité, en réaction à l’augmentation des membres de l’ONU, passés de 51 en 1945 à 113 cette année-là, augmentation qui nécrosait son fonctionnement. […] Les États se sont rassemblés en groupes plus ou moins conséquents, sur base de leurs intérêts communs. Chacun d’eux a proposé son projet, traitant tantôt des catégories des membres, tantôt de leur nombre ou encore du droit de veto. En fin de compte, ces travaux n’ont pas permis de débuter la moindre réforme. […] Une lueur d’espoir existe en ce que tous les États sont d’accord sur deux points : l’amélioration des méthodes de travail, qui ne nécessite pas de révision formelle de la Charte, et l’augmentation des membres non permanents. […] Pour que la réforme aboutisse, les États doivent user de la méthode classique de droit international public qu’est la négociation sur base d’un texte. […] On procèderait à la réforme petit à petit, question par question, en ne la mettant en route qu’une fois qu’une majorité se serait dégagée pour chacune des questions. […] Si le veto est le droit le plus controversé du Conseil, il est évident qu’il n’y sera pourtant apporté aucun changement, c’est-à-dire ni extension, ni limitation, ni a fortiori suppression pure et simple. Il faudra donc se contenter des assouplissements qu’il connaît déjà, tels que la méthode du consensus, l’abstention, le silence ou l’absence. […] Lorsque les intérêts divergent et que le besoin de coopération se fait impérieux, aucune sortie de crise n’est envisageable sans souplesse. Une négociation avec 193 parties autour de la table est sans précédent » (Tau Yory, La réforme du Conseil de sécurité et le droit de veto, Université de Liège, juin 2020).

Réformes de l’impôt des multinationales + du Conseil de sécurité des Nations unies

Ce samedi 10 juillet 2021, le G20 a consolidé l’accord sur « une architecture fiscale internationale plus stable et plus équitable », qui instaure un impôt mondial d’au moins 15 % sur les bénéfices des multinationales. Bravo aux diplomates qui ont œuvré dans l’ombre avec constance pour parvenir à cette avancée majeure dans notre village devenu planétaire.

Autre avancée à y faire : la réforme du droit de veto des 5 Grandes Puissances au Conseil de sécurité des Nations unies. Sa composition et son fonctionnement qui reflètent la Realpolitik au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ne reflètent pas la Société internationale contemporaine.

Parmi les propositions de réforme, celles qui impliquent davantage chaque continent dans le fonctionnement du Conseil et qui responsabilisent les différents groupes géographiques dans le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Dans cette perspective davantage inclusive, les États les plus importants de ces groupes pourraient occuper des mandats à long terme renouvelables.

À partir de leurs intérêts immédiats, à courte vue de myopes, les Grandes Puissances nucléaires sont tentées de s’accrocher à leurs droits acquis du passé et de bloquer cette indispensable réforme pour une meilleure gouvernance mondiale. Aidons nos amis de ces 5 pays, notamment les Français et Britanniques, à intelligemment comprendre leurs intérêts durables, en acceptant ces changements en temps de paix, sous peine de les subir, contraints et forcés, après des conflits mal gérés, voire après une guerre : ce serait le pire des scénarios… Ensemble, tirons les leçons de l’Histoire, apprenons des 2 Guerres mondiales du siècle dernier. Faisons mieux que la Société des Nations érigée en 1919 et l’ONU érigée en 1946.

Mon modèle de base

Dans un conflit complexe, trois dimensions sont à distinguer : les conflits de structures, de vécus et d’intérêts. Ces trois types de blocages ont chacun ses remèdes spécifiques :

 3 causes :    
Des structures déficientes

Des vécus dévalorisés

Des intérêts divergents
 3 compétences : 
Le cadre de droit

La communication vraie

La négociation efficace

1) La compétence « Cadre de Droit » (abrégé CD), c’est l’autorité ferme qui respecte et fait respecter les règles. La force du droit réside dans des sanctions effectivement contraignantes, contre l’impunité, contre le droit du plus fort.

2) La compétence « Communication Vraie » (abrégé CV), c’est l’intelligence émotionnelle qui respecte les personnes. La compréhension de leurs fondements (préoccupations, besoins, motivations, intentions profondes et valeurs) améliore la qualité des relations humaines.

3) La compétence « Négociation Efficace » (abrégé NE), c’est l’intelligence rationnelle qui respecte les intérêts en jeu. La créativité invente des solutions Win-Win qui optimisent l’accord.

