Idéologie = mensonge cataracte de la vérité

1945 : « Alors même que l’empire nippon est condamné, les Japonais sont nourris de la foi inébranlable que le sacrifice du soldat peut inverser le cours de l’histoire. Vaine illusion ! L’armée japonaise n’est plus que l’ombre d’elle-même. […] Avant de quitter ses fonctions, le Général Tojo avait exhorté les soldats de l’empereur : ne survivez pas dans la honte en tant que prisonniers. Mourrez pour ne pas laisser l’ignominie derrière vous.  Depuis, les opérations-suicide se multiplient. Des milliers d’aviateurs sont encore prêts au sacrifice suprême. Avant de décoller, un jeune kamikaze écrit : « les ordres sont tombés pour l’attaque dont nous ne reviendrons jamais. Je ne ressens pas le moindre regret. Tout ce qu’il me reste à faire, c’est d’exécuter le devoir pour lequel j’ai été entraîné et de remplir le mandat impérial ».

[…] En Manchourie, le rouleau-compresseur russe anéantit les troupes nippones. Débordés, les fantassins de l’armée impériale se sacrifient dans d’inutiles assauts à la baïonnette. Le cri de Banzai résonne partout sur le front. La Manchourie s’effondre à une vitesse étonnante. […] La bombe sur Hiroshima n’a pas fait à elle seule capituler le Japon, pas plus que celle sur Nagasaki. Et, pourtant, la légende de l ‘arme-miracle arrêtant net une guerre interminable reste bien vivace. Côté américain, elle a permis de justifier la soumission du Japon aux seuls Etats-Unis, excluant le rôle de l’Union soviétique dans la victoire. Côté japonais, elle a servi ses dirigeants : elle leur a permis de se présenter en victimes et de faire oublier qu’ils avaient été bourreaux, elle a occulté toutes les responsabilités, à commencer par celles de l’empereur » (Documentaire Les coulisses de l’Histoire. Hiroshima, la défaite de Staline, épisode 3).

L’union fait la force… la force de la non-violence

Voici un extrait d’Étienne Chomé, Le nouveau paradigme de non violence,
p. 197-200, disponible sur http://etiennechome.site/publications-de…/sociopolitique/ où se trouvent l’apparat critique et les références) :

La première clé du succès d’une action non-violente, c’est « la force organisée dans l’action appuyée sur le nombre ». […] En Asie, Lao-Tseu a dit il y a 2.500 ans : « Dans l’univers, c’est le plus doux qui vainc le plus fort. Rien au monde n’est plus doux ni plus faible que l’eau, et cependant rien ne la dépasse pour détruire ce qui est dur. II n’y a personne au monde qui l’ignore, mais personne au monde ne met ce principe en application. » Et Gandhi le prit au sérieux : « Au sens exact du mot, l’Inde n’est pas un pays conquis, mais elle est devenue britannique parce que la grande majorité de son peuple, pour des motifs peut-être égoïstes, a accepté le gouvernement britannique. » « Les Anglais n’ont pas pris l’Inde ; nous la leur avons donnée. » « Je suis absolument convaincu que personne ne perd sa liberté si ce n’est du fait même de sa propre faiblesse. Ce ne sont pas tant les fusils britanniques qui sont responsables de notre sujétion que notre coopération volontaire. Le gouvernement n’a aucun pouvoir en-dehors de la coopération volontaire ou forcée du peuple. La force qu’il exerce, c’est notre peuple qui la lui donne entièrement. Sans notre appui, cent mille Européens ne pourraient pas même tenir la septième partie de nos villages. […] La question que nous avons devant nous est par conséquent d’opposer notre volonté à celle du gouvernement ou, en d’autres termes, de lui retirer notre coopération. Si nous nous montrons fermes dans notre intention, le gouvernement sera forcé de plier devant notre volonté ou de disparaître. […] En effet, une nation de 350 millions de personnes n’a pas besoin du poignard de l’assassin, elle n’a pas besoin du poison, elle n’a pas besoin de l’épée, de la lance ou du fusil. Il lui suffit d’avoir sa propre volonté, d’être capable de dire « non », et cette nation apprend aujourd’hui à dire « non ». » Voilà pourquoi il avait l’audace de dire aux gouvernants britanniques avec une détermination à toute épreuve : « Vous avez de grandes forces militaires. La puissance de votre marine est sans équivalent. Si nous voulions nous battre avec vous sur votre terrain, nous n’en serions pas capables ; mais, si vous n’acceptez pas nos demandes, nous arrêtons de jouer les gouvernés. Si cela vous fait plaisir, vous pouvez nous couper en morceaux. Vous pouvez nous écraser avec la bouche de vos canons. Si vous agissez contre notre volonté, nous ne vous aiderons pas, et sans notre aide, nous savons que vous ne pouvez avancer d’un pas. »

