Canaliser les forces populaires pour plus de justice et de paix

Ici, à l’Est du Congo, les gens se révoltent contre la MONUSCO non seulement pour son inefficacité dans la protection des civils tués quotidiennement mais encore, pire, pour ses graves dysfonctionnements : le plus pénible, c’est que les gens voient plusieurs de ses militaires voler et détourner les fonds. C’est très visible par exemple avec l’essence ONUsienne qui se retrouve en vente dans les quartiers. Elle est très repérable car de couleur bleue, à cause d’un additif spécifique. Pire, à Béni, où les gens n’osent plus aller dans leurs champs (où chaque jour des gens se font ‘égorger’ et ‘décapiter’ (mots quotidiens ici), les militaires ONUSCO sont accusés (tout comme des membres des FARC, armée congolaise) de voler dans les champs, comme l’atteste le cacao par exemple que les gens voient 1) dans leurs containers, alors que ces militaires d’ailleurs n’ont pas de champs à eux, et 2) en vente dans des quartiers autour de leurs bases et baraquements, alors que les champs sont loin de là.

Histoire banale ici : un citoyen a dénoncé un militaire des FARC, dont le container était plein. Le citoyen a été tué qq nuits plus tard. Ici, tout qui agit en justicier disparaît vite…

Pendant le séminaire à Butembo que j’ai donné la semaine dernière à 40 piliers de la société civile + politiciens + professeurs + religieux, j’ai enseigné les méthodes d’actions non-violentes, par lesquelles la force de la vérité se propage sans que jamais un nom ne soit connu, un individu ne se soit avancé seul (surtout ne jamais agir en justicier, ne pas s’approprier la justice, ne pas personnaliser le Cadre de Droit) : l’art de mobiliser le groupe jusqu’à atteindre une masse critique pour atteindre l’objectif précis de changement, objectif réaliste à notre portée. C’est justement le point faible de ces révoltes populaires qui s’indignent et s’affrontent à des Forces du ‘Désordre établi’, sans que leurs forces soient canalisées.

Je vis l’urgence de former ces leaders à la fois honnêtes, humbles et intelligents que je connais après 15 ans de sessions dans la région. Je tiens à les accompagner dans un engagement réfléchi et orienté constructivement vers un progrès, à partir de leurs créativités pour trouver la bonne prise, à l’image de la marche du sel d’un mois (moins 5 jours) de Gandhi et de la marche d’un an (plus 5 jours) des Afro-américains boycottant les bus de l’apartheid.