Les champs propres de ces trois plans sont hélas souvent confondus. On ne parvient à les articuler qu’après les avoir clairement distingués. Chaque aspect et niveau du conflit requièrent l’usage de la compétence adéquate :

Dans mes sessions, à des fins pédagogiques, j’ai mis au point un schéma conceptuel qui clarifie les enjeux. À titre d’exemple, prenons le débat entre faucons et colombes, partisans de la force et militants de la paix : 

Niveau I : La droite horizontale met en scène le débat mal posé, en raison de l’ambigüité des formulations « recours à la force » et « refus de la violence », qui créent des quiproquos tant qu’on ne dégage pas leur part de vérité mais aussi leur part d’erreur respectives. Par ailleurs, la droite horizontale se fourvoie par l’écrasement du débat sur un seul axe. Il convient de quitter les faux dilemmes de la zone I et de travailler avec plus de relief en zone II, autour des deux barres verticales.

Niveau II : Ni colonne 1 (position Domination ; bellicisme militariste dans cet exemple)

      Ni colonne 4 (position Passivité ; pacifisme absolu de principe).

     Et colonne 2, et colonne 3 : les ingrédients d’une bonne gestion des conflits sont un Cadre de Droit (CD) + une Négociation Efficace (NE), et une Communication Vraie (CV). 

Niveau III : Vider la colonne des attitudes Passivité, en les remplaçant par des attitudes CD & NE

        Vider les attitudes en colonne Domination, en les remplaçant par des attitudes CV.

Cette schématisation a l’intérêt d’organiser la discussion, de clarifier les enjeux puis d’élaborer une position intégrative. Mais c’est avant tout pour son intérêt pratique d’aide au changement  que je l’ai forgée dans mon travail de formateur et coach en Gestion des conflits : le niveau III balise un programme d’actions, par lesquelles chaque participant transforme peu à peu ses réflexes contreproductifs (attitudes spontanées DOM et PASS) en compétences consciemment acquises à l’intérieur du cadre : CD et CV et NE. Apprendre comment abandonner les stratégies contreproductives des jeux de pouvoir est un art qui s’apprend : le pouvoir est domination quand il est pouvoir sur les autres ; il est source de progrès quand, d’une part, il est pouvoir pour garantir la justice (CD) et atteindre de manière pertinente les objectifs adéquats (NE), d’autre part il est pouvoir avec les autres (CV), en en faisant des alliés et non des ennemis. C’est en ne subissant plus un pouvoir sous un dominant qu’un acteur apporte le meilleur de lui-même dans la sortie de crise.

Tiré de CHOMÉ Étienne, Le nouveau paradigme de non-violence, p. 18-20.

Jean Pic de la Mirandole

Pic de La Mirandole, Oratio de hominis dignitate :

« Je ne t’ai donné ni visage, ni place qui te soit propre, ni aucun don qui te soit particulier, ô Adam, afin que ton visage, ta place, et tes dons, tu les veuilles, les conquières et les possèdes par toi-même. Nature enferme d’autres espèces en des lois par moi établies. Mais toi, que ne limite aucune borne, par ton propre arbitre, entre les mains duquel je t’ai placé, tu te définis toi-même. Je t’ai placé au milieu du monde, afin que tu pusses mieux contempler ce que contient le monde. Je ne t’ai fait ni céleste ni terrestre, mortel ou immortel, afin que de toi-même, librement, à la façon d’un bon peintre ou d’un sculpteur habile, tu achèves ta propre forme. »

« Nec certam sedem, nec propriam faciem, nec munus ullum peculiare tibi dedimus, o Adam, ut quam sedem, quam faciem, quae munera tute optaveris, ea, pro voto, pro tua sententia, habeas et possideas. Definita ceteris natura intra praescriptas a nobis leges coercetur. Tu, nullis angustiis coercitus, pro tuo arbitrio, in cuius manu te posui, tibi illam praefinies. Medium te mundi posui, ut circumspiceres inde commodius quicquid est in mundo. Nec te caelestem neque terrenum, neque mortalem neque immortalem fecimus, ut tui ipsius quasi arbitrarius honorariusque plastes et fictor, in quam malueris tute formam effingas. »

(repris par Marguerite Yourcenar, dans l’Épigraphe de L’Œuvre au noir).

Conflit expression d’une divergence, risque ET opportunité d’évolution

Le conflit est l’expression d’une divergence, l’opportunité d’une évolution, d’une maturation, le risque d’une régression, d’une détérioration.