Sur le continent américain, dans sa lutte contre la discrimination raciale aux États-Unis, le pasteur baptiste Martin Luther King (1929-1968) utilisa aussi cette force du groupe. Il organisa par exemple un sit in de mille personnes devant un bar réservé aux Blancs. Leur rassemblement avait l’effet de bloquer son entrée et d’attirer l’attention sur les problèmes de discrimination. Ou encore, quand un noir venait s’asseoir au comptoir du bar, il était directement arrêté par des policiers blancs mais également remplacé par un autre noir, et ainsi de suite durablement, jusqu’à manquer de prisons ! Elles étaient pleines à craquer de noirs fiers, résolus et moralement forts. Que Gandhi et Martin Luther King soient assassinés en 1948 et en 1968 n’a pas empêché la doctrine de la non-violence de se propager. En Amérique du Sud, l’archevêque Helder Câmara ose dire : « Si je suis seul à me lever contre l’injustice, je serai écrasé. Si nous sommes dix ou même cent, nous serons encore écrasés. Mais si tout un peuple se lève, alors les armes de l’oppression deviennent dérisoires. » Concrètement, « si un membre du Mouvement, agissant en accord avec les principes et les méthodes de violence pacifique, est mis en prison, une des forces du Mouvement serait de pouvoir rassembler des dizaines, des centaines, des milliers de compagnons qui accepteraient de se présenter aussi, au même instant, aux portes de la prison, s’affirmant solidaires du frère outragé. Il est clair que cela ferait sensation. Et à travers l’écho des journaux, des radios et de la télévision, et à travers les agences de presse, le mouvement obtiendrait une résonance nationale et internationale ».

En Afrique, après un bras de fer de trente ans, le régime d’apartheid des Afrikaners est contraint début des années 90 d’admettre la nécessité d’une sortie de crise négociée avec le Congrès National Africain. Dans les pourparlers, Nelson Mandela, emprisonné depuis 26 ans, s’adresse ainsi aux plus hauts gradés militaires sud-africains : « Si vous voulez la guerre, je dois admettre honnêtement que nous ne pourrons pas vous affronter sur les champs de bataille. Nous n’en avons pas les moyens. La lutte sera longue et âpre, beaucoup mourront, le pays pourrait finir en cendres. Mais n’oubliez pas deux choses. Vous ne pouvez pas gagner en raison de notre nombre : impossible de nous tuer tous. Et vous ne pouvez pas gagner en raison de la communauté internationale. Elle se ralliera à nous et nous soutiendra. » Et le journaliste sud-africain blanc, Allister Sparks, qui raconte cette rencontre dans son livre Demain est un autre pays, de commenter ce moment historique : le général Viljoen fut obligé d’en convenir, les deux hommes se toisèrent, tout en faisant face à la vérité de leur dépendance mutuelle. L’écrivain sud-africain noir, Ndebele Njabulo, prolongea Allister Sparks : « Cette déclaration, acceptée par tous les participants à cette réunion, résume l’un des grands facteurs qui a mené à la création, en 1995, de la Commission Vérité et Réconciliation. À la base de tout compromis, il faut que les parties en conflit soient disposées à renoncer à leurs objectifs inconciliables, et tendent ensuite vers un accord qui puisse procurer des avantages substantiels aux uns et aux autres. Le gouvernement de l’apartheid désirait conserver les rênes du pouvoir, mais était disposé à accepter un élargissement de la participation politique des Noirs. L’ANC souhaitait l’élimination complète du pouvoir blanc. Aucun de ces objectifs ne paraissait réalisable sans guerre totale. Le meilleur intérêt de chacun était d’éviter cet affrontement. En échange de son retrait du pouvoir, le gouvernement de l’apartheid aux abois exigeait notamment l’amnistie générale de tous ses agents, en particulier la police et l’armée. […] Finalement, l’accord se fit sur une amnistie sous conditions. »

