Le panenthéisme

À la différence du panthéisme, dans lequel Dieu est tout et tout est dieu, les monothéismes distinguent fondamentalement le Créateur et ses créatures. Et plus une théologie met l’accent sur la dimension transcendante de Dieu, plus les Cieux résonnent loin dans le « Notre Père qui es aux cieux ». Michel Maxime Egger, porteur d’une écospiritualité, souligne les risques de ce dualisme dans notre rapport à la nature : plus la sphère divine est séparée de la nature, plus cette dernière risque d’être réduite à de la matière désenchantée et exploitable à merci. Et, en bon orthodoxe, il rappelle une notion de sa Tradition : le panenthéisme. « Pan en Theos » en grec = « Dieu en tout » et « tout en Dieu ». « Dieu est dans l’univers, l’univers est en Dieu » (Grégoire Palamas) consonne avec le pape François : « L’univers se déploie en Dieu qui le remplit tout entier » (Laudato si). La nature est le lieu de sa Présence : la bonne voie selon le suisse Egger pour réenchanter notre relation au vivant…
Gens du nord, je nous souhaite de bons émerveillements devant les paysages givrés magnifiques ! Je vous le susurre à la manière des abeilles : par e-miel !?

Vers une théologie de la paix juste, grâce aux nouvelles pratiques en gestion des conflits

Extrait de mon dernier article publié :

Depuis le ive siècle, l’Évangile de la joue tendue a été unanimement reçu comme un appel à ne pas résister, à renoncer à ses droits propres, à supporter patiemment l’injustice. Depuis 70 ans, des groupes de chrétiens utilisant la non-violence en politique proposent une autre interprétation. « On vous a dit : Œil anti œil et dent anti dent. Moi, je dis : Ne vous anti-posez pas » (Mt 5, 38-39a) ; ἀντιστῆναι / antistènai est un terme militaire : se placer en face pour lutter, se dresser contre, s’opposer à, comme deux fronts d’armées se faisant face. Moi, je vous dis de ne pas jouer le jeu du méchant, de ne pas le laisser vous enfermer dans ce face-à-face. Moi, je vous dis de résister mais sans riposter, sans rendre coup pour coup, sans utiliser les mêmes armes que celui qui vous fait du mal. Suivent en Mt 5, 39b-41 trois exemples incisifs qui mélangent subtilement bon droit et abus de pouvoir. À chaque fois, Jésus propose une initiative déroutante qui retourne le système injuste contre lui-même, ce qui a pour effet de le subvertir de l’intérieur. En bref, tendre la joue signifie pour le subalterne non pas laisser faire mais au contraire empêcher une deuxième gifle du même ordre (le revers de la main droite sur une joue droite désigne au temps de Jésus le soufflet qui rabaisse l’esclave à son rang). Devant un visage qui se tourne à droite, le supérieur est contraint pour gifler à nouveau, d’employer l’intérieur de sa main et non plus son revers ; sur le plan social, l’effet est de reconnaître l’inférieur comme son égal ; sur le plan religieux, l’effet – rédhibitoire – est de se rendre soi-même impur. Giflé pendant son procès devant Pilate, Jésus montre comment tendre l’autre joue (le mot employé est allos et non eteros) : il établit une altérité qui touche la conscience du soldat.

Laisser mon manteau, quand je suis un pauvre endetté poursuivi par l’huissier de justice me prenant tout jusqu’aux sous-vêtements, cela revient à me déposséder de la seule chose matérielle que l’on n’a pas le droit de me prendre et aussi à me retrouver nu : retournement de la honte, par lequel se retrouve soudain sur la sellette le riche sans scrupules, qui profite de son bon droit économique de créance.

Faire mille pas de plus au service d’un agent d’occupation qui profite de son bon droit politique de réquisition, c’est une manière originale de contester avec amour ce droit que s’arroge le colon, en opérant un retournement de situation : il peut être mis en tort d’avoir dépassé la borne (plantée tous les mille pas sur les Viae Romanae) !

