Réformes de l’impôt des multinationales + du Conseil de sécurité des Nations unies

Ce samedi 10 juillet 2021, le G20 a consolidé l’accord sur « une architecture fiscale internationale plus stable et plus équitable », qui instaure un impôt mondial d’au moins 15 % sur les bénéfices des multinationales. Bravo aux diplomates qui ont œuvré dans l’ombre avec constance pour parvenir à cette avancée majeure dans notre village devenu planétaire.

Autre avancée à y faire : la réforme du droit de veto des 5 Grandes Puissances au Conseil de sécurité des Nations unies. Sa composition et son fonctionnement qui reflètent la Realpolitik au sortir de la Seconde Guerre mondiale, ne reflètent pas la Société internationale contemporaine.

Parmi les propositions de réforme, celles qui impliquent davantage chaque continent dans le fonctionnement du Conseil et qui responsabilisent les différents groupes géographiques dans le maintien de la paix et de la sécurité internationale. Dans cette perspective davantage inclusive, les États les plus importants de ces groupes pourraient occuper des mandats à long terme renouvelables.

À partir de leurs intérêts immédiats, à courte vue de myopes, les Grandes Puissances nucléaires sont tentées de s’accrocher à leurs droits acquis du passé et de bloquer cette indispensable réforme pour une meilleure gouvernance mondiale. Aidons nos amis de ces 5 pays, notamment les Français et Britanniques, à intelligemment comprendre leurs intérêts durables, en acceptant ces changements en temps de paix, sous peine de les subir, contraints et forcés, après des conflits mal gérés, voire après une guerre : ce serait le pire des scénarios… Ensemble, tirons les leçons de l’Histoire, apprenons des 2 Guerres mondiales du siècle dernier. Faisons mieux que la Société des Nations érigée en 1919 et l’ONU érigée en 1946.

Mon modèle de base

Dans un conflit complexe, trois dimensions sont à distinguer : les conflits de structures, de vécus et d’intérêts. Ces trois types de blocages ont chacun ses remèdes spécifiques :

 3 causes :    
Des structures déficientes

Des vécus dévalorisés

Des intérêts divergents
 3 compétences : 
Le cadre de droit

La communication vraie

La négociation efficace

1) La compétence « Cadre de Droit » (abrégé CD), c’est l’autorité ferme qui respecte et fait respecter les règles. La force du droit réside dans des sanctions effectivement contraignantes, contre l’impunité, contre le droit du plus fort.

2) La compétence « Communication Vraie » (abrégé CV), c’est l’intelligence émotionnelle qui respecte les personnes. La compréhension de leurs fondements (préoccupations, besoins, motivations, intentions profondes et valeurs) améliore la qualité des relations humaines.

3) La compétence « Négociation Efficace » (abrégé NE), c’est l’intelligence rationnelle qui respecte les intérêts en jeu. La créativité invente des solutions Win-Win qui optimisent l’accord.

Les champs propres de ces trois plans sont hélas souvent confondus. On ne parvient à les articuler qu’après les avoir clairement distingués. Chaque aspect et niveau du conflit requièrent l’usage de la compétence adéquate :

Dans mes sessions, à des fins pédagogiques, j’ai mis au point un schéma conceptuel qui clarifie les enjeux. À titre d’exemple, prenons le débat entre faucons et colombes, partisans de la force et militants de la paix : 

Niveau I : La droite horizontale met en scène le débat mal posé, en raison de l’ambigüité des formulations « recours à la force » et « refus de la violence », qui créent des quiproquos tant qu’on ne dégage pas leur part de vérité mais aussi leur part d’erreur respectives. Par ailleurs, la droite horizontale se fourvoie par l’écrasement du débat sur un seul axe. Il convient de quitter les faux dilemmes de la zone I et de travailler avec plus de relief en zone II, autour des deux barres verticales.

Niveau II : Ni colonne 1 (position Domination ; bellicisme militariste dans cet exemple)

      Ni colonne 4 (position Passivité ; pacifisme absolu de principe).

     Et colonne 2, et colonne 3 : les ingrédients d’une bonne gestion des conflits sont un Cadre de Droit (CD) + une Négociation Efficace (NE), et une Communication Vraie (CV). 

