Conditions d’une campagne de désobéissance civile

Selon Hugo Bedau, pour qu’une campagne d’actions non-violente soit reconnue comme désobéissance civile dans un État de droit , elle doit réunir les conditions suivantes : être exprimée publiquement, en nom propre, de façon collective, en spécifiant en quoi l’obligation légale bafoue un droit fondamental et en fondant cette revendication sur l’invocation d’un principe supérieur à la simple légalité (égalité, justice, solidarité ou dignité). Cf. Hugo Bedau, On Civil Disobedience, dans Journal of Philosophy, n° 58, 1961, p. 653-665. 

Albert Ogien y ajoute que « ce refus doit faire l’objet d’une action en justice (civile ou administrative), car le procès est considéré comme la tribune du haut de laquelle la question du caractère néfaste ou scélérat d’un texte réglementaire peut être rouverte dans le débat public » (Albert Ogien, La désobéissance civile peut-elle être un droit ? dans Droit et société, n° 91, 2015/3, p. 579 à 592).

« Il existe une différence essentielle entre le criminel qui prend soin de dissimuler à tous les regards ses actes répréhensibles et celui qui fait acte de désobéissance civile en défiant les autorités et s’institue lui-même porteur d’un autre droit. Cette distinction est naturellement invoquée comme un argument primordial par tous ceux qui s’efforcent de faire reconnaître que la désobéissance civile n’est pas incompatible avec les lois et les institutions publiques […]. Le délinquant de droit commun, par contre, même s’il appartient à une organisation criminelle, agit uniquement dans son propre intérêt ; il refuse de s’incliner devant la volonté du groupe et ne cédera qu’à la violence des services chargés d’imposer le respect de la loi. Celui qui fait acte de désobéissance civile, tout en étant généralement en désaccord avec une majorité, agit au nom et en faveur d’un groupe particulier. Il lance un défi aux lois et à l’autorité établie à partir d’un désaccord fondamental, et non parce qu’il entend personnellement bénéficier d’un passe-droit » (Hannah ARENDT, Du mensonge à la violence, 1972, p. 76-77 dans la traduction française).