Par ta voix, je SUIS ma voie

Pour un sculpteur qui est devant un gros bloc de marbre, une statue existe déjà en puissance. Le sculpteur va révéler cette statue par de petits coups qu’il va adresser à l’extérieur de la statue. La statue est déjà là, le sculpteur la dégage !

Ainsi en est-il du chemin de la vie terrestre ? Tout de l’essentiel y est au départ, dans l’embryon. Puis viendront les conditionnements et les nœuds, prix à payer pour être aimés de parents imparfaits et d’un contexte qui ne peut me combler… Naître à la vie éternelle qui comble pleinement, c’est dégager tout ce qui encombre et qui est hors de qui je suis. À la fin du processus, voici ma statue : je suis qui je suis, désencombré de ce qui n’est pas qui je suis.

Bons petits coups de burin,
bons délestages !…

agréable à table

Bel exemple de l’art de mettre les pieds dans le plat
(ou de glisser sur les mots comme on marche sur une peau de banane) ?
C’est l’histoire d’un mec, non, d’un autre mec, j’en connais plusieurs, à qui on a raconté une histoire et qui l’a très bien comprise, lui, mais qu’au moment de la raconter il était bien emmerdé avec. Et l’histoire qu’on lui a raconté au mec, c’est l’histoire d’un éléphant qu’est dans la jungle.
Un éléphant normal, blanc, y s’approche de la rivière pour boire parce que là-bas y a pas de bistrots. Y va à la rivière,
y met un pied dans l’eau,
y met deuuuuuux pieds dans l’eau,
y met sa trompe dans l’eau,
et à ce moment-là, y a un crocodile qu’arrive et qui lui mange la trompe.
Et l’éléphant y s’relève et y dit : « Et fous trouffez cha trôle ! »

Et le mec à qui on a raconté l’histoire, un jour y se trouve invité à dîner chez des amis, et vous savez comment c’est, souvent les mecs y s’invitent à dîner et y n’ont pas grand-chose à se dire.

  • —Alors et toi ça va, oui ben ça va, et toi ça va ?
  • —Oui, moi, ça va et toi ?
  • —Ben, ça va et toi ?
  • —Oui ça va, et toi ça va ?
  • —Oui, ça va et toi ?
  • —Ben, ça va et toi ?
  • —Ça va, et à part ça ?
  • —Ben, ça va…
    Oui, ben deux heures ça fait long.
    Et, au bout de deux heures, y a un mec qui fait à l’autre :  » Hé, dis donc, toi qu’es rigolo, t’as qu’à nous raconter une histoire, toi qu’es rigolo. »
    Bon… Et le mec y se lève et y fait :
     » Ben voilà, c’est l’histoire d’un éléphant qu’est dans la jungle qui va au bord de la rivière pour boire, y met un pied dans l’eau, y met deuuuuuux pieds dans l’eau, y met… »
    Et, à ce moment là, y a la maîtresse de maison qui revient de la cuisine avec un clafoutis, et la maîtresse de maison a un bec de lièvre en plus du clafoutis, elle a un bec de lièvre qui part d’ici et qui finit comme ça…
    Elle arrive et elle dit :
     » Qui ch’est qui feut du chlafoutis ? »
    Alors le mec il est bien emmerdé avec son histoire.
    « Alors l’éléphant y met troiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiis pieds dans l’eau, tout ça, ceci, cela et puis à ce moment-là, y a un crocodile qui arrive, tout petit, et y lui mord la queue, tiens. »
    Et la maîtresse de maison, elle fait :
    « Et fous trouffez cha trôle ? »

L’inénarrable Coluche

Inénarrable = adjectif

  1. Sens ancien :
    qu’on ne peut raconter ; inexprimable.
  2. Sens moderne :
    dont on ne peut parler sans rire.

Des co-errances aux cohérences

Un proche vient de me partager : « Nous avons beaucoup de difficulté en ce moment avec notre ado qui nous donne du fil à retordre, il nous pousse dans nos retranchements, ce qui n’aide pas non plus l’harmonie en couple ».