Niveau III : Vider la colonne des attitudes Passivité, en les remplaçant par des attitudes CD & NE

        Vider les attitudes en colonne Domination, en les remplaçant par des attitudes CV.

Cette schématisation a l’intérêt d’organiser la discussion, de clarifier les enjeux puis d’élaborer une position intégrative. Mais c’est avant tout pour son intérêt pratique d’aide au changement  que je l’ai forgée dans mon travail de formateur et coach en Gestion des conflits : le niveau III balise un programme d’actions, par lesquelles chaque participant transforme peu à peu ses réflexes contreproductifs (attitudes spontanées DOM et PASS) en compétences consciemment acquises à l’intérieur du cadre : CD et CV et NE. Apprendre comment abandonner les stratégies contreproductives des jeux de pouvoir est un art qui s’apprend : le pouvoir est domination quand il est pouvoir sur les autres ; il est source de progrès quand, d’une part, il est pouvoir pour garantir la justice (CD) et atteindre de manière pertinente les objectifs adéquats (NE), d’autre part il est pouvoir avec les autres (CV), en en faisant des alliés et non des ennemis. C’est en ne subissant plus un pouvoir sous un dominant qu’un acteur apporte le meilleur de lui-même dans la sortie de crise.

Tiré de CHOMÉ Étienne, Le nouveau paradigme de non-violence, p. 18-20.

Jean Pic de la Mirandole

Pic de La Mirandole, Oratio de hominis dignitate :

« Je ne t’ai donné ni visage, ni place qui te soit propre, ni aucun don qui te soit particulier, ô Adam, afin que ton visage, ta place, et tes dons, tu les veuilles, les conquières et les possèdes par toi-même. Nature enferme d’autres espèces en des lois par moi établies. Mais toi, que ne limite aucune borne, par ton propre arbitre, entre les mains duquel je t’ai placé, tu te définis toi-même. Je t’ai placé au milieu du monde, afin que tu pusses mieux contempler ce que contient le monde. Je ne t’ai fait ni céleste ni terrestre, mortel ou immortel, afin que de toi-même, librement, à la façon d’un bon peintre ou d’un sculpteur habile, tu achèves ta propre forme. »

« Nec certam sedem, nec propriam faciem, nec munus ullum peculiare tibi dedimus, o Adam, ut quam sedem, quam faciem, quae munera tute optaveris, ea, pro voto, pro tua sententia, habeas et possideas. Definita ceteris natura intra praescriptas a nobis leges coercetur. Tu, nullis angustiis coercitus, pro tuo arbitrio, in cuius manu te posui, tibi illam praefinies. Medium te mundi posui, ut circumspiceres inde commodius quicquid est in mundo. Nec te caelestem neque terrenum, neque mortalem neque immortalem fecimus, ut tui ipsius quasi arbitrarius honorariusque plastes et fictor, in quam malueris tute formam effingas. »

(repris par Marguerite Yourcenar, dans l’Épigraphe de L’Œuvre au noir).

Conflit expression d’une divergence, risque ET opportunité d’évolution

Le conflit est l’expression d’une divergence, l’opportunité d’une évolution, d’une maturation, le risque d’une régression, d’une détérioration.

En ce sens, au moment où il apparaît, le conflit est neutre : en soi, il n’est ni bon ni mauvais. Par contre, c’est la manière dont nous allons le dire, le gérer et le digérer qui sera bonne ou mauvaise, judicieuse ou destructrice.

Texte et illustration extraits de Chomé Étienne, La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain, 2009, p. 37-41.

Première étape du parcours C-R-I-T-E-R-E

Le bruit des bottes après le silence des pantoufles

« La paix se gagne pas à pas, bien avant que ne retentissent les tambours de mobilisation. Il y a pire que le bruit des bottes : le silence des pantoufles car c’est celui-ci qui rend celui-là un jour irrémédiable. Les chrétiens sont régulièrement invités à « tout donner comme le Christ  ». Qu’est-ce que cela signifie en matière de guerre et paix ? Sommes-nous capables de nous sacrifier pour la paix comme nos arrières grands-parents se sont sacrifiés pour la guerre  ? Sommes-nous prêts à mettre le prix ?

