Ensemble faire tomber une injustice

L’Équipe d’Études sociales, économiques et politiques de l’ICJM organise une session de formation pour tous Mauriciens désireux de penser ensemble et de poser, ensemble, des pistes de réflexion et d’engagement face aux injustices prévalant au sein de notre société mauricienne.Animée par le Dr. Étienne Chomé, professeur belge, coach et consultant en entreprise, cette session s’articulera autour de la méthode D-I-A-P-O-S : il s’agira, outre d’acquérir des connaissances, de développer des compétences en vue de renforcer la résilience citoyenne des Mauriciens et de faire émerger une conscience forte en faveur d’un meilleur-vivre-ensemble au sein de la République de Maurice, une et plurielle.Nous risquant à rêver ensemble, il s’agira, surtout, de continuer à créer des ponts, à bâtir des passerelles, à réunir des Mauriciens de tous horizons religieux et culturels, milieux socioprofessionnels et « backgrounds » académiques, Citoyens de Maurice de tous sexes et âges. Et ce, afin qu’ensemble, au moyen de ce séminaire, chacune, chacun, et tous puissent dégager et développer des pistes pour mieux être présents et engagés face à tous les enjeux qui nous attendent tous pour l’avenir de nos enfants et le devenir de notre société.Nous demeurons convaincus qu’en osant rapprocher les personnes et les communautés, quelles qu’elles soient, cette méthode D-I-A-P-O-S peut propulser les participants sur une voie nouvelle où chacun portant sa différence rencontrera son concitoyen, également porteur de différences, afin de penser et agir ensemble. L’horizon d’une société plus juste, plus écologique et plus inclusive nous attend : c’est la République de Maurice.

La voie de résolution dans l’impasse Ukraine-Russie

L’impasse actuelle en Ukraine a des points de ressemblance avec la guerre que se menaient les Égyptiens et les Israéliens dans les années 70. Israël avait envahi le Sinaï, territoire égyptien, en riposte aux attaques arabes, et l’occupait par les armes pour se prémunir de toute attaque surprise des avions de chasse arabes.

Tant que le débat se résumait à déterminer qui va occuper le Sinaï, les pourparlers étaient complètement dans l’impasse, aucune des parties n’acceptant de perdre ! L’Égypte exigeait de recouvrer son entière souveraineté nationale sur le Sinaï. Pour elle, ce point est non négociable. Mais la sécurité l’est tout autant pour Israël !

L’impasse est dans le soit…, soit… : SOIT Israël continue d’occuper le Sinaï, SOIT l’Égypte le récupère. La solution est dans un ET…, ET… : comment faire pour que l’intégrité nationale de l’Égypte soit restaurée ET la sécurité israélienne garantie.  

En 1978, Jimmy Carter invite à Camp David les Égyptiens et les Israéliens, où ils passent plusieurs jours. Les médiateurs ont travaillé séparément avec chaque délégation, en se concentrant sur l’explicitation de ses intérêts. Ils en vinrent ainsi à négocier sur les intérêts légitimes et non sur les positions intransigeantes, en se demandant comment faire pour que l’intégrité nationale de l’Égypte soit restaurée et la sécurité israélienne garantie. Cette manière de formuler le problème ouvrit un processus de négociation sans perdant. Dans l’accord signé à Camp David, le Sinaï est retourné entièrement à l’Égypte et la sécurité d’Israël a été assurée par une vaste zone démilitarisée à la frontière et des dispositifs d’alerte rapide, au moyen des radars sophistiqués déployés par les forces des Nations Unies. Ceci est extrait de mon livre La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain, 2009, p. 275.

Plus la guerre tuera de personnes et détruira à tous les niveaux, plus les belligérants calculeront leurs progrès non pas selon leurs gains mais selon les pertes infligées à l’ennemi, plus ils s’éloigneront de ce processus de résolution Win-Win et plus il faudra du temps et de l’énergie pour revenir à ce processus incontournable d’honorer les besoins profonds et légitimes des parties.

Choisir l’essentiel : « Tu ne tueras pas », même si les autres le font

Une habitante de Kiev a eu cette semaine une vision dans un rêve : dans une ville détruite par la guerre, elle cherche sa famille. Jésus se rapproche d’elle et celle-ci lui demande de lui donner un coup de main. Jésus, de la croix, répond : « Tu ne peux pas faire les deux choses ensemble ; tu ne peux pas me crucifier et en même temps demander mon aide. Tu dois choisir : l’un ou l’autre. »

Quand cette personne s’est réveillée, après cette vision, elle a dit à tout son entourage qu’elle avait décidé de choisir l’essentiel. C’est le nonce apostolique à Kiev qui partage ce témoignage ce 11 mars 2022.


