Croissance / croix-sens

« S’il vit, alors il pourra être présent dans ta vie, à chaque moment, pour la remplir de lumière. Il n’y aura ainsi plus jamais de solitude ni d’abandon. Même si tous s’en vont, lui sera là, comme il l’a promis : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). Il remplit tout de sa présence invisible, où que tu ailles il t’attendra. Car il n’est pas seulement venu, mais il vient et continuera à venir chaque jour pour t’inviter à marcher vers un horizon toujours nouveau » (Pape François, Christus vivit, exhortation apostolique, § 125).

L’épreuve d’handicapé social traversée

Comment traverser la douloureuse épreuve de se sentir ‘petit poussin blond rejeté au milieu de canards noirs’, d’être souvent décalé, parfois carrément inadapté, handicapé social, avec les différentes étiquettes qu’on me colle dessus : HP, hyper sensible, autiste, asperger ?

J’ai appris à prendre dans les bras chaque blessé en moi, à le recevoir tel qu’il est, à lui offrir la douceur bienveillante dont je dispose alors. Dans mes bras affectueux, plusieurs petits ont pu ainsi pleurer tout leur saoul, en se sentant acceptés dans leurs différences…

Et puis, tout à coup, le surgissement je ne sais pas d’où ni comment d’un flot d’amour, gratuit, qui pénètre chaque cellule de mon corps… C’est comme une vague – marée montante – qui finit de s’étaler sur le sable de la mer du Nord, qu’attendent, assoiffés, tous les vivants tapis sous la plage, suivie d’une détente : relâchement et à la fois expansion, respiration et connexion à la Vie qui se remet à couler partout en moi, et me voilà à la voir couler partout autour de moi… Tout mon être fait l’expérience d’être oxygéné par ce Souffle régénérant. « Le vent souffle où il veut : tu entends sa voix, mais tu ne sais ni d’où il vient ni où il va » (Jn 3,8). 

Alternance des nuits et jours

« La sensation d’être heureux ou malheureux dépend rarement de notre état dans l’absolu, mais de notre perception de la situation, de notre capacité à nous satisfaire de ce que nous avons » (Dalaï Lama, Tenzin Gyatso).

« Pour trouver le bonheur, il faut risquer le malheur. Si vous voulez être heureux, il ne faut pas chercher à fuir le malheur à tout prix. Il faut plutôt chercher comment – et grâce à qui- l’on pourra le surmonter » (Boris Cyrulnik, Le bonheur, une nouvelle dictature ?).

Larmes

« Je me souviens d’avoir vu un matin ma grand-mère pleurer sans parvenir à mettre fin à ses larmes qu’elle tentait d’essuyer dans un grand mouchoir à carreaux. Sa mère, notre arrière-grand-mère, venait de mourir. Mais je n’avais pas appris ce jour-là sa mort. On me l’avait cachée. On avait sans doute voulu me prémunir d’un inévitable chagrin, ou disons qu’il y avait tant à faire, à penser après la mort de l’aïeule, qu’on aura reporté à un peu plus tard le temps des paroles aux enfants. Et quand je l’ai interrogée enfin sur ses larmes, ma grand-mère m’a répondu : « elles coulent pour laisser partir quelqu’un qui est dans mon cœur, qui est en moi depuis si longtemps ». J’ai imaginé que nous retenions tout au fond de nous la pensée de ceux que nous aimions, avec la crainte d’un chagrin trop violent qui pourrait rompre les digues de notre cœur, et alors emporter dans nos larmes chaudes l’être si fragile des personnes aimées » (Frédéric Boyer, Le lièvre, p. 15).

Tombe-je sur ta tombe ou dans ma tombe ?

Il existe un tunnel obscur dans la Lumière Infinie.
On l’appelle « Temps ».
Lorsqu’un humain entre dans ce tunnel,
on appelle cela « naître ».
Lorsqu’un humain marche au long de ce tunnel,
on appelle cela « vivre ».
Lorsqu’un humain sort de ce tunnel,
on appelle cela « mourir ».
Considérer que vivre se réduit à évoluer au long de ce tunnel obscur,
cela s’appelle « illusion ».
Percer des trous dans ce tunnel obscur,
cela s’appelle « science ».
Savoir que la Lumière est autour du tunnel,
cela s’appelle « Foi ».
Voir la Lumière dans le tunnel obscur,
cela s’appelle « Amour ».
Voir la Lumière à travers le Tunnel obscur,
cela s’appelle « Sagesse ».
Éclairer le tunnel obscur de sa propre Lumière,
cela s’appelle « Sainteté ».
Confondre la Lumière et le Tunnel obscur,
cela est au-delà des mots
(Lao Tseu, extrait du Tao Te King, 600 ans avant J-C).

