Prendre au sérieux de ne pas se prendre au sérieux

« S’il te plait, appelle-moi par mes vrais noms
Ne dis pas que je partirai demain,
car je nais aujourd’hui encore.
Regarde profondément : je nais à chaque seconde.
Je suis un bourgeon sur une branche au printemps.
Je suis un petit oiseau aux ailes encore fragiles
qui apprend à chanter dans son nouveau nid.
Je suis une chenille au cœur d’une fleur.
Je suis un joyau caché dans la roche.
Je ne cesse de naître, pour rire et pour pleurer,
pour craindre et espérer.
Le rythme de mon cœur, c’est la naissance
et la mort de tous les êtres en vie.
Je suis l’éphémère se métamorphosant à la surface de la rivière
et je suis l’oiseau qui, quand le printemps arrive,
naît juste à temps pour manger l’éphémère.
Je suis la grenouille qui nage heureuse dans l’étang clair
et je suis l’orvet qui, approchant en silence,
se nourrit de la grenouille.
[…]
Ma joie est comme le printemps,
si chaude qu’elle fait fleurir les fleurs
sur tous les chemins de la vie.
Ma souffrance est comme une rivière de larmes,
si pleine qu’elle remplit les quatre océans.
S’il vous plaît, appelez-moi par mes vrais noms,
que j’entende ensemble mes cris et mes rires,
que je voie ma joie mais aussi mes peines.
S’il vous plaît, appelez-moi par mes vrais noms
pour que je puisse me réveiller
et pour que reste ouverte la porte de mon cœur,
la porte de la compassion… »
(Thich Nhat Hanh, moine bouddhiste décédé le 22/1/22).