Des si déments, décidément

« Mais il n’y aura pas pour toujours des ténèbres sur ce pays envahi par l’angoisse… Le peuple qui vivait dans les ténèbres verra briller une grande lumière… » (Isaïe 8,23 ; 9,1).

« La Parole est faite chair et la lumière de Dieu vient briller dans les ténèbres de notre humanité » (Isaïe 9,5-6 ; Jean 1,1-5).

Passages bibliques cités par Augustin Nkundabashaka dans le Bulletin de Noël 2023 du M.I.R.-France (branche française du Mouvement International de la Réconciliation), qui présente le travail de plusieurs des personnes avec qui je collabore étroitement :

cf. le bulletin de Noël du M.I.R.

L’épiphanie d’une nouvelle royauté

La « galette des rois » est une tradition bien vivante chez nous :
le premier dimanche de janvier, pour l’Épiphanie, on “tire les rois”
en famille. Cette année, nous avons la joie de vivre cette tradition
avec des Mauriciens qui ne connaissent rien de cette tradition.
Alors, je la raconte ici.

Le clou de la fête est au dessert, autour de la galette à frangipane
(en forme de couronne) qui a été cuite pour l’occasion avec,
en son sein, une fève cachée : aussitôt que la personne
dont la part de gâteau contient la fève la découvre,
elle est reconnue reine/roi et elle choisit qui sera
roi/reine avec elle, pour toute la journée.
Et on leur met une couronne royale dorée sur la tête.
Au moment de la découpe de la galette, comme tous prennent
un malin plaisir à repérer dans quelle part se trouve la fève,
la personne la plus jeune d’entre nous est envoyée sous la table
pour être la voix innocente : la maîtresse de maison pointe une
part de gâteau en lui demandant à qui attribuer cette part…

Cette fête existait avant le christianisme. Après le solstice d’hiver,
les Romains fêtaient le retour de la lumière de cette manière : 
maîtres et esclaves de la même maisonnée partageaient un gâteau,
souvent fourré de miel et de datte, dans lequel était cachée la fève,
sorte de tirage au sort de la personne honorée en roi/reine pour un jour.

Ce que les chrétiens ont apporté à cette fête, c’est un sens neuf
de la royauté, de la couronne (forme qu’ils vont donner
à la galette) et de la lumière.

Il y a les rois, au sens des chercheurs de l’essentiel
qui ont la joie de connecter le Ciel et qui auront la
surprise d’être illuminés de l’intérieur d’une étable :
« Où est le roi des Juifs qui vient de naître ?
Nous avons vu se lever son étoile et nous
sommes venus nous prosterner devant lui. »

Il y a Hérode, le roi-politicien, qui cherche à éliminer le rival :
« Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant.
Et quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi pour
que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »

« Avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode,
les sages d’Orient regagnèrent leur pays
par un autre chemin » (Mt 2, 1-12).

Il y a ce bébé innocent dans la mangeoire,
dont tout l’être irradie d’une lumière nouvelle,
dont la couronne royale deviendra couronne d’épines…
Et la Passion commence déjà dès sa naissance :
à tour de bras, le roi Hérode crucifie de saints
innocents, hier comme aujourd’hui encore !

Je nous souhaite belle réception de cette lumière
autre que celle du soleil extérieur
et bonne royauté alternative !

L’Épiphanie dans tous les sens / l’essence ?

En littérature, « épiphanie d’une réalité » se dit d’une prise de conscience soudaine et lumineuse de la nature profonde de cette réalité : on parle d’une épiphanie de la musique, de l’épiphanie d’une amitié…

Dans son sens philosophique, « épiphanie » convient pour l’expérience d’une personne qui découvre une nouvelle information ou expérience, souvent insignifiante en elle-même, qui illumine de façon fondamentale l’ensemble. C’est voir la chose dans son intégralité, après avoir rassemblé toutes les pièces du puzzle ; genre Archimède s’écriant « Eurêka / J’ai trouvé ».

