« Père, mère, frère, sœur : quoi de plus étrange que ces gens qui vous ressemblent tant et sont si différents ? » (Christian Bobin, Prisonnier au berceau).
« Vos paroles sont douces. Vos mains sont ouvertes. Vous dites que vous venez nous aider. Nous avons toujours craint ceux qui parlaient comme vous. Celui qui nous veut du mal est comme un loup: un feu suffit à l’écarter. Celui qui nous veut du bien est comme un frère. Son bien n’est pas le nôtre. Il nous le fait manger à notre insu dans la pain du partage » (Christian Bobin, L’autre visage).
« Les sauterelles électroniques se sont abattues sur l’Égypte de l’âme. Elles dévorent tout. Quand dans le train je vois un homme ou une femme lire un livre, j’ai sur eux le regard qu’avait un résistant de la dernière guerre, découvrant – dans la fierté d’un regard, la douleur d’un sourire – un frère ou une sœur d’armes » (Christian Bobin, La nuit du cœur).
« Au commencement, était la relation » (Martin Buber).
« Il n’est pas d’existence possible sans relation : la vie même est relation. L’art de vivre, c’est la relation ; sans relation il n’est pas de vie » (Jiddu Krishnamurti, Apprendre est l’essence de la vie, 2009).
« Rien n’est précieux que ce qui est toi dans les autres, et les autres en toi » (Pierre Teilhard de Chardin).
« La vraie vie, c’est la vie fraternelle, la vie universelle, en communion avec tous les êtres » (Omraam Mikhaël Aïvanhov).
Pour 2020, depuis le 22 août, il est déjà derrière nous le « jour du dépassement de la Terre » (Earth Overshoot Day / EOD) ! L’ONG américaine Global Footprint Network a créé un indicateur pédagogique : ayant déjà consommé l’ensemble des ressources que la planète est capable de régénérer en un an, les humains sont en train de puiser dans les réserves profondes, normalement non renouvelables…
Quel contraste avec l’abeille gorgée de pollen, qui féconde les fleurs qu’elle butine : merveilleux échange, grande et simple sagesse de la Création / Créativité !
« L’ingratitude, fille de l’intérêt et de la vanité, est le vice des petites âmes » (Nicolas de Condorcet, Les pensées et maximes, 1794).
« Les grands talents de l’athéisme moderne refusent Dieu parce qu’ils le voient comme une limite à l’homme, comme une menace contre l’homme, comme un interdit, une défense, une barrière. […] Rien n’est plus déchirant que de voir Dieu constamment défiguré, comme une puissance extérieure au monde, non engagée dans notre vie » (Maurice Zundel).
« Aime Dieu, ne vis que pour le remercier et tu nageras dans l’océan de la félicité » (Madeleine-Sophie Barat).
Les Exercices spirituels ignatiens invitent à faire confiance en la joie. Je peux dire « oui » à la joie, donner ma foi à la joie, car la joie profonde ne me trompe pas, elle constitue le critère de discernement le plus fiable de la vérité la plus profonde de mon être, autant que « l’appel de Dieu se laisse entendre dans ce qui peut nous établir en une joie durable » (André Fossion, Le discernement selon la tradition ignatienne, dans Lumen Vitae, 2020/1, p. 15 à 21).
Dans « La folle aventure de Louis de Funès », Lucie Cariès présente une interview touchante de Louis de Funès :
« « Je voulais être acteur mais pas une vedette », dit-il comme victime du syndrome de l’imposteur…
— On dirait que, malgré votre succès, vous n’avez pas l’impression que c’est arrivé, que vous avez fait une espèce d’escroquerie, moyennant quoi vous êtes en ce moment à la première place.
Dans « La folle aventure de Louis de Funès », Lucie Cariès retrouve des images d’archives illustrant les colères de Louis de Funès face à « un paresseux ou un incompétent sur le plateau ». Le plus souvent, quand ça ne tourne pas comme il le souhaite, de Funès dégage « une froideur polaire et c’est sa femme qui se charge de dire en face ce qui fâche. Sa femme est à la fois son ange et sa gardienne… ».
En langage IFS, la colère et la froideur polaire sont des « protecteurs », dont la stratégie de défense s’est mise en place il y a bien longtemps ; dans le cas de Louis de Funès, face à une mère qui faisait souvent de terribles colères et à un père qui brillait par ses absences. La colère et le retrait sont des stratégies plutôt opposées. Pourtant, les deux parts qui s’y disent ont la même intention et le même rôle : protéger une part repliée dans sa blessure, plus cachée à l’intérieur et plus fragile, qui cherche le réconfort et le soulagement de sa peine. Une telle libération pourra se faire grâce à une relation nouvelle que la personne adulte peut offrir, à partir de son Self, à cette part en souffrance.