Le Pape François souligne que l’indifférence de l’humanité à l’égard des problèmes de notre temps est l’une des menaces principales contre la paix dans le monde : « Gagne sur l’indifférence et remporte la paix » (Journée mondiale de la paix, 1er janvier 2016). L’indifférence ne peut être vaincue qu’en faisant face ensemble à ce défi. La paix est une conquête, nous dit le Pape François. Un tel bien ne s’obtient pas sans plusieurs choix lucides et courageux aujourd’hui. L’essentiel d’une bonne gestion des conflits se joue en amont de la violence : c’est aujourd’hui que nous sommes en train de perdre ou de gagner la paix de demain. Résister à la violence, c’est travailler à ne pas lui laisser le champ libre, alors même que nous disposons de nombreuses marges de manœuvre » (Chomé Étienne, La non-violence évangélique et le défi de la sortie de la violence, p. 300).

L’imagination au pouvoir

« L’imagination peut faire voir aux enfants des choses qui n’existent pas, par exemple des monstres sous leur lit. Mais cette même imagination les aide aussi à affronter certaines peurs. Lorsque votre enfant s’imagine être un superhéros capable de combattre tous les méchants de la Terre, il développe sa confiance. Vous pouvez aider votre enfant à développer son imagination et sa créativité. Voici quelques pistes :

Laissez-le jouer librement, sans imposer de règles. S’il veut dessiner des nuages jaunes ou construire un bateau avec ses blocs sans suivre de plan, c’est parfait! Évitez aussi de lui dire des phrases comme: « Ça ne se peut pas! » ou « Ce n’est pas comme ça que ça marche! »

Racontez-lui des histoires à partir de livres, de vos souvenirs ou de votre propre imagination.

Laissez votre tout-petit s’amuser avec des boîtes, des bouts de corde, des contenants vides et des morceaux de tissu. Ils offrent souvent plus de possibilités de création que les jouets à usage unique.

Donnez la chance à votre enfant de s’ennuyer à l’occasion pour activer son imagination. Lorsque vous ne répondez pas immédiatement à tous ses désirs (ex.: un jouet, votre présence pour le divertir, etc.), vous lui donnez l’occasion d’inventer un jeu pour s’occuper. Vous finirez par le trouver en train de rêvasser dans son lit ou de parler avec ses figurines.

Limitez l’utilisation de la télévision et des écrans. Cela peut empêcher votre enfant d’avoir du temps pour s’ennuyer et créer » (Solène Bourque, psychoéducatrice et l’équipe Naître et grandir).

Cultivons notre jardin

« Je sais aussi, dit Candide, qu’il faut cultiver notre jardin. Vous avez raison, dit Pangloss ; car, quand l’homme fut mis dans le jardin d’Éden, il y fut mis ut operaretur eum, pour qu’il travaillât. Toute la petite société entra dans ce louable dessein. Chacun se mit à exercer ses talents. Cultivons notre jardin » (finale de Voltaire, Candide, 1759). Voltaire invite à laisser là les principes métaphysiques du philosophe Pangloss qui mâche du brouillard et à mettre les mains dans la terre de notre parcelle, en améliorant ce qui est à notre portée…

Je pense à ce Sans-Domicile-Fixe qui trouve dans les ordures d’une maison cossue un panier vieilli. Il le vide, le nettoie et l’embellit. Puis, il le remplit de bonne terre et y sème diverses graines de fleurs multicolores. Une fois celles-ci écloses, il offre le panier à sa camarade de rue.

Souplesse adaptative pas contre, plutôt avec

« La pratique du surf m’a appris à glisser sur la vague avec le plus de légèreté possible, en m’accommodant des événements plutôt qu’en essayant de les tordre. J’ai expérimenté que la résistance génère de la résistance et qu’il faut accepter la vague pour ne pas couler » (Priscille Déborah, la première Française bionique, surmontant l’amputation des 2 jambes et du bras droit en 2006, dans Une vie à inventer, p. 92, paru le 21/4/21).

