Emprise et harcèlement : il faut être deux pour danser le tango

Sur l’emprise et le harcèlement, voici un extrait de mon livre La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain, 2009, pp. 134-136 + 119 (étape 3 de la formation) :

Des chercheurs américains en criminologie ont établi un lien entre le sentiment d’insécurité et la fréquence des agressions : les personnes qui redoutent le plus d’être agressées sont celles qui sont le plus susceptibles de l’être ! Plus je me comporte en persécuté, plus je risque de rencontrer un persécuteur. Plus un enseignant a peur d’être chahuté par ses élèves, plus il le sera. Pour sortir de cette spirale, le défi est de brouiller le modèle de relation duale oppresseur/oppressé, sortir du schéma où l’oppresseur « fait son métier » et où, de même, la victime donne les réponses attendues d’une victime.

Un pouvoir ne peut s’exercer que dans une relation. Un roi sans sujets n’a aucune autorité. De même qu’un leader n’existe que s’il est suivi, un manipulateur a besoin d’un manipulé pour exister. Sans la voile, le vent ne peut entraîner le voilier. « Personne ne peut vous rendre inférieur sans votre consentement » (Eleanor Roosevelt). Domination et soumission jouent en tandem. « Neuf fois sur dix, le pouvoir que les autres prennent sur nous, c’est nous qui le leur avons donné » (François Delivré). « Si l’autre vous attaque avec efficacité, il y a de grandes chances pour que vous ayez creusé vous-même le piège dans lequel vous tombez » (IRÉNÉ, ESSEC Centre de Recherche & LEARN, ESC-Lille Cergy). « Les jeux de pouvoir ne peuvent s’installer que s’il y a une complicité entre les deux partenaires, chacun alimentant et renforçant le jeu de l’autre. Que j’entre dans son jeu de pouvoir ou que j’y résiste, j’alimente la force de mon interlocuteur : non seulement, le maître et l’esclave sont tous deux complices des jeux de pouvoir, mais en plus, tous deux ont du pouvoir l’un sur l’autre » (Jean-Jacques Crèvecoeur).

Le harcèlement est une forme d’emprise psychologique. Par un jeu relationnel implicite, deux individus avec leurs caractéristiques personnelles ainsi que leurs histoires individuelles se retrouvent associés dans une relation perverse. Cette relation s’amorce généralement par une période positive suivie d’une dérive des limites, la future victime acceptant de plus en plus de choses. Cf. document sur les situations de conflit, de harcèlement et d’emprise au travail, Service Public Fédéral belge : www.emploi.belgique.be. La tactique de la ridiculisation est en général une arme redoutable mais elle n’aura aucun effet si la personne en face n’éprouve aucun embarras. Il y a même alors un retournement : c’est celui qui dit, qui l’est ! L’arroseur s’arrose en fait lui-même. La tactique de gêner l’autre agit comme un pétard mouillé si l’autre n’a aucune gêne.