Les « tu » qui tuent ; les klaxons-poisons

Étape 4 de la formation C-R-I-T-E-R-E : traduire tout J-R-E, en allant au trésor caché derrière.

3 familles de poison relationnel :

1) les jugements : rendre l’autre responsable du problème (« Tu es égoïste », « Tu ne comprends jamais rien »,…) ;

2) les reproches : rendre l’autre responsable de ce que je ressens (« Tu me déçois », tu me mets en colère »,…) ;

3) les exigences : les verbes au mode impératif qui ne laissent pas le choix à l’autre.

Les jugements dévalorisent.

Les reproches culpabilisent.

Les exigences intimident.

Au creux de toute parole-poison sur l’autre, se cache une parole de soi, un trésor. Une parole sur l’autre (tu-jugement, tu-reproche, tu-exigence) peut être recentrée comme une parole de soi-même et redevient alors un cadeau parfumé. Exemple : « Tu ne me comprends pas » => « Il y a là un point sur lequel je tiens à être compris. Je souhaite avoir un espace de parole sans interruption pendant 5 minutes. Es-tu d’accord ? Oui ! OK… Et serait-ce possible qu’après ces 5 minutes, tu redises dans tes propres mots ce que tu as compris ? »

(Étienne Chomé, La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, p. 192-222).  

Des rendez-vous réguliers, où chacun peut exprimer ce qu’il vit de difficile. Les enjeux d’éviter d’éviter de communiquer…

En cas de divergence, on évite la confrontation pour ne pas faire d’étincelles, pour échapper à la violence. Mais on s’y condamne sous des formes indirectes et sournoises quand 1) la violence se cache à l’intérieur de la personne qui n’ose pas dire franchement (frustration + colère ravalées, mal-à-dire psychomatisé, dévalorisation de soi, etc.) ; 2) la violence contenue s’accumule et n’est que reportée (gare au jour où elle éclatera) ; 3) la violence est mise au congélateur et se fige : d’un côté, rempart qui nous protège de la crise ouverte, de l’autre cloison de séparation (vies en parallèle, apartheid, ghetto…).

Certes, il vaut mieux éviter le conflit plutôt que de mal le gérer / mettre le feu aux poudres. Mais on évite faute de mieux. Or, il y a mieux : les ressources existent, qui nous apprennent à bien gérer le conflit / vivre la confrontation de la divergence sans violence.

Une communication courageuse est facilitée quand nous cultivons l’habitude de rendez-vous réguliers, où chacun peut déposer ce qu’il vit de difficile.

Cf. Étienne Chomé, La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain, 2009, p. 28-47 (1ère étape de la formation).

Emprise et harcèlement : il faut être deux pour danser le tango

Sur l’emprise et le harcèlement, voici un extrait de mon livre La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain, 2009, pp. 134-136 + 119 (étape 3 de la formation) :

Des chercheurs américains en criminologie ont établi un lien entre le sentiment d’insécurité et la fréquence des agressions : les personnes qui redoutent le plus d’être agressées sont celles qui sont le plus susceptibles de l’être ! Plus je me comporte en persécuté, plus je risque de rencontrer un persécuteur. Plus un enseignant a peur d’être chahuté par ses élèves, plus il le sera. Pour sortir de cette spirale, le défi est de brouiller le modèle de relation duale oppresseur/oppressé, sortir du schéma où l’oppresseur « fait son métier » et où, de même, la victime donne les réponses attendues d’une victime.

Un pouvoir ne peut s’exercer que dans une relation. Un roi sans sujets n’a aucune autorité. De même qu’un leader n’existe que s’il est suivi, un manipulateur a besoin d’un manipulé pour exister. Sans la voile, le vent ne peut entraîner le voilier. « Personne ne peut vous rendre inférieur sans votre consentement » (Eleanor Roosevelt). Domination et soumission jouent en tandem. « Neuf fois sur dix, le pouvoir que les autres prennent sur nous, c’est nous qui le leur avons donné » (François Delivré). « Si l’autre vous attaque avec efficacité, il y a de grandes chances pour que vous ayez creusé vous-même le piège dans lequel vous tombez » (IRÉNÉ, ESSEC Centre de Recherche & LEARN, ESC-Lille Cergy). « Les jeux de pouvoir ne peuvent s’installer que s’il y a une complicité entre les deux partenaires, chacun alimentant et renforçant le jeu de l’autre. Que j’entre dans son jeu de pouvoir ou que j’y résiste, j’alimente la force de mon interlocuteur : non seulement, le maître et l’esclave sont tous deux complices des jeux de pouvoir, mais en plus, tous deux ont du pouvoir l’un sur l’autre » (Jean-Jacques Crèvecoeur).

