Liberté, créativité é ternité

« Au-dessus de ce bout de route qui nous reste ouvert, le ciel s’étale tout entier. On ne peut rien nous faire, vraiment rien. On peut nous rendre la vie assez dure, nous dépouiller de certains biens matériels, nous enlever une certaine liberté de mouvement tout extérieure, mais c’est nous mêmes qui nous dépouillons de nos meilleures forces par une attitude psychologique désastreuse. En nous sentant persécutés, humiliés, opprimés. En éprouvant de la haine. En crânant pour cacher notre peur. On a bien le droit d’être triste et abattu, de temps en temps, par ce qu’on nous fait subir ; c’est humain et compréhensible. Et pourtant, la vraie spoliation c’est nous-mêmes qui nous l’infligeons. Je trouve la vie belle et je me sens libre. En moi des cieux se déploient aussi vastes que le firmament. Je crois en Dieu et je crois en l’homme, j’ose le dire sans fausse honte. La vie est difficile mais ce n’est pas grave. Il faut commencer par « prendre au sérieux son propre sérieux », le reste vient de soi-même. Travailler à soi-même, ce n’est pas faire preuve d’individualisme morbide. Si la paix s’installe un jour, elle ne pourra être authentique que si chaque individu fait d’abord la paix en soi-même, extirpe tout sentiment de haine pour quelque race ou quelque peuple que ce soit ou bien domine cette haine et la change en autre chose, peut-être même à la longue en amour ou est-ce trop demander ? C’est pourtant la seule solution. Je pourrais continuer ainsi des pages entières. Ce petit morceau d’éternité qu’on porte en soi, on peut l’épuiser en un mot aussi bien qu‘en dix gros traités » (Etty Hillesum, juive hollandaise emprisonnée et morte à Auschwitz en 1943, dans Une vie bouleversée, 1941-1943, p. 132 dans l’édition Points).

Vigne émondée pour prendre soin de l’essentiel

« Dans les vieilles vignes, on voit le parcours très sinueux de pieds qui se sont tordus dans tous les sens et qui ont fini par trouver leur voie vers la lumière.  On peut être tordu et quand même trouver petit à petit le chemin du ciel, de la lumière, de la joie de Dieu !

Le vigneron attache sa vigne pour la faire monter et lui donner la capacité de recevoir le plus de lumière possible. Jésus s’est présenté comme une vigne dont son père est le vigneron et nous les sarments. Pour que nous portions du bon fruit et beaucoup de fruit, notre Père du Ciel émonde tout ce qui dépasse pour nous faire aller à l’essentiel » (un moine témoignant de sa vie monastique dans le documentaire La Règle bénédictine & l’art de gouverner).

Sa gloire, Son rayonnement

Prendre un temps de retraite, se retirer en silence (au moins une heure par jour, un jour par semaine, une semaine par an), contempler Son rayonnement, Sa gloire (kabôd dans la bible : sa densité, son pesant d’or, sa manifeste présence) autour de moi et en moi, comment elle pénètre et éclaire tout : mes ombres et mes lumières… Descendre peu à peu dans cet ample espace où monte ma musique sacrée et s’activent mes pas de danse autour de mon axe de lumière… Respirer la joie d’‘être simplement’.

« Le Seigneur lui-même marchait à leur tête : le jour dans une colonne de nuée pour leur ouvrir la route, la nuit dans une colonne de feu pour les éclairer ; ainsi pouvaient-ils marcher jour et nuit » (Exode 13,21).

« La nuée couvrit la tente de la Rencontre, et la gloire du Seigneur remplit la Demeure. À chaque étape, lorsque la nuée s’élevait et quittait la Demeure, les fils d’Israël levaient le camp. Si la nuée ne s’élevait pas, ils campaient jusqu’au jour où elle s’élevait. Dans la journée, la nuée du Seigneur reposait sur la Demeure, et la nuit, un feu brillait dans la nuée aux yeux de tout Israël. Et il en fut ainsi à toutes leurs étapes » (Exode 40,34‑38).

« Le Seigneur est mon berger, je ne manque de rien.
Sur des prés d’herbe fraîche, il me fait reposer » (psaume 22).

Hasard et Providence

« La Providence est-elle le nom de baptême du Hasard ?

Le Hasard est-il un sobriquet de la Providence ? »
(inspiré de Nicolas de Chamfort, Maximes et pensées, 1781).

« Tu naquis : ma tendresse, invisible et présente,
ne livra pas mon œuvre aux chances du hasard.
J’échauffai de tes sens la sève languissante,
des feux de mon regard.

D’un lait mystérieux, je remplis la mamelle.
Tu t’enivras sans peine à ces sources d’amour.
J’affermis les ressorts, j’arrondis la prunelle
où se peignit le jour.

Ton âme, quelque temps par les sens éclipsée,
comme tes yeux au jour, s’ouvrit à la raison.
Tu pensas, la parole acheva ta pensée,
et j’y gravai mon nom »
(Alphonse de LAMARTINE, La providence à l’homme).

Silence d’or

Dans L’âme de la prière, Benoit XVI présente un Jésus constamment relié à son Père. C’est de cette Vie-là que jaillit de l’intérieur de Lui cet élan vers les autres, cet accueil des autres dans l’amour.

« La force qui a guéri le sourd-muet est provoquée par la compassion de Jésus pour lui ET provient du recours au Père. Ces deux relations (fraternelle et filiale) se rencontrent pour guérir » (p. 171).