« Vivant, Napoléon a manqué le monde. Mort, il le possède

Où est-il donc « le plus puissant souffle de vie qui jamais anima l’argile humaine » ? Cette formule est de Chateaubriand qui fit le meilleur résumé du destin de Napoléon Bonaparte : « Vivant, il a manqué le monde. Mort, il le conquiert, le possède ». Ce que développe Mathieu Schwartz dans son film Napoléon, la destinée et la mort. À Sainte-Hélène, « ce roc noir que le diable a chié entre deux voyages », sans évasion possible, « Napoléon tient à poser en martyr face à la postérité. Artiste de son destin, il a pressenti qu’en devenant une victime, on le verrait d’une façon différente. Pour que le despote se mue en victime, il lui faut un bourreau ; ce sera le gouverneur anglais Hudson Lowe. Napoléon n’avait pas envie d’avoir un geôlier compatissant ou clément. Il lui fallait un geôlier impitoyable qui s’en prenne à lui et restreigne ses libertés. Il va ainsi complètement inverser son image, en cherchant à créer l’image d’un Christ de l’époque moderne. Le 19e siècle en fait un nouveau Messie. L’homme qui croyait en son destin est devenu une légende ».

Voici des propos de Napoléon lui-même dans ses Mémoires à Sainte-Hélène :

« Si je fusse mort sur le trône, dans les nuages de la toute-puissance, je serais demeuré un problème pour bien des gens ; aujourd’hui, grâce au malheur, chaque heure me dépouille de ma peau de tyran. […] La Révolution a été la cause de la vraie régénération de nos mœurs, comme les plus sales fumiers provoquent la plus noble végétation. Dans une grande affaire, on est toujours forcé de donner quelque chose au hasard… Dans l’imagination comme dans le calcul, la force de l’inconnu est incommensurable. […] Je demande ma liberté ou un bourreau. Je me dois à ma gloire et, si je la sacrifie, je ne suis plus rien. Le pouvoir absolu n’a pas besoin de mentir ; il se tait. Le gouvernement responsable, obligé de parler, déguise et ment effrontément.

Le malheur a aussi ses bons côtés, il nous apprend des vérités… C’est seulement maintenant qu’il m’est donné d’examiner les choses en philosophe. […] Les grands hommes aiment la gloire de ceux qui leur ressemblent. L’infortune seule manquait à ma renommée ; j’ai porté la couronne impériale de la France, la couronne de fer de l’Italie ; et maintenant l’Angleterre m’en a donné une autre plus grande encore et plus glorieuse -celle portée par le sauveur du monde- une couronne d’épines. Mon grand talent c’est de voir clair. C’est la perpendiculaire plus courte que l’oblique. Il faut que je meure ici ou que la France vienne me chercher. Si Jésus Christ n’était pas mort sur la croix, il ne serait plus Dieu. »

En disant « Je m’offre en sacrifice à la haine des ennemis de la France. Je proclame mon fils sous le nom de Napoléon II, empereur des français » (22 juin 1815, au lendemain de la défaite de Waterloo), Napoléon inverse encore le sens authentique du sacrifice, lui qui a sacrifié des dizaines de milliers de vie sur les champs de bataille pour la gloire de son pays, qu’il confond avec sa propre gloire.

Créer une alternative créative face à une tentative de piège qui réduit et enferme

En 1555, à Constantinople, l’ambassadeur de Charles Quint est reçu en audience par le Sultan. Le protocole qui veut le mettre en difficulté et l’obliger à rester debout, ne lui offre aucun fauteuil. L’ambassadeur est un Flamand qui ne se laisse pas démonter : il enlève son manteau, le met en boule et s’assoit sur son pouf improvisé comme s’il faisait cela tous les jours, tout en lançant la conversation… À la fin de celle-ci, c’est le chargé du protocole qui le rattrape : « vous oubliez votre manteau ». « Oh, excusez-moi, il n’est pas d’usage dans mon pays de partir avec les fauteuils ».

Les coachs de Charles Michel auraient été bien inspirés de le briefer sur cette anecdote bien connue dans le monde des négociateurs et de l’aider à poser les bons gestes, pour éviter ce Sofagate à Constantinople.

Vivent nos ressources capables d’ouvrir des alternatives créatives, pleines d’humanité et d’humour, là où l’interlocuteur revêche cherche à nous jouer un tour… Cf. Chomé Étienne, La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, PUL, 2009, p. 178-180, tjs disponible en français et en anglais à tarif réduit chez moi.