« Ne confonds pas ton chemin avec ta destination. Ce n’est pas parce que c’est orageux aujourd’hui que cela signifie que tu ne te diriges pas vers le soleil » (Anthony Fernando).

Je souffre tant de ton absence

Demain, dès l’aube, à l’heure où blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m’attends.
J’irai par la forêt, j’irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regarderai ni l’or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
Et quand j’arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

Victor Hugo, Les Contemplations, 3 septembre 1847

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
Tu vois, je n’ai pas oublié
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
Les souvenirs et les regrets aussi

Et le vent du Nord les emporte
Dans la nuit froide de l’oubli
Tu vois, je n’ai pas oublié
La chanson que tu me chantais

(Yves Montand, chanson Les feuilles mortes).

Automne pas monotone

Par la fenêtre ouverte, entraient des lueurs d’or.
Le soleil si triste pleurait ses rayons morts.
Les arbres se pliaient, à volonté du vent.
Les oiseaux ne chantaient plus, intrigués du tourment.
Le vent murmurait la ballade de l’été,
en remuant ses lèvres exquises à satiété.
Les chants des cigales, habituellement si gais,
devenaient une plainte râleuse et monotone.
Il est temps de partir, voici venir l’automne…

  Annick Elle

L’amour pour toujours

De mémoire de rose
On n’a vu mourir un jardinier
Si rien qu’une pause ne peut vous suffire
Madame laissez
Le temps s’est tiré sans le maudire
Patientez
Laissez-vous glisser dans le vent léger
Patience, patientez…

Si l’amour s’envole ne t’en prends qu’à toi
Tu as fui l’école pour le lit d’un roi
Si sa voile blanche n’est plus que brouillard
Te pends pas à la branche
Dès qu’il fera noir
Te pends pas à la branche
Dès qu’il fera noir

Car…
De mémoire de rose
On n’a vu mourir un jardinier
Si rien qu’une pause ne peut vous suffire
Madame laissez
Le temps s’est tiré sans le maudire
Patientez
Laissez-vous glisser dans le vent léger
Patience, patientez…

Garde tout au fond tout au fond de toi
Un vide un endroit
Derrière les fêtes
Ou poser la tête
Dans le vent du soir
Bercer ses vieux rêves
Même s’il fait noir
Bercer ses vieux rêves
Même s’il fait noir

Car…
De mémoire de rose
On n’a vu mourir un jardinier

Si rien qu’une pause ne peut vous suffire
Madame laissez
le temps s’est tiré sans le maudire
Patientez
Laissez-vous glisser dans le vent léger
Patience, patientez

Julos Beaucarne, De mémoire de rose

20 octobre 2021

Le sagouin de Mauriac

« Vous m’en bouchez un coin » signifie « vous me rendez muet d’étonnement ». Exemple :  « Et elle finit entre haut et bas sur une expression triviale que jamais la baronne n’avait entendue. […] « Ça vous en bouche un coin ». Oui c’est cela qu’elle avait dit » (François Mauriac, Le Sagouin, 1951).  

Un sagouin est un ouistiti ou une personne sale, un enfant malpropre. Dans le roman de Mauriac, c’est d’abord un enfant, nommé Guillaume, mal aimé et rejeté par sa mère, qui finira par se suicider avec son père, lequel porte les mêmes blessures et souffrances.

Mauriac : la tragédie humaine à l’état brut, dans un récit bref, d’un rythme ascendant, sans concession à l’accessoire. L’action est intérieure, tout se déduit des sentiments, emmêlés dans le jeu des passions humaines…

Mauriac, romancier à la baguette magique, par « son verbe éblouissant, son style poétique, dont le frémissement laisse deviner l’âme sensible de l’homme, ses émois, ses déchirements et sa curiosité toujours anxieuse » (Sculfort).

Le cœur broyé, brisé, vibre aux souffrances d’autrui

Aimons toujours, aimons encore.
L’amour, c’est le cri de l’aurore…
Ce que le flot dit aux rivages
ce que le vent dit aux vieux monts
ce que l’astre dit aux nuages,
c’est le mot ineffable: « Aimons »…
L’amour fait songer, vivre et croire
Il a, pour réchauffer le cœur
un rayon de plus que la gloire
et ce rayon, c’est le bonheur…
Aimons-nous toujours davantage
unissons-nous mieux chaque jour
les arbres croissent en feuillage
que notre âme croisse en amour…
Toute ambition allumée
dans notre esprit brasier subtile
tombe en cendre ou vole en fumée
et l’on se dit : « Qu’en reste-t-il? »
L’amour seul reste…
Si tu veux dans ce vil séjour
garder ta foi, garder ton âme
garder ton Dieu, garde l’amour…
Conserve en ton cœur sans rien craindre
Dusses-tu pleurer et souffrir
la flamme qui ne peut s’éteindre
et la fleur qui ne peut mourir…
(Victor Hugo, Contemplations).