Saute-Pluton

La connais-tu, Dafné, cette ancienne romance
Au pied du sycomore, ou sous les lauriers blancs,
Sous l’olivier, le myrte, ou les saules tremblants
Cette chanson d’amour qui toujours recommence ?

Reconnais-tu le temple au péristyle immense,
Et les citrons amers où s’imprimaient tes dents,
Et la grotte, fatale aux hôtes imprudents,
Où du dragon vaincu dort l’antique semence ?

Ils reviendront, ces Dieux que tu pleures toujours !
Le temps va ramener l’ordre des anciens jours ;
La terre a tressailli d’un souffle prophétique.

Cependant la sibylle au visage latin
Est endormie encor sous l’arc de Constantin
Et rien n’a dérangé le sévère portique.

                                    Gérard de NERVAL, Delfica.