En Europe, il y a 500 ans déjà, Érasme (1469-1536) s’était exclamé : « J’en appelle à vous tous, sans discrimination… Tous unis dans les mêmes sentiments, conspirez à l’avènement de la paix. Montrez alors quel poids représente l’union de la foule des citoyens contre la tyrannie des puissants. » Rabelais (1494-1553) était d’accord avec lui : l’oppression ne provient pas d’abord des ordres du prince mais plutôt de la soumission de la masse silencieuse. Dans leur foulée, s’était levée la voix du jeune Étienne de La Boétie (1530-1563): « Je désirerais seulement qu’on me fît comprendre comment il se peut que tant d’hommes, tant de villes, tant de nations supportent quelquefois tout d’un tyran seul, qui n’a puissance que celle qu’on lui donne, qui n’a pouvoir de leur nuire qu’autant qu’ils veulent bien l’endurer, et qui ne pourrait leur faire aucun mal s’ils aimaient mieux tout souffrir de lui que de le contredire. […] Lorsque les soldats d’un tyran sévissent à travers champs et villages, c’est le peuple lui-même qui s’asservit, qui se coupe la gorge. […] Si on ne leur obéit point, sans combattre, sans frapper, ils demeurent nus et défaits et ne sont plus rien, sinon que comme la racine, n’ayant plus d’humeur ou aliment, la branche devient sèche et morte. […] Au tyran, il ne faut pas lui ôter rien, mais ne lui donner rien. Soyez résolus de ne servir plus, et vous voilà libres. Je ne veux pas que vous le poussiez ou l’ébranliez, mais seulement ne le soutenez plus, et vous le verrez, comme un grand colosse dont on a dérobé la base, s’écrouler de son poids même et se briser. […] De la raison, il y a en chacun « quelque naturelle semence » que l’éducation fait lever ou étouffer. » En une phrase, les tyrans ne sont grands que parce que nous sommes à genoux.

En Europe de l’Est, après l’échec du printemps de Prague devant les chars soviétiques en 1968, Václav Havel a mis la Tchécoslovaquie sur les chemins d’une « révolution de velours », en misant sur l’organisation de petites équipes qui vont construire une société civile solide. « Il n’est richesse que d’hommes. » Face aux endoctrinements idéologiques du pouvoir communiste, le « pouvoir des sans pouvoirs » est selon Havel de « vivre dans la vérité », d’abord en préservant et en enrichissant une culture parallèle. Face au contrôle totalitaire de l’État qui dirige toutes les entreprises et toutes les écoles, qui possède l’essentiel des propriétés et qui interdit la liberté d’expression et de presse, il appelle les citoyens à fonder de petites institutions qui développent la « vie indépendante de la société » : groupes de musique, associations sportives, clubs littéraires, séminaires philosophiques underground de Prague, imprimeries clandestines, universités indépendantes, syndicats solidement structurés… Malgré l’absence de soutien institutionnel, la vitalité de ces réseaux associatifs contraste avec la société civile de pacotille que les régimes du bloc soviétique entretiennent avec les deniers publics pour la façade. L’arme du peuple est de mener une vie normale et authentique, comme si le régime n’existait pas. Une loi par exemple exigeait des particuliers d’informer son commissariat de la présence d’un hôte. Elle devint inapplicable dès que suffisamment de citoyens refusèrent de l’appliquer !

Les militaires savent bien qu’« on ne se bat pas contre une population entière, ou bien l’on perd. Se mettre son opinion publique à dos est un danger qui guette toute armée contre-insurrectionnelle ». Dès 1973, Gene Sharp a été le premier à avoir théorisé l’action non-violente, sur base de ce principe : « Le gouvernant dépend du gouverné. » La force d’un groupe est dans le nombre. […] Créer la cohésion sociale d’un groupe dans sa résistance à une situation précise d’injustice ou à un « désordre établi ». Elle est la ressource-clé pour unir le groupe-noyau de départ, y fédérer les bonnes volontés et créer la plus grande mobilisation possible au sein de la population. La suite du texte aborde la compétence fournissant, dans le registre de l’action politique, le savoir-faire à même de modifier le rapport de forces dans le conflit.

