En 1555, à Constantinople, l’ambassadeur de Charles Quint est reçu en audience par le Sultan. Le protocole qui veut le mettre en difficulté et l’obliger à rester debout, ne lui offre aucun fauteuil. L’ambassadeur est un Flamand qui ne se laisse pas démonter : il enlève son manteau, le met en boule et s’assoit sur son pouf improvisé comme s’il faisait cela tous les jours, tout en lançant la conversation… À la fin de celle-ci, c’est le chargé du protocole qui le rattrape : « vous oubliez votre manteau ». « Oh, excusez-moi, il n’est pas d’usage dans mon pays de partir avec les fauteuils ».
Les coachs de Charles Michel auraient été bien inspirés de le briefer sur cette anecdote bien connue dans le monde des négociateurs et de l’aider à poser les bons gestes, pour éviter ce Sofagate à Constantinople.
Vivent nos ressources capables d’ouvrir des alternatives créatives, pleines d’humanité et d’humour, là où l’interlocuteur revêche cherche à nous jouer un tour… Cf. Chomé Étienne, La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, PUL, 2009, p. 178-180, tjs disponible en français et en anglais à tarif réduit chez moi.
Dans une réunion houleuse, face à des interlocuteurs tentant d’obtenir davantage par des tactiques de pouvoir, « la priorité est de garder son calme ; c’est l’art d’ »aller au balcon », comme dit le professeur William Ury (Comment négocier avec les gens difficiles.De l’affrontement à la coopération) : imaginer monter un escalier jusqu’à un balcon qui se trouve au-dessus des protagonistes, où nous pouvons jouir de ce point de vue plus élevé. On peut imaginer prendre un hélicoptère ou encore disposer d’un troisième œil qui regarde en position d’extériorité, hors mêlée.
Si c’est possible, je peux me lever, aller me servir à la table des boissons ou aller vers la fenêtre prendre un peu d’air frais et me recomposer. En tous les cas, donner l’entière priorité à ma respiration, pour la laisser me conduire à cet espace calme au plus profond de moi » (Chomé Étienne, La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, PUL, 2009, p. 145, disponible en français et en anglais à tarif réduit chez moi).
Ce WE, lors d’un contrôle routier, Daunte Wright, un jeune Américain noir de 20 ans, a été tué par une policière qui a confondu son arme à feu et son taser électrique. Amazing USA, nation du Saturday Night Fever…
Quel choc… que cet ‘humour noir’ veut amplifier, tellement c’est choquant et inacceptable.
Distinguer la force de répression (abus de pouvoir) et force de protection (mission et rôle de la police, au service de l’Etat de droit).
« Chez les reptiles, la progéniture sortant de l’œuf est livrée à elle-même pour survivre. Les mammifères, eux, sont devenus capables d’un attachement parents-enfants, qui permet une plus grande protection des petits. Dans l’évolution des espèces, cela représente un grand progrès qui comprend, néanmoins, un prix à payer : chez les humains, le tout-petit reçoit l’amour de ses parents, sans aucun recul, il en reçoit le meilleur comme les côtés tordus. Pour obtenir la protection de ses parents et les soins indispensables à sa survie, il répond à leurs attentes inconscientes sur lui, il est formaté par les programmes parentaux, y compris leurs bugs et virus, tout comme eux aussi, avant lui, petits, ses parents avaient été conditionnés, au gré de leur propre histoire blessée.
La vie est bien faite : là même où l’enfant sacrifie son développement spontané sur l’autel du bonheur de ses parents, il éprouve une intense jouissance, celle de créer les conditions de sa survie ! Ce « plaisir biologique de survie » est engrammé au plus profond de son être, il va le réactiver comme la solution en cas de danger ou de problème. Il va le répéter tout au long de son existence, à moins de modifier le mode automatique et inconscient de son programme invariant.
La vie est, une deuxième fois, bien faite : parvenu à l’âge adulte, l’homme est capable de prendre conscience que ses conditionnements d’enfance, adéquats à l’époque, ne le sont plus aujourd’hui. Il peut ainsi les lâcher. Adulte, il ne dépend plus de ses parents, il a les ressources de se libérer et de devenir qui il est, en propre. Tel est le chemin de libération auquel la vie bien faite nous convie tous » (Étienne Chomé).
J’exprime là ce que j’ai compris d’un point de théorie dans la formation du Dr Jean Lerminiaux. Voici un exemple donné par ce neuropsychiatre belge : « Des parents ressentent inconsciemment qu’être de bons parents consiste à s’occuper de leur enfant sans compter. Ils ont eux-mêmes été élevés de la sorte. Par suite, leur rejeton ressent qu’il a intérêt à tout mettre en œuvre pour qu’ils puissent beaucoup s’occuper de lui. Il constate que c’est le cas dès qu’il tombe malade. Il perçoit comment pouvoir intéresser ses parents : se montrer chétif et en mauvaise santé devient sa manière de ne pas être abandonné et d’assurer sa survie. Il continuera à agir de la sorte pour maintenir l’intérêt de ses parents. Ce faisant, devant être malade, il fait l’énorme sacrifice de sa bonne santé » (Syllabus de la formation à la psychothérapie de la libération du ressenti par le dialogue tonico-émotionnel, p. 172).