Fêter l’épiphanie, le 6 janvier, serait-ce donc célébrer la joie que les pièces du puzzle biblique sont désormais toutes assemblées ? Les mages, en quête du sens premier de la vie, partent de chez eux, quatre à quatre. Les voici à côté d’un bœuf et d’un âne, pour reconnaître et honorer le Fond de l’être, que ce bébé incarne si bien et que nous pouvons percevoir, en déployant notre stéthoscope divin, avec ses antennes célestes et capteurs terrestres…

Bonne fête de l’Épiphanie…

Journée mondiale de la paix

« Les développements technologiques qui ne conduisent pas à une amélioration de la qualité de vie de l’ensemble de l’humanité, mais qui au contraire exacerbent les inégalités et les conflits, ne pourront jamais être considérés comme un véritable progrès » (Pape François, Intelligence artificielle et paix, 57ème journée mondiale de la paix célébrée le 1er janvier 2024).

Banané 2024, vou zot tou !
Et-tiennent chauds-mets
pour vous les servir…

« Mari chouette les veillées » : en créole mauricien, « mari » est un adverbe qui signifie « très »   / « tellement ». Exemples : « Mari top ça », « Mari bon ça », « Mari loin ça ».

La vulnérabilité de Dieu

« Noël c’est le moment où nous embrassons la vulnérabilité de Dieu »
(Soeur Mary Leddy).

Voici une phrase pour le moins énigmatique et une injonction insolite : embrasser la vulnérabilité de Dieu ? Le besoin de protection et la vulnérabilité se manifestent le plus souvent dans des situations extrêmement brutales. Les images d’Ukraine, d’Israël/Palestine et de nombreux autres endroits du monde ne cessent de nous en faire prendre conscience. Le message que transportent ces images est que les victimes ont besoin de protection, de sécurité, ce qui se traduit au quotidien par des bombes, des chars, des obus, des murs et des frontières. Mais sommes-nous capables de voir autre chose, quand nous sommes confrontés à ces images ? Sommes-nous capables de percevoir cet autre message : cessez enfin de vouloir nous protéger par les armes qui provoquent tant de souffrance et de destruction et qui suscitent invariablement la riposte, violente elle aussi.

Des parents israéliens qui ont perdu un enfant dans des attentats terroristes du Hamas palestinien et des parents palestiniens dont les enfants ont été tués par des soldats israéliens expriment ensemble leur blessure morale, leur deuil. Ils ont fondé l’organisation Parents Circle. Leur message : mettez fin à la haine ! Elle ne fera pas revivre nos enfants. Notre responsabilité commune est de rompre ce cycle infernal de la violence et de la contre-violence !

Ce message-là, l’enfant dans la crèche nous le fait entendre. Regardez : voici un être humain, un petit enfant qui a besoin des autres. Protégez cet enfant, protégez chaque être humain et tout particulièrement ceux qui sont les plus faibles et les plus vulnérables.

La vulnérabilité de Dieu est l’antithèse des systèmes de sécurité militaires et de la course mondiale aux armements qui engloutit chaque année des sommes colossales et fait grimper toujours plus haut la spirale de la haine, des menaces, des attaques et de la vengeance. « En Jésus-Christ, Dieu s’est désarmé », dit la théologienne évangélique Dorothee Sölle.

C’est le grand défi que nous lance son existence marquée par la vulnérabilité : celui de prendre le risque de notre propre vulnérabilité. Celle-ci nous accompagnera tout au long de notre vie, malgré tous les systèmes de sécurité. Si nous acceptons de reconnaître notre commune vulnérabilité et notre besoin de protection, nous deviendrons de plus en plus responsables, non seulement envers nous-mêmes, mais aussi envers l’autre, l’étranger, et nous nous encouragerons mutuellement à coopérer plutôt qu’à nous affronter, à aller les uns vers les autres plutôt qu’à ériger des murs entre nous.

Je vous adresse toutes mes salutations, en ces temps si sombres, avec les paroles d’un choral de l’Oratorio de Noël de Jean-Sébastien Bach :
Apparais, ô lumière du matin,
Et laisse poindre le ciel !
Vous, les bergers, n’ayez pas peur,
Car l’ange vous dit
Que ce faible petit garçon
Sera notre réconfort et notre joie,
En plus il contraindra Satan
Et apportera la paix – enfin !
Au nom du Conseil d’administration,
Antje Heider-Rottwilm, présidente de Church and Peace
https://www.church-and-peace.org/fr/2023/12/embrasser-la-vulnerabilite-de-dieu-a-noel/

Alliées plus qu’ennemies

Je viens de lire « À la mémoire de Thérèse qui a perdu son combat contre le cancer, à 85 ans ». « Perdre son combat contre… » ? Cette mise en mots ne correspond pas à la sagesse que la vie m’enseigne par rapport à la maladie et à la mort.