Le désaccord a pour vocation plus d’union

Ma traduction libre de quelques passages de « The Hill We Climb », déclamé par Amanda Gorman, à l’investiture de Joe Biden, 20/01/2021 :

« Le jour venu, où trouver la lumière dans cette ombre qui semble sans fin ? Le calme n’est pas toujours la paix. Les normes et les notions de ce qu’est le « juste » ne sont pas toujours justice. Et pourtant, l’aube est nôtre, avant même que nous le sachions. Dans nos différences, nous unir, sans échapper aux déconfitures, sans semer la division.

La Bible nous invite à envisager un monde où chacun peut s’asseoir sous son propre figuier et jouir de sa vigne sans peur. La victoire ne sera pas dans la lame de l’épée mais dans tous les ponts que nous faisons. C’est la promesse de se réjouir, gravissant la colline, si seulement nous osons. Si nous allions miséricorde et force, force et droit, alors l’amour devient notre héritage. Notre peuple, divers et beau, émergera, meurtri et beau.

Le jour venu, nous sortons de l’ombre, enflammés et sans peur. La nouvelle aube fleurit dans cette liberté que nous lui offrons. Car il y a toujours de la lumière, si seulement nous sommes assez courageux pour le voir, si seulement nous sommes assez courageux pour l’être. »

Le désaccord a pour vocation plus d’union

« Il est temps de mettre de côté la rhétorique hostile, de nous regarder à nouveau les uns les autres et de nous écouter. Pour progresser, nous devons cesser de traiter nos adversaires comme des ennemis. Ils ne sont pas nos ennemis, ce sont nos concitoyens » (Joe Biden, 7 novembre 2020).

« Chaque désaccord ne doit pas être une cause pour la guerre totale. Mettons fin à cette guerre « incivile ». Nous pouvons nous voir comme des voisins, pas comme des ennemis. Écoutons-nous les uns les autres, montrons du respect les uns pour les autres. Le désaccord ne doit pas mener à la désunion » (Joe Biden, 20 janvier 2021).

Le conflit nous sauve de la violence par l’institutionnalisation du processus conflictuel

1er janvier 2021 : 54e journée mondiale de la paix…

« Le conflit nous sauve de la violence par un processus d’intégration, par l’institutionnalisation du processus conflictuel. Ainsi, il y a longtemps que le sang ne coule plus entre Cités grecques, alors qu’elles se faisaient systématiquement la guerre à une certaine époque. Pendant des siècles, jusqu’à nos parents, les Français et les Allemands se sont entretués par bataillons entiers. En 1900 ou même en 1950, qui aurait cru possible que le cadre européen puisse ainsi éliminer la guerre de leurs rapports ? La création d’espaces institutionnels au sein desquels les conflits peuvent être gérés en amont de la violence ont permis une consolidation de la paix à l’échelle régionale puis continentale » (Étienne Chomé, La non-violence évangélique et le défi de la sortie de la violence, Louvain-la-Neuve, UCL, 2016, p. 175, disponible sur http://etiennechome.site/theologie/).

« Le conflit  oppose des adversaires, susceptibles de stabiliser leur relation en l’institutionnalisant, en instaurant des règles de négociation, des modalités permettant de conjuguer le maintien d’un lien entre acteurs et leur opposition. Notre thèse générale est que, dans l’ensemble, le conflit, non seulement ne se confond pas avec la violence, mais tend pour l’essentiel à en être l’opposé » (Michel Wieviorka).

« Un jour viendra où l’on montrera un canon dans les musées comme on y montre aujourd’hui un instrument de torture, en s’étonnant que cela ait pu être ! » (Victor Hugo, Discours d’ouverture du Congrès de la Paix à Paris, 21 août 1849).

Décider ensemble de réorienter l’argent employé pour les armes nucléaires

Extrait du message du pape François pour la célébration de la 54e journée mondiale de la paix, en ce 1er janvier 2021, La culture du soin comme parcours de paix :
« Que de ressources sont gaspillées en faveur des armes, en particulier les armes nucléaires, des ressources qui pourraient être utilisées à des priorités plus significatives pour garantir la sécurité des personnes, telles que la promotion de la paix et du développement humain intégral, la lutte contre la pauvreté, la garantie des besoins sanitaires. […] Quelle décision courageuse serait celle de constituer avec l’argent que l’on emploie pour les armes et pour les autres dépenses militaires, un “Fonds mondial” pour pouvoir éliminer définitivement la faim et contribuer au développement des pays les plus pauvres ».

« Un jour viendra où l’on montrera un canon dans les musées comme on y montre aujourd’hui un instrument de torture, en s’étonnant que cela ait pu être ! » (Victor Hugo, Discours d’ouverture du Congrès de la Paix à Paris, 21 août 1849).

