Avoir la main de la mort sur la gorge 

« De mon cœur, exerçant son métier de vivant,
s’élève un feu qui ne sait brûler qu’en toi.
Lorsque la nuit a tiré, l’une après l’autre,
les poignées d’alarme des visages,
la rue s’arrête de marcher entre ses berges
et je ne suis plus contre toi qu’une forme blanche.
Les lampes deviennent autant de vivants,
morts en gardant les yeux ouverts
sur une ville où ton souffle est
le seul rythme qui convienne au silence.
Il me faut aller vite dans tous les sens
parce que partout autour de moi,
des femmes qui vont mourir se donnent
à des hommes dont la mort est pour demain.
Je dépense sans compter l’or de l’amour,
je goûte à ton corps comme à un verre
dont je n’ai pas le temps d’achever le contenu
parce que j’ai la main de la mort sur la gorge »
(Lucien Becker, 1911-1984).