Quels redoutables cadeaux que les diverses « pro-vocations » de nos ados, en quête d’identité propre, de valeurs personnelles et de cohérence interne. Puissions-nous saisir derrière les coups de butoir le bel élan de vie du jeune qui cherche à se distancier de nos co-errances parentales pour établir sa propre cohérence, saluer la bonne santé de cette rébellion adolescente quand elle manifeste que ce jeune se construit lui-même en vérité. Toute la difficulté est de discerner d’une part là où le jeune est dans ses propres errances, où il a besoin d’un accompagnement sûr et d’autre part là où il touche à une co-errance parentale, où il a besoin d’un affranchissement.

Quelle opportunité de dialogues ouverts et authentiques, inconfortables certes mais sources d’apprentissage pour tous. Car les parents peuvent aussi apprendre de leur enfant qui regarde la systémique familiale à partir d’un autre point de vue que le leur. Il peut mettre le doigt là où le bât blesse et apporter de nouvelles perspectives en bousculant les statu quo. Pour une part, ses contestations et remises en question peuvent amener les parents à évoluer, eux aussi !

Quelle délicate traversée que cette période de l’adolescence où la cohérence personnelle se construit notamment avec les « co-errances » conjugales et familiales. Quelle opportunité de croissance mutuelle et de redéfinition des relations familiales, en route vers une relation d’adulte à adulte, d’égal à égal ; tout un programme de belle présence dans une juste distance les uns par rapport aux autres…

Le long-terme = l’urgence du court-terme

« Pour réconcilier le court et le long terme, il est important de ne pas prendre certaines décisions de court terme qui obstruent la cohérence de la vision » (Stéphane Pallez).

Continuons à ne pas prendre
les vessies pour des lanternes
et à montrer que
1) les politiques de profit à court terme
finissent par coûter cher à long terme,
2) les investissements féconds à long-terme
sont la meilleure urgence du court-terme…

Triste comme un grain noir

« La tristesse enveloppe, l’ennui pénètre »
(Henri de Régnier, Donc, 1927).

« La gaieté comme la tristesse se lèvent
comme un grain noir au fond de mon horizon »
(Henri-Frédéric Amiel, Journal intime, 26 janvier 1853).

« Douceur du monde : la tristesse qu’on partage ;
les larmes qui se mêlent à d’autres larmes
sont un baume pour la douleur »
(George Sand, Jacques, 1834).

Comtes défaits comptes des faits conte de fées

Il était une fois, dans un royaume lointain,
un grand bal où se rencontrèrent de nobles Comtes défaits,
ruinés, fuyant leurs comptables & comptes des faits,
au point de se plonger dans leur propre conte de fées.
 
Ils choisirent ensemble une retraite :
vivre très simplement à la campagne sans dettes.
Ils apprirent à faire sans grande dépense la fête.
Enfin, ils eurent de bons comptes sans défaite.
Ils vécurent heureux, dans le respect de la planète.
Vive la simplification de vie, prophète !

Diamantaires aux diamants sortis de taire

Ma grand-mère m’invitait à voir chaque personne
comme un diamant brut et à en être curieux
jusqu’à en voir les éclats intérieurs !

Je te salue cordialement, cher lecteur,
qui es un univers à toi tout seul,
constellation aux possibilités infinies !

Bonnes sorties de terre et de taire,
chers diamantaires
aux diamants sortis de taire…

stérile rime avec fertile

D’où vient l’alternance des saisons stérile et fertile ? La mythologie romaine l’explique par cette histoire : alors qu’elle cueillait des fleurs au pied du volcanique Etna, la très belle Proserpine fut enlevée par Pluton (le dieu des enfers) qui voulut en faire sa reine. Cérès, la mère de Proserpine, la chercha pendant neuf jours et neuf nuits sans manger ni boire, un flambeau allumé dans chacune de ses mains. À bout et furieuse, elle rendit la terre stérile et déclencha une famine. Après une médiation compliquée de Jupiter (le frère de Cérès et de Pluton), Proserpine passera dorénavant 6 mois avec sa mère Cérès (mère heureuse => terre fertile) et 6 mois avec son mari Pluton (mère portant le deuil => terre stérile & livrées en mode hiver).