Cette interprétation honore le mouvement d’ensemble des « Vous avez entendu qu’il a été dit (aux Anciens)… . Or moi, je vous dis… » ; ce refrain rythme Mt 5, 21-48, avec six couplets, qui disent crescendo : la loi dit non à toutes les formes de violence, du plus proche au plus lointain, de celles que nous faisons subir aux autres (meurtre, mensonge, concupiscence) à celles que nous subissons des autres (5e et 6e antithèses). Jésus accomplit la loi, il la fait tenir debout à partir de sa racine, il l’établit définitivement selon son intention propre : « Il a été dit…, moi je donne le sens fondamental », à partir de la justice du Royaume du Père (ce sont les 3 mots récurrents et centraux de ce Sermon sur la montagne, en Mt 5, 6 et 7). Que nous soyons tous ses filles et fils, donc frères et sœurs, change radicalement nos relations… Les six antithèses / racines fonctionnent toutes selon le même mouvement : pas seulement le meurtre mais déjà les jugements diabolisant l’autre et les paroles de haine qui y conduisent. Pas seulement la finalité de la justice mais encore l’importance de choisir d’autres moyens que la violence. Non seulement un combat juste mais déjà les moyens d’une paix juste.

Au début de sa thèse sur la doctrine de la guerre juste (publiée en 1962), René Coste consacre quelques lignes à l’Évangile, juste le temps nécessaire à justifier qu’un tel amour oblatif nous parle du Royaume et qu’il n’est pas compétent pour cette problématique terre-à-terre. Il explique qu’en cette matière, seules les lumières du droit naturel éclairent. À l’opposé, à la même époque, Martin Luther King et d’autres pasteurs redonnent à l’Évangile un rôle central, en comprenant la non-violence évangélique comme un acte de résistance politique : la vie et la prédication de Jésus sont la source même de leur lutte non-violente pour faire tomber une injustice. Il est au fondement d’un cadre de pensée qui va bientôt engendrer une nouvelle théologie de la paix juste. Jésus n’a pas été un politicien et il refuse tout messianisme politico-religieux. Mais il ne fuit pas le conflit ; il crée même la confrontation. Il est assertif, franc et combatif. Le ferment de l’Évangile a mis quelques générations pour subvertir l’Empire romain mais il l’a révolutionné ! Car Jésus a sapé les fondements mêmes de la domination des uns sur les autres, de l’esclavage, de l’oppression politique et économique. En ce sens, Jésus résolument déterminé est plus révolutionnaire que les révolutionnaires » (Étienne Chomé, Vers une théologie de la paix juste, grâce aux nouvelles pratiques en gestion des conflits, dans Actes du colloque Paix des Églises : paix du monde ?, ISEO, Paris, 2023, p. 205-214).

Article complet :

Cha-nde-leur = Chaleur-den nos coeurs

La fête de la Chandeleur (= fête aux chandelles) célèbre Jésus reconnu par Syméon comme « Lumière d’Israël », lorsqu’il est présenté au Temple, quarante jours après sa naissance.

« À l’époque romaine, on fêtait vers le 15 février, le dieu de la fécondité Lupercus, car c’était le début de la saison des amours chez les oiseaux ! Les Celtes aussi fêtaient la fin de l’hiver début février. Le pape qui christianisa la Chandeleur faisait distribuer des crêpes aux pèlerins qui arrivaient à Rome. Ainsi serait née la tradition. La farine excédentaire de la récolte de l’année précédente servait à confectionner des crêpes, symbole de prospérité pour l’année à venir. La forme et la couleur de la crêpe évoque le Soleil enfin de retour après la nuit de l’hiver. Les jours allongent et le blé en herbe croît sérieusement. La crêpe protégerait la récolte de la moisissure et le foyer du malheur… » (https://croire.la-croix.com/Definitions/Fetes-religieuses/Chandeleur/D-ou-vient-la-tradition-de-la-Chandeleur).

« Chandeleur à ta porte, c’est la fin des feuilles mortes. »

« À la Chandeleur, l’hiver se meurt ou prend vigueur. »

« Rosée à la Chandeleur, l’hiver à sa dernière heure. »

 « Si point ne veux de blé charbonneux, mange des crêpes à la Chandeleur. »

« À la Chandeleur, Quéré fait des crêpes jusqu’à pas d’heure. »

Le jeu parabolique de Jésus

Extrait de l’introduction du livre que j’ai écrit sur les paraboles :

Jésus parle en paraboles afin de toucher en profondeur la conscience de ses interlocuteurs. Il évite la confrontation directe et, en même temps, ose une parole d’interpellation vive. C’est une troisième voie qui refuse la passivité autant que la contre-violence. Les paraboles évangéliques qui sont une manière bien à lui de gérer les conflits, sont étudiées par l’école de Palo Alto pour leur étonnante capacité à produire un changement chez l’auditeur.