En ce sens, au moment où il apparaît, le conflit est neutre : en soi, il n’est ni bon ni mauvais. Par contre, c’est la manière dont nous allons le dire, le gérer et le digérer qui sera bonne ou mauvaise, judicieuse ou destructrice.

Texte et illustration extraits de Chomé Étienne, La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain, 2009, p. 37-41.

Première étape du parcours C-R-I-T-E-R-E

Le bruit des bottes après le silence des pantoufles

« La paix se gagne pas à pas, bien avant que ne retentissent les tambours de mobilisation. Il y a pire que le bruit des bottes : le silence des pantoufles car c’est celui-ci qui rend celui-là un jour irrémédiable. Les chrétiens sont régulièrement invités à « tout donner comme le Christ  ». Qu’est-ce que cela signifie en matière de guerre et paix ? Sommes-nous capables de nous sacrifier pour la paix comme nos arrières grands-parents se sont sacrifiés pour la guerre  ? Sommes-nous prêts à mettre le prix ?

Le Pape François souligne que l’indifférence de l’humanité à l’égard des problèmes de notre temps est l’une des menaces principales contre la paix dans le monde : « Gagne sur l’indifférence et remporte la paix » (Journée mondiale de la paix, 1er janvier 2016). L’indifférence ne peut être vaincue qu’en faisant face ensemble à ce défi. La paix est une conquête, nous dit le Pape François. Un tel bien ne s’obtient pas sans plusieurs choix lucides et courageux aujourd’hui. L’essentiel d’une bonne gestion des conflits se joue en amont de la violence : c’est aujourd’hui que nous sommes en train de perdre ou de gagner la paix de demain. Résister à la violence, c’est travailler à ne pas lui laisser le champ libre, alors même que nous disposons de nombreuses marges de manœuvre » (Chomé Étienne, La non-violence évangélique et le défi de la sortie de la violence, p. 300).

L’imagination au pouvoir

« L’imagination peut faire voir aux enfants des choses qui n’existent pas, par exemple des monstres sous leur lit. Mais cette même imagination les aide aussi à affronter certaines peurs. Lorsque votre enfant s’imagine être un superhéros capable de combattre tous les méchants de la Terre, il développe sa confiance. Vous pouvez aider votre enfant à développer son imagination et sa créativité. Voici quelques pistes :

Laissez-le jouer librement, sans imposer de règles. S’il veut dessiner des nuages jaunes ou construire un bateau avec ses blocs sans suivre de plan, c’est parfait! Évitez aussi de lui dire des phrases comme: « Ça ne se peut pas! » ou « Ce n’est pas comme ça que ça marche! »

Racontez-lui des histoires à partir de livres, de vos souvenirs ou de votre propre imagination.

Laissez votre tout-petit s’amuser avec des boîtes, des bouts de corde, des contenants vides et des morceaux de tissu. Ils offrent souvent plus de possibilités de création que les jouets à usage unique.

Donnez la chance à votre enfant de s’ennuyer à l’occasion pour activer son imagination. Lorsque vous ne répondez pas immédiatement à tous ses désirs (ex.: un jouet, votre présence pour le divertir, etc.), vous lui donnez l’occasion d’inventer un jeu pour s’occuper. Vous finirez par le trouver en train de rêvasser dans son lit ou de parler avec ses figurines.

Limitez l’utilisation de la télévision et des écrans. Cela peut empêcher votre enfant d’avoir du temps pour s’ennuyer et créer » (Solène Bourque, psychoéducatrice et l’équipe Naître et grandir).

Cultivons notre jardin

« Je sais aussi, dit Candide, qu’il faut cultiver notre jardin. Vous avez raison, dit Pangloss ; car, quand l’homme fut mis dans le jardin d’Éden, il y fut mis ut operaretur eum, pour qu’il travaillât. Toute la petite société entra dans ce louable dessein. Chacun se mit à exercer ses talents. Cultivons notre jardin » (finale de Voltaire, Candide, 1759). Voltaire invite à laisser là les principes métaphysiques du philosophe Pangloss qui mâche du brouillard et à mettre les mains dans la terre de notre parcelle, en améliorant ce qui est à notre portée…

Je pense à ce Sans-Domicile-Fixe qui trouve dans les ordures d’une maison cossue un panier vieilli. Il le vide, le nettoie et l’embellit. Puis, il le remplit de bonne terre et y sème diverses graines de fleurs multicolores. Une fois celles-ci écloses, il offre le panier à sa camarade de rue.