Simplicité volontaire : vivre simplement

« Un groupe combinant la simplicité de vie, la discipline de la non-violence, et une sage transformation des pratiques économiques et sociales, pourrait acquérir une puissance morale suffisante pour guider et façonner une nation nouvelle. Chacun peut y prendre une part utile en vivant simplement. C’est à la portée de chacun d’entre nous » (Richard Gregg, La valeur de la simplicité volontaire, 1936).

Sortir de la confusion entre Forces de l’Ordre légitimes et violence illégitime

Je pointe la dommageable confusion entre Forces de l’Ordre légitimes et violence illégitime dans la phrase suivante : « La police, dans le maintien de l’ordre, a une exigence absolue d’exemplarité parce qu’elle exerce la violence légitime, parce que les policiers ont la possibilité d’être violents avec les citoyens » (Patrick Spinosi, avocat au Conseil d’État et à la Cour de Cassation, interviewé à la TV dans Quotidien, 2 décembre 2020). La police qui n’a pas le droit d’être violente, a le devoir d’opposer à la violence hors-la-loi une force nécessaire qui ne saurait être elle-même violence, qui est d’une nature différente de l’abus de force. Un parent a-t-il le droit d’être violent sur son enfant à qui il interdit strictement la violence ? Un arbitre, dans un match de football, aurait-il le droit, lui, de tricher ? Non, il a le pouvoir de mettre fin à une mêlée entre joueurs, avec des ressources particulières, reconnues en droit comme légitimes et réservées à l’arbitre de par son mandat, de par son rôle. J’étudie cette problématique dans Le nouveau paradigme de non-violence, dont voici un extrait de l’introduction (allégé de l’apparat critique des notes de bas de page) :

« La capacité des hommes à progressivement mettre hors-la-loi la violence donne lieu à un nouveau paradigme de pensée, qui se ramasse en une formule : le défi de notre temps est d’apprendre comment exercer la force sans la violence. « Le non que la non-violence oppose à la violence est un non de résistance. La non-violence est certes abstention, mais cette abstention exige elle-même l’action. […] Il s’agit, à partir de la réalité des violences que nous avons l’habitude de considérer comme nécessaires et légitimes, de créer une dynamique qui vise à les limiter, les réduire et, pour autant que faire se peut, à les supprimer. Il existe une réaction en chaîne des violences économiques, sociales, politiques et policières qu’il est impossible d’interrompre dès lors qu’à un moment ou un autre de ce processus, la violence se trouve légitimée. Pour rompre la logique de la violence, il faut créer une dynamique politique qui inverse le processus du développement violent des conflits. C’est cette dynamique que la philosophie politique de la non-violence nous invite à mettre en œuvre » (Jean-Marie Muller).

La distinction entre force de l’ordre légitime et violence n’est pas un simple jeu de mots, elle engage toute une problématique nouvelle. Les termes « violence » et « non-violence » cristallisent le changement de paradigme en cours : on leur donne de nouvelles définitions et missions, à mesure qu’on comprend mieux les phénomènes en jeu et que l’on sort des ambiguïtés, des équivoques, des confusions du langage qui disent des confusions de la pensée. Le mot « violence » n’a fait son entrée dans plusieurs dictionnaires qu’au XXe siècle. […] « À partir du moment où chacun est appelé au statut de citoyen, où est reconnu son droit à la liberté et au bonheur, la violence ne peut plus être confondue avec la force, elle ne relève plus des nécessités physiques (calamités naturelles) ou politiques (hiérarchies de droit divin) : elle devient un phénomène qui a rapport avec la liberté et qui peut, et doit être combattu et surmonté » (Jean-Marie Domenach).  