« Convaincre » est formé en latin du préfixe « con » (ensemble) et de la racine « vincere » qui a donné « conviction ». Convaincre signifie donc « vaincre ensemble », c’est à dire dépasser ensemble une situation d’opposition, et non obliger l’autre à se rallier à ma position par le raisonnement. Il s’agit en fait d’accorder les convictions ! Jésus est lucide sur l’impasse de l’argumentation qui bloque davantage encore la partie adverse dans ses mécanismes de défense ou qui donne lieu à une escalade stérile. À travers le questionnement indirect, Jésus veille à ne pas tirer sur le nœud. Il ne défend pas sa vérité, il ne plaide pas pour sa cause, il ne cherche pas à avoir raison, il désire faire la vérité, ou mieux faire faire la vérité par ses interlocuteurs. En cela, il est précurseur de la non-violence active qui s’appuie sur la force de la vérité : la vérité déploie sa force lorsque nous ne la tirons pas à nous, lorsque nous résistons à la tentation de nous l’approprier.

[…] « La parabole offre à la recherche le champ le plus fertile, le matériau le plus disponible à la polysémie d’une actualisation incessante » (Vittorio Fusco). il y aura toujours plusieurs niveaux de lecture légitimes d’une parabole, dont aucun ne peut prétendre en épuiser le sens. Cela ne nous autorise tout de même pas à lui faire dire n’importe quoi. Mon objectif dans ce livre est de repérer le genre propre aux paraboles et le ressort propre à chacune.

Chomé Étienne, Le jeu parabolique de Jésus, une étonnante stratégie non-violente, Éditions Lumen Vitae, Collection Connaître la Bible, n° 57, 2009.

Il est là dans ton souffle

« Personne n’a une vie facile. Le seul fait d’être vivant nous porte immédiatement au plus difficile. Les liens que nous nouons dès la naissance, dès la première brûlure de l’âme au feu du souffle, ces liens sont immédiatement difficiles, inextricables, déchirants.

La vie n’est pas chose raisonnable. On ne peut, sauf à se mentir, la disposer devant soi sur plusieurs années comme une chose calme, un dessin d’architecte.

La vie n’est rien de prévisible ni d’arrangeant. Elle fond sur nous comme le fera plus tard la mort, elle est affaire de désir et le désir nous voue au déchirant et au contradictoire.

Ton génie est de t’accommoder une fois pour toute de tes contradictions, de ne rien gaspiller de tes forces à réduire ce qui ne peut l’être, ton génie est d’avancer dans la déchirure, ton génie c’est de traiter avec l’amour sans intermédiaire, d’égal à égal, et tant pis pour le reste. D’ailleurs quel reste ? » (Christian Bobin, La plus que vive).

« Je prends les ailes de l’aurore
et me pose au-delà des mers :
même là, ta main me conduit,
ta main droite me saisit.
J’avais dit : « Les ténèbres m’écrasent ! »
mais la nuit devient lumière autour de moi.
Même la ténèbre pour toi n’est pas ténèbre,
et la nuit comme le jour est lumière !

C’est toi qui as créé mes reins,
qui m’as tissé dans le sein de ma mère »
(Psaume 138/139, 9-13).

Solidarité pour plus de paix et de justice

Voici quelques morceaux extraits du message du pape François célébrant la journée mondiale de la paix, en ce 1er janvier 2023 :