Ma traduction libre de quelques passages de « The Hill We Climb », déclamé par Amanda Gorman, à l’investiture de Joe Biden, 20/01/2021 :
« Le jour venu, où trouver la lumière dans cette ombre qui semble sans fin ? Le calme n’est pas toujours la paix. Les normes et les notions de ce qu’est le « juste » ne sont pas toujours justice. Et pourtant, l’aube est nôtre, avant même que nous le sachions. Dans nos différences, nous unir, sans échapper aux déconfitures, sans semer la division.
La Bible nous invite à envisager un monde où chacun peut s’asseoir sous son propre figuier et jouir de sa vigne sans peur. La victoire ne sera pas dans la lame de l’épée mais dans tous les ponts que nous faisons. C’est la promesse de se réjouir, gravissant la colline, si seulement nous osons. Si nous allions miséricorde et force, force et droit, alors l’amour devient notre héritage. Notre peuple, divers et beau, émergera, meurtri et beau.
Le jour venu, nous sortons de l’ombre, enflammés et sans peur. La nouvelle aube fleurit dans cette liberté que nous lui offrons. Car il y a toujours de la lumière, si seulement nous sommes assez courageux pour le voir, si seulement nous sommes assez courageux pour l’être. »
« Il n’y a pas deux personnes qui ne s’entendent pas. Il y a seulement deux personnes qui ne se sont pas encore assez écoutées » (Proverbe sénégalais).
« Écoutons-nous les uns les autres, montrons du respect les uns pour les autres. Le désaccord ne doit pas mener à la désunion » (Joe Biden, président d’États unis depuis plus de 2 siècles, 20 janvier 2021).
« Il est temps de mettre de côté la rhétorique hostile, de nous regarder à nouveau les uns les autres et de nous écouter. Pour progresser, nous devons cesser de traiter nos adversaires comme des ennemis. Ils ne sont pas nos ennemis, ce sont nos concitoyens » (Joe Biden, 7 novembre 2020).
« Chaque désaccord ne doit pas être une cause pour la guerre totale. Mettons fin à cette guerre « incivile ». Nous pouvons nous voir comme des voisins, pas comme des ennemis. Écoutons-nous les uns les autres, montrons du respect les uns pour les autres. Le désaccord ne doit pas mener à la désunion » (Joe Biden, 20 janvier 2021).
« Les quatre étapes de la maturité affective : 1)Le bébé vit une forte dépendance à l’égard de sa mère, qu’il n’imagine pas distincte de lui. 2)Dans sa phase d’opposition systématique (« non »), le petit enfant se cherche dans la contre-dépendance. Il s’affirme et veut exister pour lui-même. 3)Puis il désirera faire tout « tout seul ». Il passe par une phase d’indépendance, pour devenir autonome. 4)Il cherchera à nouveau la relation et pourra vivre l’interdépendance quand il pourra exister en tant que personne libre et respectée comme telle (« je » + « tu » = « nous »)
En parallèle, les quatre étapes de la maturité psychologique et sociale :
1) L’égocentrique a très peu conscience de lui. Il se prend pour centre ; il fait tout tourner autour de lui.
2) L’égoïste a suffisamment conscience de soi pour tenir aux limites entre lui-même et les autres. Il est en plein dans les jeux de pouvoir. Il s’affirme, se bat, s’oppose.
3) L’égotiste ou le narcissique ne s’amuse plus avec les jeux de pouvoir. Il interroge ses valeurs, veut se trouver, cherche un développement personnel, tend à se replier dans les cocons de milieux privilégiés.
4) L’altruiste a élargi sa conscience au point de faire de la place aux autres. Il a appris à se respecter au point d’être capable d’empathie, de responsabilité civique, de coopération et de solidarité sociale » (Chomé Étienne, La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses Universitaires de Louvain, p. 174).
CommunicActions, qui diffuse la méthode CRITERE, forme les policiers à bien distinguer puis articuler trois registres radicalement différents : cadre de droit, communication vraie et négociation efficace. Par exemple, un policier n’a pas à se faire respecter par la force. Il a d’une part à faire respecter la loi par le respect de la loi (démarche complètement dépersonnalisée ; ce n’est pas toi contre moi, c’est juger les actes à partir de la justice / justesse), d’autre part à susciter un respect mutuel par des ressources relationnelles : capacités à respecter les personnes, communiquer, comprendre ce qui est en jeu…
Cf. Étienne Chomé, La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, p. 50-99 & Le nouveau paradigme de non-violence, p. 84 à 120 & 150 à 157. Ce dernier document est téléchargeable gratuitement sur http://etiennechome.site/publications-de-fond/sociopolitique/.
« La confiance en soi est la condition de la hardiesse. Il convient d’oser, d’entreprendre, si l’on veut réussir. Ose être toi-même. Dis-toi que tu en vaux un autre, et si tu as un bon mouvement, une bonne idée, une opinion, une résolution raisonnée, ne les cache pas. Agis à découvert, va à ton but franchement, sans mystère, le front levé » (Henri-Frédéric Amiel, Journal intime).