Choisir l’essentiel : « Tu ne tueras pas », même si les autres le font.


La non-violence choisit l’essentiel : si tous les habitants d’un pays décident de se tenir la main pour ne pas coopérer avec l’envahisseur, celui-ci ne pourra pas les soumettre et tirer profit de ses agressions violentes, d’autant plus si des milliards d’humains de la planète leur tiennent aussi la main, de là où ils sont. Ce ne sont pas les armes qui font la grandeur et l’héroïsme d’une personne, d’une nation, c’est 1) sa fermeté courageuse à ne pas coopérer aux injustices dont elle a conscience (et la guerre en fait partie), 2) sa capacité à comprendre et à reconnaître la vérité profonde de chaque partie, 3) l’art de créer un accord qui en tienne compte : cadre de droit, communication vraie et négociation efficace, pour une paix juste. Ne pas perdre le cap.

Manipulateur

Il en est d’une humeur accorte,
Sans bruit, sans fiel et sans courroux,
Qui, privés, complaisants et doux,
Suivent les jeunes demoiselles
Jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles,
Mais, hélas ! qui ne sait que ces loups doucereux
De tous les loups sont les plus dangereux !
(Charles Perrault, Contes des fées, 1886).


« La manipulation sur un individu ou sur un groupe trompe sa vigilance critique et joue cyniquement de ses fragilités naturelles. Le manipulateur est à l’affût des points faibles de son interlocuteur pour parvenir peu à peu à lui faire perdre ses moyens, tout comme la guêpe qui connaît les quatre endroits où elle doit piquer un criquet pour lui paralyser les pattes. Par son venin savamment distillé, elle retire progressivement à sa proie toute mobilité et toute possibilité de défense » (Chomé Étienne, La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain, 2009, p. 133-134).

« Je suis hors de moi » : qui est le ‘je’ et qui est le ‘moi’ ?

« « Je suis hors de moi » : qui est le ‘je’ et qui est le ‘moi’ ?

« Je me sens partagé » : qui est le ‘je’ qui veut faire une chose, le ‘je’ qui veut en faire une autre ?

« Mon problème, c’est que je n’ai pas confiance en moi » : qui est le ‘je’ et qui est le ‘moi’ ?

Au lieu de laisser nos voix critiques nous harceler, le Système Familial Intérieur (Internal Family System) nous apprend à les accueillir d’un autre lieu et entendre ce dont elles prennent soin » (Nadine d’Ydewalle, qui a lancé l’IFS en Belgique, décembre 2010). Cf. https://ifs-association.com/.

L’enchaînement des violences

« La violence n’est pas la vraie réponse à la violence. Si la violence répond à la violence, le monde tombera dans une spirale de violence. La seule vraie réponse à la violence est d’avoir le courage de faire face aux injustices qui sont la violence nº 1 » (Archevêque Helder Camara).

« Plusieurs amis israéliens m’ont déjà partagé sincèrement : « Nous, Israéliens, nous ne menons aucune action terroriste, nous ne plaçons pas de bombes dans les bus. Quand nous recourons à la force armée, ce n’est jamais pour attaquer, c’est chaque fois pour nous défendre et nous protéger. » Ils parlent de leur propre violence (répression : violence nº 3) en réaction à celle des Palestiniens (terrorisme : nº 2), mais sans voir les violences nº 1 que sont les injustices. C’est pourtant elles qui sont à la base de l’enchaînement infernal des violences. Et comme le montre cette analyse, la solution à de tels conflits tient essentiellement dans la suppression des injustices (quelles qu’elles soient et d’où qu’elles viennent). Et le début de la solution, pour ce qui est à la portée des plus forts, est de comprendre que la violence nº 3 ne résoudra jamais rien. Au contraire, elle ne fait qu’alimenter la spirale de violence. C’est aussi vrai que 1 v + 1 v  = 2 v et que 2 v + 1 v = 3 v ! C’est aussi simple que l’histoire d’une marmite brûlant sur le feu : si vous augmentez le feu, elle brûlera encore davantage ! » (Étienne Chomé, Pour qu’un tel attentat ne se reproduise plus, article paru le 28 septembre 2001 dans la presse mauricienne, quelques jours après les attentats du 11/9/2001).