Personne ne peut se sauver tout seul. […] Il a résulté de l’expérience de la Covid-19 une conscience plus forte qui invite chacun, peuples et nations, à remettre au centre le mot « ensemble ». En effet, c’est ensemble, dans la fraternité et la solidarité, que nous construisons la paix, que nous garantissons la justice et que nous surmontons les événements les plus douloureux. […] L’autre fléau : le virus de la guerre est certainement plus difficile à vaincre que ceux qui affectent l’organisme humain, car il ne vient pas de l’extérieur mais de l’intérieur, du cœur humain, corrompu par le péché (cf. Évangile de Marc 7, 17-23). […] Pensons à la lumière du bien commun, avec un sens communautaire c’est-à-dire comme un « nous » ouvert à la fraternité universelle. Nous ne pouvons pas continuer à nous protéger seulement nous-mêmes, mais il est temps de nous engager tous pour guérir notre société et notre planète, en créant les bases d’un monde plus juste et plus pacifique, effectivement engagé dans la poursuite d’un bien qui soit vraiment commun. […] Les nombreuses crises morales, sociales, politiques et économiques que nous vivons sont toutes interconnectées. Nous sommes appelés à relever les défis de notre monde, avec responsabilité et compassion, pour mettre fin aux conflits et aux guerres qui continuent à faire des victimes et à engendrer la pauvreté ; prendre soin, de manière concertée, de notre maison commune et mettre en œuvre des mesures claires et efficaces pour lutter contre le changement climatique ; combattre le virus des inégalités et garantir l’alimentation ainsi qu’un travail décent pour tous, en soutenant ceux qui n’ont pas même un salaire minimum et se trouvent en grande difficulté. Le scandale des peuples affamés nous blesse. Nous devons développer, avec des politiques appropriées, l’accueil et l’intégration, en particulier des migrants et de ceux qui vivent comme des rejetés dans nos sociétés. Ce n’est qu’en nous dépensant dans ces situations, avec un désir altruiste inspiré par l’amour infini et miséricordieux de Dieu, que nous pourrons construire un monde nouveau et contribuer à édifier le Royaume de Dieu qui est un Royaume d’amour, de justice et de paix. […] À tous les hommes et femmes de bonne volonté, je vous souhaite de construire, jour après jour en artisans de la paix, une bonne année !

Pêcheurs d’étoiles lèvent le voile

Une voix parcourt la terre,
Dieu s’approche dans la nuit ;
La semence de lumière
Donne enfin son fruit.

Voici l’heure du Royaume,
L’arbre mort a refleuri ;
Mais devant le Fils de l’homme,
Qui pourra tenir ?

À l’Orient son jour se lève,
Nul n’échappe à sa venue ;
Sa Parole comme un glaive
Met les cœurs à nu.

Seul le pauvre trouve grâce,
Seul le pauvre sait aimer :
Dieu l’invite à prendre place
Près du Fils aîné.

Et l’Agneau des sources vives,
Dieu fait chair en notre temps,
Chaque jour, sous d’humbles signes,
Vient à nos devants.

Offre-lui tes mains ouvertes,
Prends son corps livré pour toi ;
Son amour sera ta fête,
Donne-lui ta foi.

Marche encore vers la Ville
Où tes yeux verront l’Agneau,
Cherche en lui la route à suivre,
Viens au jour nouveau !

À entendre, chanté par les Sœurs de Pradines :
https://youtu.be/211yBAGdGJA !

Elles creusent en nous la terre de l’intériorité

« Jean Lavoué m’a rejoint dans ce que j’ai de plus humain, m’invitant à emprunter ce chemin intérieur où les mots dansent, où les mots sont pure poésie, cette voie intérieure qui nous unifie et nous humanise. Jean Lavoué m’a fait découvrir d’autres chercheurs en quête d’intériorité : Jean Grosjean, Charles Juliet, Jean Sullivan, Marcel Légaut ou encore Maurice Bellet. Il m’a convié à d’autres rencontres en liberté, qui creusent en nous la terre de l’intériorité, comme avec ces trois femmes juives : Etty Hillesum, Magda Hollander-Lafon, Christiane Singer. Les deux premières ont connu l’enfer des camps de concentration. Christiane a connu le cancer. Des femmes qui, malgré l’abîme à traverser, sont restées debout, pleinement humaines, pleinement libres, pleinement aimantes. Jusqu’au bout. Devenir soi, tout un poème ! Vous sentez les mots justes lorsqu’ils vibrent, vivent, irradient en vous, lorsqu’ils vous appellent à vivre. Jésus annonce la voie de l’intériorité, comme en  Jean 4,21 : ce n’est ni sur cette montagne, ni à Jérusalem, mais en chaque personne ouverte au Souffle qui la traverse que se donne à entendre la parole de Dieu » (Pascal Hubert, dont je me suis permis de raccourcir le témoignage, en allégeant la forme ça et là).

Bon Avent, c’est ! Bonnes avancées !

« Il est encore trop tôt pour savoir s’il est trop tard » (Pierre Dac).

« Laisser passer les nuits, les jours, les années, laisser danser nos vies, nos rêves, nos idées. Laisser tomber la pluie, les matins d’été et la neige, câlins d’hiver. Laisser le temps au temps » (Didier Barbelivien).

« Nankurunaisa » en japonais signifie « avec le temps, tout se règle ».