À la charnière du troisième millénaire, l’Organisation Mondiale de la Santé a commandé une étude de trois ans auprès de 160 experts à travers le monde, qui conclut que la violence humaine est une maladie évitable et qu’il faut la traiter comme un problème de santé publique. Ainsi donc, notre temps fait de la violence un concept performatif qui dénonce quelque chose de négatif à combattre. Dans une telle visée prescriptive, on définit la violence de manière telle qu’il ne puisse plus exister  de « bonne » ou de « juste » violence : « Il est essentiel de définir la violence de telle sorte qu’on ne puisse pas dire qu’il existe une « bonne violence ». Dès lors qu’on prétend distinguer une « bonne » et une « mauvaise » violence, on ne sait plus dire la violence et on s’installe dans la confusion »  (Jean-Marie Muller). La violence devient un concept opératoire pour désigner ce qui est inacceptable, qu’il faut condamner moralement et mettre hors-jeu politiquement. On charge entièrement le terme de toute sa connotation destructrice, il devient alors le pôle négatif opposé au pôle positif de la non-violence qui est la visée du programme d’action. « En prononçant le mot, on accomplit une action. Caractériser quelque chose comme violence, c’est commencer à agir. L’idée de violence, parce qu’elle est étroitement liée à celle de transgression des règles, est chargée des valeurs positives ou négatives attachées à la transgression. À travers elle, on agite une menace ou on dénonce un péril » (Yves Michaud).

Extrait de : Étienne Chomé, Le nouveau paradigme de non violence, p. 4-8, disponible sur http://etiennechome.site/publications-de-fond/sociopolitique/

Du droit de porter une arme au devoir de l’engagement citoyen non-violent

« Aux États-Unis, le droit de porter une arme est la norme, tandis qu’en Europe, la norme est l’interdiction du port d’armes et les exceptions relèvent d’un permis spécial renouvelable régulièrement car c’est une autorisation conditionnelle : il faut se montrer à la hauteur de ce privilège et démontrer la sécurité (les posséder verrouillées chez soi par exemple). Il est très intéressant de saisir comment le Canada est sorti graduellement d’un système semblable à celui des États-Unis : « Depuis 1996, seulement pour conserver ses armes, il faut un permis renouvelable tous les cinq ans et qui force le demandeur à fournir des informations indiscrètes sur sa vie privée. La question du formulaire canadien de renouvellement du permis de possession d’armes demande : « Au cours des deux dernières années, avez-vous vécu un divorce, une séparation ou une rupture d’une relation importante, ou encore avez-vous perdu votre emploi ou fait faillite ? « . Une réponse affirmative entraînera d’autres questions, et ainsi de suite. Et ce n’est qu’un exemple. De restriction en restriction, les Canadiens, un peu naïfs devant l’État, ne virent pas que leur liberté traditionnelle était supprimée (Pierre Lemieux, Le droit de porter des armes, conférence devant l’Associazione liberisti ticinesi Lugano, 17 janvier 2008). »  

Dans le paradigme  de non-violence, la norme est la non-violence et l’anormal est la violence. À l’inverse, « en institutionnalisant la violence comme moyen normal (qui sert de norme) et régulier (qui sert de règle) de gérer les inévitables conflits qui surgissent au sein de la société, l’État lui donne droit de cité. Dès lors, c’est l’ensemble des rapports sociaux qui se trouvent contaminés par la logique de la violence. En démocratie, le but premier de la démocratie est de mettre la violence hors-la-loi ; aussi l’État va-t-il à l’encontre de ce but en mettant la violence dans la loi. [… ] La philosophie politique de la non-violence récuse les doctrines de l’État en ce qu’elles engendrent par elles-mêmes un processus de légitimation idéologique de la violence qui menace la démocratie » (Jean-Marie Muller, Dictionnaire de la non-violence, p. 138)  » (Étienne Chomé, Le nouveau paradigme de non violence, p. 346, disponible sur http://etiennechome.site/publications-de-fond/sociopolitique/).

L’épée de Damoclès qui pèse sur nos réflexes d’achats obèses + taxe sur la spéculation financière

S’unir pour demander l’entrée en vigueur d’une taxe sur la spéculation financière de 0,1 %, à nos dirigeants qui se réunissent au Sommet européen des 10 et 11 décembre, à Bruxelles.

Dans la foulée du jeûne de l’eurodéputé français Pierre Larrouturou, plusieurs personnes jeûnent.

Un slogan qui revient dans les groupes d’action :

« c’est maintenant ou jamais ».

Pétition à signer : https://taxonslaspeculation.eu

Nota bene : Il n’y a en moi aucune intention de moquerie à l’égard de cette femme en surpoids. Il y a en moi l’intention de provoquer un choc des consciences sur notre société consumériste, sur la frénésie des achats autour du Black Friday et des fêtes de fin d’année. Bienvenue à tout qui me montrerait une autre illustration de l’épée de Damoclès qui pèse sur nos réflexes d’achats obèses.