Voici ce qui sonne juste en moi, du point de vue biologique, puis psychique.

Dans la toute grande majorité des cas, les bactéries, virus et microbes (qui sont plus nombreux sur notre peau que les cellules humaines) cohabitent en symbiose et en collaboration avec notre organisme.

Plutôt que de lutter contre la maladie, la sagesse m’invite à l’écouter avec soin comme un utile signal d’alerte, en ce sens qu’à travers elle, s’expriment les membres de mon corps et de mon équipe intérieure, m’indiquant ce dont j’ai à prendre soin prioritairement, ici et maintenant. Pour aller plus loin, cf. mon post https://etiennechome.site/le-processus-naturel-de-guerison-devant-une-attaque-externe/

Et plutôt que de lutter contre la mort, la sagesse me prie d’accueillir le sens profond de ma vie et les étapes de mon pèlerinage sur le chemin de la Vie véritable.

J’ajoute, en outre, un point de vue biblique.

a) En Matthieu 5,38-39, le mot « contre » (ἀντί) est répété trois fois coup sur coup pour nous avertir du piège de « se battre contre ». À tous les niveaux, Jésus nous prie de sortir du piège mimétique de la violence. Et la violence commence déjà en ‘nous’-même, contre ce que ‘nous’ n’aimons pas en ‘nous’-même (il est intéressant d’accueillir ces 3 ‘nous’ différents…).

b) L’Apocalypse nous révèle qu’à la fin des temps, la bataille finale entre les Forces du Bien et du Mal sera aussi simple qu’un lever de soleil, dissipant les ténèbres, dans une totale asymétrie : la clarté du jour vient dissiper l’obscurité de la nuit. Il n’y aura aucune lutte contre mais bien l’avènement de la Vérité authentique. Pour en savoir plus à ce propos, cf. https://etiennechome.site/5387-2/.

Bonne fête d’Hanoucca, la fête juive des lumières (durant huit jours, chaque soir, chaque chaumière allume les lumières de Hanoucca).

Élie, le prophète éduqué par Dieu à une juste non-violence

Étienne Chomé, Élie, le prophète éduqué par Dieu à une juste non-violence, Bruxelles, IET, 2007, 7 pages A4 disponibles ici en entier :

Et voici quelques extraits de mon article sur Élie, écrit il y a 16 ans, …pour aujourd’hui encore :  « Élie dit au peuple : « saisissez les prophètes de Baal et égorgeons-les. Que pas un ne s’échappe ! » » (1 R 18,40). Il s’est trouvé à toutes les époques des hommes pour légitimer à partir de ce verset biblique les moyens violents de leur bonne cause. Aujourd’hui encore, en Israël, ce passage est cité par des militaires juifs qui trouvent dans leur ancêtre le modèle d’une foi virile, courageuse et ferme dans le combat contre l’ennemi d’Israël. Aujourd’hui encore, sur une des hauteurs du Mont Carmel, en Israël, le prophète Élie est représenté une épée à la main, les têtes de ses ennemis, les prophètes de Baal, à ses pieds. Pour comprendre la présence et l’action de Dieu dans ce verset, il faut lire et bien comprendre sa présence et son action dans les chapitres 17 à 19 qui forment un tout structuré en trois parties.

[…] Accusé par le roi, Élie retrouve sa logique d’affrontement et lance un défi. Il relance sa guerre sainte… Il se met au centre. Dans son ardeur, il tend à caricaturer et à diaboliser les autres. […] Non seulement Élie n’obéit pas à Dieu qui lui a demandé en 18,1 de transmettre au roi Sa promesse de vie, mais en plus il exploite l’information reçue, pour orchestrer une éclatante victoire contre ses adversaires adeptes de Baal. […] Plus grave, Élie tire à nouveau la couverture à lui au moment-clé de son holocauste, […] comme le souligne l’exégète André Wenin : « Contrairement à ce qu’il dit, ce n’est pas par la parole du Seigneur qu’il a fait toutes ces choses. Ni le déclenchement de la famine, ni l’agression du roi aux abois, ni encore ce rassemblement au Carmel ne lui ont été suggérés par la parole divine ».