Le harcèlement est une forme d’emprise psychologique. Par un jeu relationnel implicite, deux individus avec leurs caractéristiques personnelles ainsi que leurs histoires individuelles se retrouvent associés dans une relation perverse. Cette relation s’amorce généralement par une période positive suivie d’une dérive des limites, la future victime acceptant de plus en plus de choses. Cf. document sur les situations de conflit, de harcèlement et d’emprise au travail, Service Public Fédéral belge : www.emploi.belgique.be. La tactique de la ridiculisation est en général une arme redoutable mais elle n’aura aucun effet si la personne en face n’éprouve aucun embarras. Il y a même alors un retournement : c’est celui qui dit, qui l’est ! L’arroseur s’arrose en fait lui-même. La tactique de gêner l’autre agit comme un pétard mouillé si l’autre n’a aucune gêne.

De la culpabilisation au respect de nos espaces respectifs

La base d’une relation saine, c’est une communication sincère, sans jeux de pouvoir l’un sur l’autre, qui respecte l’espace de chacun.e.

1) Respecter et faire respecter mon propre espace. Quand je parle en « je », je dé-couvre (= j’écarte ce qui recouvre) ce que je vis, ce que je porte en vérité, sans m’emmêler à toi. J’assume pleinement la responsabilité de ce que je ressens (ma colère / tristesse / peur est chez moi ! Elle m’appartient à 100%) et de mes besoins (« j’ai besoin que tu… » n’est pas mon propre besoin ; faire alors un U-Turn et descendre en moi, écouter ce que disent mes tripes). Je reste chez moi et ma communication te permet de me rencontrer dans mon monde.

2) Respecter et faire respecter ton propre espace. Quand je parle en « tu », je pose une question « Est-ce important pour toi de… ? », avec la seule intention de te donner la parole au bon endroit (registre des besoins), de découvrir ta planète à toi.

3) Ramener toute parole qui emmêle ton bout et le mien à son expéditeur. Une parole sur l’autre (tu-jugement, tu-reproche, tu-exigence) peut être recentrée comme une parole de soi-même et redevient alors un cadeau : prendre soin du trésor porté par soi-même. Exemple : « Tu ne me comprends pas » => « Il y a là un point sur lequel je tiens à être compris. Je souhaite avoir un espace de parole sans interruption pendant 5 minutes. Es-tu d’accord ? Oui ! OK… Et serait-ce possible qu’après ces 5 minutes, tu redises dans tes propres mots ce que tu as compris ? »

La base d’une relation toxique : ça interagit tellement vite qu’on ne sait plus qui est responsable de quoi dans ce qui a été dit et fait…

C’est vrai dans une relation interpersonnelle, ce l’est aussi à l’intérieur de soi-même, quand plusieurs parts se font la guerre ou agissent dans une grande cacophonie). 

Étapes 5 et 6 du parcours de formation dans la méthode C-R-I-T-E-R-E.

Tout bon développement personnel . . . . . . . . . . . . . . . conduit au dépouillement personnel

« Un besoin n’a pas d’abord besoin d’être satisfait, il a surtout besoin d’être reçu, reconnu, écouté. Et quand il y a en moi de la générosité pour l’accueillir, quand je regarde avec lui ce qui lui ferait du bien concrètement, voilà que ce besoin n’a plus la même nécessité impérieuse d’être assouvi. C’est comme si, en étant honoré et pris au sérieux, il goûte à l’essentiel, savoure ma présence bienveillante qui prend soin de lui. Et, du coup, il quitte la place centrale qu’il occupait jusque-là, les stratégies deviennent accessoires. Il y a plus d’espace en moi, une ouverture à une aspiration plus profonde, des motivation et intention plus fondamentales…

Ainsi, un développement personnel authentique ne conduit pas au nombrilisme égocentrique : « moi, je ; moi, je ». il réalise un magnifique désencombrement et donne envie d’un véritable altruisme. Car, une fois l’empathie aux commandes, qui cesse d’être soi-niant devient soignant » (Étienne Chomé, Apprendre à mieux gérer nos conflits. Une communication vraie et une négociation efficace, paru en 2005 à l’île Maurice, p. 175-177 + La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, de 2009, p. 237-239).  

Étape 6 du parcours de formation C-R-I-T-E-R-E !

La sanction-réparation se distingue radicalement de la punition-répression

Étape 2 du parcours de formation C-R-I-T-E-R-E : remplacer toute punition par une sanction.

La sanction-réparation (S) se distingue radicalement de la punition-répression (P).