Par ailleurs, le couple de Funès illustre bien la théorie IMAGO : « nous choisissons un.e partenaire qui 1) a à la fois les qualités et les défauts des personnes qui nous ont élevés, 2) compense les parties positives de nous-mêmes, [les ressources] dont avons été amputées dans notre enfance » (Harville HENDRIX, Le couple, mode d’emploi, p. 89).
Dans la lignée de Bush qui avait utilisé les arguments de légitime défense et de guerre préemptive pour justifier sa guerre contre l’Irak en 2003, Donald Trump a justifié son ordre de tuer, par drone armé, le général iranien Qassem Soleimani, en le qualifiant de « terroriste numéro un » dans le monde, et en l’accusant de préparer des attaques « imminentes » contre des diplomates et militaires américains.
Dans son récent rapport, Agnès Callamard, Rapporteur spécial des Nations-Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a conclu que Washington n’a pas démontré « une menace imminente mettant en danger la vie » et que « la manière d’agir des États-Unis était illégale », au regard de la Charte des Nations unies.
Dans sa démarche scientifique, qu’il a nommée « polémologie », Gaston Bouthoul parlait des « réprobations incantatoires » de la violence (colonne 4 du schéma ci-dessous) : un laisser-faire de la Communauté des Nations est complice de l’impunité actuelle des Puissances utilisant les drones pour éliminer leurs adversaires.
Il s’agit au contraire de se mobiliser collectivement (colonne 2) pour normer les règles du jeu (colonne 3) et ainsi réduire la zone de non-droit et l’arbitraire que s’arrogent les arrogants.
Cf. Chomé Étienne, Le nouveau paradigme de non-violence, p. 157 à 163.
Extrait d’une conférence de Christiane Singer DU BON USAGE DES CRISES (suite et fin) :
« Comment se joue la crise ? On pourrait utiliser ce mot de retournement, de renversement. Qu’est-ce qui se passe dans la crise ? Il se passe à peu près ceci qu’une voix s’adresse à vous, et vous dit : « Tu as construit une vie, oui bravo, eh bien détruis-la ; tu as construit une personnalité, formidable, bravo, détruis-la ; tu t’es battu, tu as été courageux, un courage extraordinaire, mais l’heure de la reddition est venue, à genoux ! ». Ou encore, comme pour Abraham : « Tu as mis un fils au monde, bravo, rends-le moi ! « . Tous ces moments de l’intolérable, de l’inacceptable, qui dans l’ordre des choses vécues, dans l’ordre de l’immédiat sont le scandale absolu ! Rends-moi ce que je t’ai donné ! Pour moi la plus extraordinaire histoire qui les symbolise toutes est celle de Job. J’adore cette histoire de Job, j’y reviens toujours. Job a été vraiment le serviteur de Dieu, l’homme de tous les succès. Une vie accomplie, entourée de richesse, de troupeaux de bœufs, ses femmes, ses fils, ses serviteurs, une richesse que Dieu bénie. Ce même homme, Job maudit, Job sur son tas d’immondices qui gratte ses ulcères, Job qui ne lâche pas prise, qui dit : « Je m’adresserai à Toi mon Dieu, jusqu’à ce que Tu m’expliques la raison qui me ferait accepter l’inacceptable, j’attends de Toi une réponse qui me convainque ». Et cette interrogation qui le pousse pendant des jours et des semaines et des mois, à ne pas lâcher prise et cette phrase qui est pour moi une des phrases les plus poignantes : « Pourquoi ne peux-Tu pas donner raison à l’homme contre Toi-même ? ».
Aussi longtemps que Job demande à Dieu de paraître devant lui, et de lui expliquer l’inexplicable, de lui dire la raison de toute cette horreur, de tout ce désespoir, de tout ce désastre d’une existence : « Viens ! Viens, je n’ai plus que la peau sur les os lui dit-il, viens, parle-moi ». Dieu ne vient pas, Dieu ne parle pas. Arrivent tous les amis, tous les copains, les thérapeutes, qui lui expliquent : « Écoute, je suis persuadé que tu as fait une erreur, écoute, réfléchis, souviens-toi ! » Mais Job ne les écoute pas, le brouhaha des voix dehors.