« Sa relation permanente et intense avec le Père » (p. 172).

« Avant que le don ne soit donné, adhérer à celui qui donne. Le donateur est plus précieux que le don » (p. 174).

« Redécouvrir le caractère central de la parole de Dieu dans la vie de l’Église veut découvrir le sens du recueillement et de la paix intérieure. La grande tradition patristique nous enseigne que les mystères du Christ sont liés au silence ; par lui seul, la Parole peut faire en nous sa demeure, comme chez Marie, qui est inséparablement la femme de la Parole et du silence» (n° 66).

Ce principe – que sans le silence, on n’entend pas, on n’écoute pas, on ne reçoit pas une parole – vaut surtout pour la prière personnelle, mais aussi pour nos liturgies : pour faciliter une écoute authentique, elles doivent être aussi riches de moments de silence et d’accueil sans parole. La remarque de saint Augustin est toujours valable « Verbo crescente, verba deficiunt » (Sermons 288,5) :
quand le Verbe de Dieu augmente, les paroles de l’homme manquent » (p. 221). Les paroles de l’homme sont d’autant plus pauvres et inutiles que le Verbe de Dieu augmente…

Dans l’image, « Élie s’envole… Hélice en vol ! », dixit mon cher professeur d’exégèse, Jean Radermakers, jésuite belge décédé le 12 juin 2021, à l’âge de 96 ans. Pour les non-Belges, photo de notre roi Philippe, qui est pilote d’hélicoptère ! CQFD (pour avoir des vers holorimes).

Tu crois en toi ?

« La thérapie ne commence qu’à partir du moment où le malade se rend compte que ce ne sont pas son père et sa mère qui lui barrent la route, mais que c’est lui-même, c’est-à-dire une partie inconsciente de sa personnalité, qui prolonge et perpétue le rôle du père et de la mère » (Jung, Psychologie de l’Inconscient).

« Accompagner quelqu’un ne consiste pas à le porter sur ses épaules mais à lui apprendre à se servir de ses ailes » (Sophie Alandry).

Noël nous fait entrer dans notre rêve et dans notre propre vérité

« Les rois mages nous apprennent à lire les chemins des étoiles. Nous devrions vivre étoilés. Quand les mages sortent de cette étable, – ce lieu infréquentable pour des rois et pour un Dieu –, leur étoile s’est arrêtée au ciel sur la terre. Car elle n’allait pas plus loin ; elle reste là immobile (mais scintillante), défiant, comme le soleil de Josué, toutes les lois de Newton, toutes les lois monotones et de simple raison. Un vieux diptyque du Moyen Âge nous montre l’enfant dans l’étoile. Une fois que nous aurons appris à regarder notre grandeur et notre preuve, et dans une étoile et dans une étable, comme les mages nous partirons ou repartirons « par un autre chemin ».
[…] « À qui donc l’avez-vous fait ressembler ? » (cf. Is 40, 18). Ne nous trompons pas de Dieu : le Dieu sauveur nous permet d’entrer dans notre rêve et dans notre propre vérité »
(Adolphe GESCHÉ, Dieu, preuve de l’homme, dans NRT, 1990, p. 9 et 11).

Peur du virus ?

La part de moi qui a peur de mourir, cherche à rester vivante jusqu’au paradoxe que, pour préserver la vie, elle s’empêche de Vivre !
Tandis qu’au cœur de mon cœur, je me baigne avec confiance dans
cette Vie surabondante, donnée et reçue bien au-delà de mes morts.

« C’est toi qui as créé mes reins, qui m’as tissé dans le sein de ma mère. Je reconnais devant toi le prodige, l’être étonnant que je suis » (Psaume 138).

« Un chef-d’œuvre se prépare dans chaque femme enceinte. Mais cette œuvre d’art va naître inachevée et Dieu a voulu qu’il en soit ainsi pour que nous participions à notre propre création. Par les choix libres, posés chaque jour, nous devenons l’artisan de notre propre vie. […] Devenir une personne de confiance, un être libre et responsable, un véritable enfant de Dieu, cela prend beaucoup de temps, le temps d’une vie, et ne va pas sans souffrance, car devenir enfant de Dieu c’est renoncer à devenir enfant du monde qui passe » (Soeur Marie-Lys Nuville). Merci, Anne J., de me l’avoir partagé !

« Je me tiens en paix et en silence comme un enfant sur le sein de sa mère » (Ps 131).

À quoi passes-tu ton temps ?
À t’inquiéter d’un virus
ou à danser l’angélus ?
à partir de l’utérus
de cette crèche qui détend
les sauvés conscients, confiants.

Comment pourrais-je perdre la vie ?
Je suis déjà dans cette Vie
qui ne passe pas grâce à Celui
qui a les Paroles de la Vie !
Amen, oui, il en est ainsi.

Cet amour qui vient de plus loin et de plus proche

L’Amour est plus fort que nos blessures et nos étroitesses. J’ai mon caractère, mes traits de génie, mes personnalités vives, parfois à vif, mes failles, mes défaillances et mes errances. J’ai surtout l’expérience de l’Amour qui fait de chaque moment un possible basculement du cœur de pierre en cœur de chair, qui fait de chaque matin l’opportunité d’une Vie nouvelle, d’un nouveau départ, dans l’humble accueil de tes traits de génie, tes côtés solaires, comme de tes failles, tes défaillances et tes errances…