1) S se décide hors crise et se décide avant tout délit
<  > P se décide après coup ou, pire, sur le coup.

2) S = force de la loi et du droit (dispositif juste, application dépersonnalisée)
<  >  P = loi et droit du plus fort (mesure subjective et arbitraire).

3) C’est l’acte qui est sanctionné <  > C’est la personne qui est punie.

4) S réhabilite le contrevenant, le réintègre dans le groupe
<  > P l’exclut davantage et le détourne de sa responsabilité.

5) La réparation tourne les protagonistes vers l’avenir <  > La répression les tourne vers le passé (« tu paies ce que tu as fait », « bien fait pour toi »).

6) S remet les compteurs à zéro, met un terme à la transgression
<  > P renforce une spirale de violence.

Je développe tous ces points dans La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, p. 70 sq & Le nouveau paradigme de non-violence, p. 154 sq. (disponible http://etiennechome.site/publications-de-fond/sociopolitique/).

Je ne suis pas condamné à subir toute ma vie un comportement-réflexe

Dans « La folle aventure de Louis de Funès », Lucie Cariès retrouve des images d’archives illustrant les colères de Louis de Funès face à « un paresseux ou un incompétent sur le plateau ». Le plus souvent, quand ça ne tourne pas comme il le souhaite, de Funès dégage « une froideur polaire et c’est sa femme qui se charge de dire en face ce qui fâche. Sa femme est à la fois son ange et sa gardienne… ».

En langage IFS, la colère et la froideur polaire sont des « protecteurs », dont la stratégie de défense s’est mise en place il y a bien longtemps ; dans le cas de Louis de Funès, face à une mère qui faisait souvent de terribles colères et à un père qui brillait par ses absences. La colère et le retrait sont des stratégies plutôt opposées. Pourtant, les deux parts qui s’y disent ont la même intention et le même rôle : protéger une part repliée dans sa blessure, plus cachée à l’intérieur et plus fragile, qui cherche le réconfort et le soulagement de sa peine. Une telle libération pourra se faire grâce à une relation nouvelle que la personne adulte peut offrir, à partir de son Self, à cette part en souffrance.

Par ailleurs, le couple de Funès illustre bien la théorie IMAGO : « nous choisissons un.e partenaire qui 1) a à la fois les qualités et les défauts des personnes qui nous ont élevés, 2) compense les parties positives de nous-mêmes, [les ressources] dont avons été amputées dans notre enfance » (Harville HENDRIX, Le couple, mode d’emploi, p. 89).

Ni conflit violent, ni conflit évité, mais une gestion constructive de la divergence

« J’ai appris qu’il ne faut pas croire, parce que deux personnes se disputent, qu’elles ne s’aiment pas. Ou qu’elles s’aiment parce qu’elles ne se disputent pas » (H. Jackson Brown Jr).

« Il n’y a pas deux personnes qui ne s’entendent pas. Il y a seulement deux personnes qui n’ont pas encore assez discuté » (proverbe sénégalais).

« Un vieux proverbe arabe dit : « Ne déplorez pas que les rosiers aient des épines. Réjouissez-vous plutôt que les buissons d’épines aient des roses ». Il ne faut pas se scandaliser des malentendus. Ils sont actuellement la condition humaine normale. L’étonnant n’est pas qu’il y ait tant de différences, mais que, malgré ces différences, le dialogue soit parfois possible. Et ainsi tout dialogue qui réussit tant soit peu est un succès » (Dominique Pire).

Le dialogue qui distingue nettement le moment où je parle et où j’écoute : Es-tu disposé.e à venir me rejoindre dans mon monde ? 

Dans un dialogue IMAGO, le couple commence par créer un pont de bienveillance : se relier l’un à l’autre, non pas à partir de nos têtes mais à partir de nos cœurs profonds. Puis, celui/celle qui va s’exprimer demande à celui/celle qui va écouter avec empathie : « Es-tu disposé.e à venir me rejoindre dans mon monde ? » Quand l’un.e est l’émetteur, l’autre est uniquement récepteur. Puis ils inversent.

« Après dix ans de pratique de l’Imago, nous découvrons que certaines situations qui plombaient notre union n’ont plus ce même pouvoir de destruction. Au contraire, elles peuvent nous aider à faire grandir notre amour et notre compassion l’un pour l’autre. D’autres situations provoquent encore des réactions de part et d’autre, mais nous savons enfin que, quoi qu’il se passe, chacune de ces réactions est une invitation à continuer le chemin ensemble » (Trippi Carlo, La thérapie Imago. Une nouvelle approche de l’aventure du couple, Éditions Jouvence, 2008, p. 20).