« Réponds-moi, réponds-moi ! » Et quand l’ami Elihu lui a dit : « Mais non, tu vas voir, Dieu ne répond pas ». À ce moment-là, Dieu répond, contre toute attente Dieu répond. Mais Dieu répond à côté de la question. Dieu n’évoque pas un seul instant toute la vie de Job détruite, tous ses espoirs anéantis, sa famille, tous ceux qu’il a aimés, Dieu parle du ciel et de la terre, des oiseaux et des arbres, Dieu parle de la mer, de l’océan et des plages. Dieu répond à côté. Et voilà que se passe l’inattendu. Job, loin d’être scandalisé par cette réponse, qui n’en est pas une dans l’ordre de la logique, voit subitement tout d’un autre lieu. L’entière création, d’un autre lieu, d’un lieu où tout le drame d’une être ne fait même pas un remous à la surface du créé. Un lieu de l’univers agrandi, et Job dit : « Mon Dieu, je ne te connaissais que par ouï-dire mais, maintenant, je t’ai vu ». Et Job est un autre homme. Et à partir de ce moment-là, par une ironie divine, tout lui est rendu, puisqu’il n’a plus besoin de rien. C’est au niveau de cette histoire de Job, que j’ai pour ma part rencontré le travail de Dürckheim. Dans une crise vraiment très profonde. Après avoir traversé une existence très préservée, très occupée à éviter les naufrages, toute cette adresse à passer entre les catastrophes, entre les blessures, et subitement, après quinze ans de mariage, l’arrivée d’une autre femme, l’arrivée dans une existence préservée d’un autre être qui, du jour au lendemain, détruit l’univers que vous vous étiez construit. Et la traversée, pendant deux ans, trois ans, de la solitude de l’abandon, dans un pays étranger, dans un village au bout du monde, et la rencontre du travail de Dürckheim et d’une remarquable femme, son élève, qui travaillait avec la voix. Alors que j’attendais d’elle qu’elle me donne la force de faire mes bagages, et de partir avec mes fils, elle m’a dit : « Tu restes là, assise au milieu du désastre, là. Tout le travail que j’ai fait par la suite avec le corps, avec la présence au monde, aux choses, cette leçon, non seulement d’accepter l’inacceptable, mais d’y entrer, d’y établir ses pénates, entrer dans le désastre, à l’intérieur, et y rester, y rester ! Non pas fuir, mais oser rester, à l’endroit où je suis interpellée, à cet endroit où tombent tous les masques, où tout ce que je n’aurais jamais pu croire s’avère être en moi, tous les démons, toute l’ombre. Les paroles éclatent et tous les démons déferlent dans la vie, la jalousie, l’envie de meurtre, l’autodestruction. Et je reste là et je regarde. Cette troisième voie est probablement le salut pour notre époque si torturée. Je m’explique : nous connaissons dans notre Occident deux voies quand nous sommes dans un état d’étouffement, d’étranglement ; l’une c’est le défoulement, c’est crier, c’est exprimer ce qui était jusqu’alors rentré. Il y a de nombreuses formes de thérapies sur ce modèle et c’est probablement, en son lieu et place, quelque chose de très précieux, pour faire déborder le trop plein. Mais au fond, toute l’industrie audiovisuelle, cinématographique, est fondée sur ce défoulement, cette espèce d’éclatement de toute l’horreur, de tout le désespoir rentré, qui en fait le prolonge et le multiplie à l’infini. L’autre réponse, c’est le refoulement : avaler des couleuvres, et devenir lentement ce nid de serpents sur deux pattes, avec tout ce que ces vipères et couleuvres avalées ont d’effet destructif sur le corps et l’âme. Et le troisième modèle qui nous vient d’Extrême-Orient et qu’incarnait Dürckheim : s’asseoir au milieu du désastre, et devenir témoin, réveiller en soi cet allié qui n’est autre que le noyau divin en nous. J’ai rencontré voilà quatre jours, en faisant une conférence à Vienne, une femme ; et c’est une belle histoire qu’elle m’a racontée qui exprime cela à la perfection. Elle me disait à la perte de son unique enfant, avoir été ravagée de larmes et de désespoir, et un jour, elle s’est placée devant un miroir et a regardé ce visage brûlé de larmes, et elle a dit : « Voilà le visage ravagé d’une femme qui a perdu son enfant unique », et à cet instant, dans cette fissure, cette seconde de non identification, où un être sort d’un millimètre de son désastre et le regarde, s’est engouffrée la grâce. Dans un instant, dans une espèce de joie indescriptible, elle a su : « Mais nous ne sommes pas séparés », et avec cette certitude, le déferlement d’une joie indescriptible qu’exprimait encore son visage. C’était une femme rayonnante de cette plénitude et de cette présence qu’engendre la traversée du désastre. Il existe, paraît-il, dans un maelström, un point où rien ne bouge. Se tenir là ! Ou encore, pour prendre une autre image : dans la roue d’un chariot emballé, il y a un point du moyeu qui ne bouge pas. Ce point, trouver ce point. Et si un seul instant, j’ai trouvé ce point, ma vie bascule, parce que la perspective est subitement celle de Job, cette perspective agrandie, de la grande vie derrière la petite vie, l’écroulement des paravents, l’écroulement des représentations, un instant, voir cette perspective agrandie. »