[…] Par sa malédiction (au chap. 17,1) et par sa logique de puissance (dès le début du chap. 18), Élie a contribué à l’envenimement du conflit, à son escalade. La violence engendrant la violence, Élie perd le contrôle de la situation qu’il avait jusque-là bien en mains. L’entrée en scène de la reine Jézabel renverse les données. Et au jeu de la force, c`est elle qui va avoir le dernier mot. Élie se retrouve en danger de mort, il prend peur et fuit pour sauver sa vie. « C’est ainsi qu’Élie découvre à quoi mène la logique de puissance dont il n’a pu se défaire : la violence de l’orgueil qui cherche à dominer l’autre –le roi–, violence de l’élimination de l’autre –les prophètes de Baal–, violence de la preuve assénée qui prive l’autre –Dieu– à fournir un signe indubitable de puissance » (Wénin). Dans l’impasse, Élie s’écrie : « Seigneur, prends ma vie car je ne vaux pas mieux que mes pères » (1 R 19,4). Sa vulnérabilité et sa faiblesse vont à nouveau être l’occasion pour Dieu de se faire mieux connaître : Il est le Seigneur de la Vie, pas de la mort, Seigneur du don de soi, pas de la violence, qui va accompagner Élie avec douceur, sagesse, patience, jusqu’à la renonciation de la violence ».

Chamarel Cham Harel Chats-marelle

Chamarel, ce beau coin de l’île Maurice, avec sa terre aux 7 couleurs, du rouge au brun à cause des oxydes de fer et du bleu au violet à cause des oxydes d’aluminium. Comme les particules de fer et d’aluminium sont répulsives, les 7 sables colorés même mélangés se réarrangent et se remettent à côté de ceux qui ont la même couleur : qui se ressemble, s’assemble ? Qu’en est-il des 7 couleurs de l’arc-en-ciel et de nos communautés / communes ôtées ?-

Fête du 2 novembre

Selon Albert Chapelle, un de mes maîtres de jeunesse, la mort est rupture de rythme, éclatement des temps : cet abrupt qui nous fait tous tomber dans un abîme qui semble séparer les êtres irrémédiablement. La Bible tient à souligner que Dieu n’a pas fait la mort et qu’Il lui a réservé une surprise de taille. En portant le poids de la mort jusqu’au bout de l’Amour, Dieu Père-Mère, Fils et Esprit révèle le surcroît de Vie que la Trinité nous offre gratuitement. La mort est devenue cet hiatus par lequel Dieu nous donne accès à la Vie éternelle ! Pour qui accueille la vie de Jésus, s’y manifeste l’immensité de l’Amour divin et la surabondance de ses éternelle surprise et éternel surcroît…

Vivent nos défunts que nous honorons par cette fête du 2 novembre…

Déconstruire pour reconstruire

Jésus est un spécialiste du recadrage… « Chacune des paraboles ici étudiées l’a illustré : au cœur du jeu parabolique, s’exerce un ressort en 3 temps : 1) la parabole détend d’abord et comprend son destinataire ; 2) puis, elle tend ailleurs et le surprend par un coup de théâtre, un renversement de situation ; 3) enfin, elle lui tend la perche en lui lançant un « prends position » ! Nous avons à chaque fois examiné comment la parabole, par ce jeu de recadrage, constitue un langage de changement d’une redoutable performativité pour appeler à un comportement nouveau.

Dans les quatre derniers exemples, nous avons comparé la parabole à une opération de sauvetage de quelqu’un qui est tombé dans un trou. 1) Elle commence par lui tendre la main. 2) Une fois qu’elle le tient bien, elle le tire vers le haut pour l’en sortir. 3) Enfin, elle lui demande de tenir debout par lui-même. Hélas, au moment où la parabole cherche à le sortir du trou, il arrive qu’il lâche la main et retombe au fond du trou. Il va alors comprendre la parabole à l’envers, lui faire dire son contraire. Incapable de voir le ressort de la parabole dans le deuxième mouvement, il va la réduire dans le mouvement premier. Il se convainc que la parabole légitime la conduite qu’en réalité, elle conteste. C’est le risque pris par l’art parabolique qui commence par entrer dans la perspective de son destinataire. Nous avons montré à chaque fois comment la parabole prend soin d’aménager d’abord un terrain d’entente, une plate-forme commune, en obtenant son assentiment sur un point, lequel sert alors de levier pour tenter de surmonter le dissentiment » (dans la conclusion de Chomé Étienne, Le jeu parabolique de Jésus, une étonnante stratégie non-violente, Éditions Lumen Vitae, Collection Connaître la Bible, n° 57, 2009).