Étymologiquement, « février »  signifie « purification ». À l’approche du temps des semailles, nos ancêtres fêtaient ce temps de renouvellement où l’on termine la farine de la saison passée (vivent les crêpes) et où l’on espère les fruits de la saison qui vient. À la Chandeleur qui vient du mot « chandelle », les Romains organisaient des processions aux flambeaux et des cérémonies aux bougies qui avaient pour but de purifier les habitations et les espaces sacrés. Ce mois de février, charnière entre l’hiver et le printemps, célèbre la victoire de la lumière sur les ténèbres et l’espoir du renouveau, ce qui résonne aux oreilles chrétiennes avec la présentation de Jésus au Temple.

En marche

« L’homme est un pont, il est aussi un chemin. La santé, comme le bonheur, est sans doute dans la « marche ». La souffrance ou la maladie (mahala en hébreu), c’est être « arrêté » (mis en cercle, tourner en rond), enfermé dans ces prisons du corps, de la pensée et de l’âme que sont la douleur, l’ignorance, la folie. Aussi les grands mythes présentent-ils les voies de guérison comme des chemins où les symptômes douloureux sont à considérer comme des étapes, des haltes, où l’esprit, un moment, est cloué à la réflexion. […] Pour Jésus, comme pour tout Hébreu (selon l’étymologie que propose Philon d’Alexandrie, l’Hébreu = le migrant, l’homme qui passe), le malheur, c’est de s’arrêter, de s’identifier à une situation donnée, de se prendre pour ses symptômes. Le bonheur, la santé et le salut sont, pour lui, dans la marche. C’est pour cela qu’il aura sans cesse à dire et redire à tous ceux qu’il rencontre en chemin : « En marche! » » (Jean Yves Leloup, L’Évangile de Marie).

Ce geste fait en sécurité et enveloppé d’amour qui libère

Guérir d’un traumatisme, c’est pouvoir refaire un geste simple et naturel qui a été interdit depuis ce traumatisme et qui semble être devenu impossible depuis lors.

Plus décisif qu’un enjeu de compréhension, la guérison, ça marche par un geste approprié, une action qui rouvre une porte bloquée.

Quel est le geste qui modifie la configuration ? Il suffit d’un simple geste fait en sécurité et enveloppé d’amour !

Il se tordait, pensait de travers, voyait de travers, avait une posture physique tordue. « Ce n’est pas vous cette torsion ! » Et, tout à coup, désidentifié, il lâche le geste interdit, décharge les blocages qui y sont liés, fait le geste libérateur et se retrouve dans son axe naturel ; il redevient vivant simplement.

« Madame, vous êtes beaucoup plus que le drame que vous avez vécu ». Cessant d’être réduite à sa part prisonnière de ce drame, la voilà en train de vivre un désamalgamage et ressentir dans ses tripes de la compassion pour cette part coincée. Ça s’élargit en elle… Et voilà que les symptômes disparaissent… Et voici que sa part recroquevillée (racrapotée, dit-on encore mieux en Belgique) peut enfin se déployer et redevenir pleinement elle ; je dirais même plus : déployer ses ailes à elle !

« Arrêtez de parler, d’expliquer, de penser, de vous plaindre… et faites quelque chose, asseyez-vous convenablement, changez de position ! » (François Roustang, La Fin de la plainte, Il suffit d’un geste).

« Le thérapeute incite simplement le patient à l’action, ne sachant souvent pas ce que cette action sera » (Milton H. Erickson, Hypnotic psychotherapy, in The medical clinics of North America, 1948).

« Ce sont les réponses physiologiques, plutôt que l’événement traumatique lui-même, qui déterminent la gravité de l’impact du trauma » (Stephen Porges, Polyvagal Theory Neurophysiological Foundations of Emotions, Attachment, Communication, and Self-Regulation).

Aller dans ce sanctuaire intérieur où la sécurité et l’amour m’autorisent à me laisser à nouveau être moi, en laissant venir à moi ce geste (qui peut être métaphorique ou imaginaire) par lequel je me remets simplement à ma place : cercles vertueux entre le Self, mes parts et mon corps qui me ramènent au bon endroit, c-à-d au centre de ma vie, là où jaillit l’étincelle de la Vie, qui me font revenir au coeur de mon existence, là où je suis force douce et tranquille, lumière intacte et intègre.