Pour le lire en entier : cf. l’article n°3 sur

http://etiennechome.site/outils-pour-de-meilleures-relations-humaines/, où se trouvent aussi d’autres articles sur la non-violence active, que j’ai publié il y a 20 ans, dans le contexte de l’île Maurice.

Larme, arc-en-ciel entre l’âme et le ciel

« La violence commence lorsque je choisis de ne pas remettre en question la pensée disant que j’ai raison de croire le jugement que je porte sur un être humain. La violence se poursuit lorsque je fais des choix, parle, pose des actions, à partir de ce jugement que j’ai validé.

La non-violence commence lorsque je choisis de traduire ce jugement pour découvrir quels besoins et aspirations ne sont pas nourris en moi lorsque je vois cette personne agir comme elle le fait : là, dans l’espace en amont des jugements, au-delà du conditionnement bien-mal, s’ouvre le champ de la rencontre possible, de cœur à cœur.

Se relier de cœur à cœur ne signifie pas être d’accord avec les actions de la personne en question, mais avoir conscience que, même si certaines de ses actions ne nourrissent pas mes besoins et aspirations profondes, le fait de me relier à lui au niveau de ce qui nous est commun – les besoins qui sous-tendent toutes nos actions – augmentera mes chances de trouver une façon d’être en relation qui soit en accord avec mon rêve de vivre dans un monde où les êtres humains vivent à cœur ouvert plutôt qu’à poings fermés…

Alors, amie, ami, si en ce jour tu t’apprêtes à valider le jugement que tu portes sur autrui, je t’invite à te demander dans quel monde tu souhaites vivre… » (Issâ Padovani).

Rdv conjugal de qualité

« Un couple a grandement intérêt à investir dans un rdv conjugal de qualité, en présence d’une tierce personne compétente et de confiance. Idéalement, une telle complicité à trois se met en place en temps de paix. Quel trésor que de disposer d’un espace-temps de qualité, posé dans l’agenda, indépendamment des yoyos de crise. Du coup, c’est pendant ce temps privilégié, régulier et sécurisé, qu’on aborde les points délicats, les points-gâchette, les points qui bloquent ou qui fâchent… Et on s’en occupe convenablement !

La tradition d’un tel rdv régulier avec une personne thérapeute complice délivre le couple des mauvaises gestions de crise dans le quotidien : STOP, ce n’est pas le bon moment/endroit/devant d’autres personnes => « on en reparle dans ce temps à 3 ». Disposer de ce rdv solidement posé permet de s’abstenir d’aborder les sujets qui fâchent en dehors de ce rdv ! Quels bienfaits pour le couple comme pour la famille ! »

(Étienne Chomé, La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, parcours de formation en dix étapes : http://www.communicactions.eu/methode-critere.html).

Poésie plus que belle : rebelle

« La violence commence « là où cède le langage ». En corollaire, elle peut donc finir là où il s’installe. Bruno Bettelheim souligne la fonction thérapeutique des contes de fées chez l’enfant angoissé et blessé par ses parents : le Roi et la Reine du récit incarnent leur part bonne, la marâtre, la sorcière et l’ogre, leur part méchante et frustrante. L’enfant est ainsi davantage capable de mettre des mots sur ses maux et faire la part entre le réel et le fantasme. Plusieurs études ont mis en évidence que la violence physique est inversement proportionnelle à la capacité de développer un discours intérieur. « Un jeune de banlieue qui dispose de 500 mots de vocabulaire au lieu des 3000 mots utilisés par un bachelier moyen, compense par du bruit et de la violence », explique un éducateur de jeunes. Paul Claudel avait dit : « Tout ce bruit en train de devenir une parole, c’est peut-être intéressant après tout ».

Les liens entre violence et déficit de langage ont été étudiés par le linguiste franco-algérien Alain Bentolila : la manipulation idéologique des groupes extrémistes qui prêchent la violence fonctionne chez des jeunes que ‘l’impuissance linguistique’ marginalise culturellement et socialement. L’alphabétisation est l’antidote de base incontournable : « Seuls les mots organisés apaisent une pensée sans cela chaotique et tumultueuse, qui se cogne aux parois d’un crâne jusqu’à l’insupportable et qui finit par exploser dans un acte incontrôlé de violence ». L’initiation au langage fait une brèche dans la violence grâce à des mots pour laisser une trace de soi-même sur l’intelligence des autres » (Chomé Étienne, Le nouveau paradigme de non-violence, p. 77).

« La poésie n’est pas que belle, elle est rebelle » (Julos Beaucarne).