Éros, philia, agapé

« Trois mots pour dire l’amour : éros, philia, agapè.

Qu’est-ce qu’éros ? C’est le manque, et c’est la passion amoureuse. C’est l’amour selon Platon : « Ce qu’on n’a pas, ce qu’on n’est pas, ce dont on manque, voilà les objets du désir et de l’amour. » C’est l’amour qui prend, qui veut posséder et garder. Je t’aime : je te veux. C’est le plus facile. C’est le plus violent. C’est le secret de la passion (elle ne dure que dans le manque, le malheur, la frustration). […]

L’amitié ? C’est ainsi que l’on traduit ordinairement philia en français, ce qui n’est pas sans en réduire le champ ou la portée… ; c’est l’amour de bienveillance (aimer l’autre pour son bien à lui). […] C’est le secret des couples heureux, cette bienveillance joyeuse, cette joie bienveillante : vouloir le bien de celui qu’on aime. C’est l’amour selon Aristote et Spinoza.

Agapé ? […] L’amour pour celui qui ne nous manque ni ne nous fait du bien (dont on n’est ni l’amoureux ni l’ami), mais qui est là, simplement là, et qu’il faut aimer en pure perte, pour rien, ou plutôt pour lui, quoi qu’il soit, quoi qu’il vaille, quoi qu’il fasse, et fût-il notre ennemi… C’est l’amour selon Jésus-Christ : amitié universelle, parce que libérée de l’ego, et pour cela libératrice. Ce serait l’amour de Dieu, s’il existe (« O Théos agapé estin », lit-on dans la première épître de saint Jean : Dieu est amour).

Éros, philia, agapé : l’amour qui manque ou qui prend ; l’amour qui se réjouit et partage ;

l’amour qui accueille et qui donne…Ils sont tous les trois nécessaires, tous les trois liés….ce sont trois pôles dans un même champ, qui est le champ d’aimer, ou trois moments dans un même processus, qui est celui de vivre. Éros est le premier, toujours, et c’est ce que Freud, après Platon ou Schopenhauer, nous rappelle ; agapé est le but (vers lequel nous pouvons au moins tendre), que les Évangiles ne cessent de nous indiquer ; enfin philia est le chemin, ou la joie comme chemin : ce qui transforme le manque en puissance, et la pauvreté en richesse »

(André Comte-Sponville, Présentations de la philosophie, morceaux que j’ai choisis entre p. 41 et 50).

Amas doués amadoués

« La conscience est comme le soleil. Quand elle brille sur les choses, elles sont transformées » (Thich Nath Hanh).

« Or la loi de l’âme est radicale : si je ne suis pas proche de moi, je ne le serai de personne et personne ne pourra, impunément m’approcher ! Car l ‘autre reçoit, aussitôt, et même si je crois l’aimer, le reflet radioactif de ma haine de moi – même. L’amour de soi, qui est le fondement de l’amour est une expérience bouleversante, ontologique et mystique. Il ne s’agit pas de l’amour porté à cette personnalité que j’ai réussi à construire. C’est une grande sympathie que j’éprouve pour elle, tout au plus. Non l’amour s’ancre ailleurs. Il s’ancre, d’abord dans la stupéfaction d’être vivant et étrangement dans l’expérience du corps.

Je vous invite à l’instant à frôler cette qualité. Laissez-vous saisir de la stupeur d’être dans un corps, d’être un corps.

Accordez-vous, un instant, de peser de tout votre poids, sans la moindre esquive, de sentir la densité de la matière qui vous constitue, sa concentration, sa secrète dilatation après chaque inspire. À peine j’entre, entière, dans cette sensation qu’une incroyable qualité de présence m’envahit. Surtout ne me croyez pas. Continuez, seulement, de laisser respirer ce qui respire, de sentir le poids de votre corps, Jusqu’à ce que vous ayez rejoint ce qui vous habite.

Il n’y a que le saisissement qui livre passage à l’essentiel. (…) Cette puissance, infiniment supérieure à l’homme et qui, mystère vertigineux, n’est agissante sur terre qu’à travers l’homme qui l’accueille ou le corps qui l’incarne, cette puissance ou mieux cette présence ineffable et fragile, c’est l’amour qui nous fonde » (Christiane Singer, N’oublie pas les chevaux écumants du passé).

Maternité éternité humanité

Chez les Himbas de Namibie, en Afrique australe, la date de naissance d’un enfant est fixée bien avant sa venue au monde, avant même sa conception : au jour où l’enfant est accueilli dans l’esprit de sa mère.

Quand une femme souhaite un enfant, elle s’installe sous un arbre et écoute jusqu’à ce que monte en elle la chanson de l’enfant qui veut naître. Elle va alors à l’homme qui sera le père de l’enfant pour lui enseigner la chanson de l’enfant, qu’ils chantent pendant qu’ils font l’amour, avec l’intention de l’inviter.

Une fois enceinte, la maman enseigne le chant de cet enfant aux sage-femmes et aux femmes aînées du village. Ainsi, en naissant, l’enfant est accueilli par elles chantant sa chanson.

Au fur et à mesure que l’enfant grandit, les autres villageois apprennent sa chanson. Si bien que quand l’enfant tombe, il se trouve toujours quelqu’un pour le relever et lui chanter sa chanson. De même, si l’enfant fait quelque chose de merveilleux, par exemple traverse avec succès les rites de passage, les gens du village l’honorent par son chant.

De même, plus tard, s’il commet un crime ou un acte social déplacé, il sera appelé au centre du village et tous, en cercle autour de lui, chanteront sa chanson. La tribu reconnaît ainsi que la correction d’un comportement antisocial ne passe pas par la punition mais par l’amour et le rappel de l’identité profonde, qui nous gardent de nuire aux autres.

De même, sur son lit vers la mort, tous les villageois connaissant sa chanson, la lui chanteront, pour la dernière fois.

Sauvage est l’âme où résident passion et créativité

« Être pleinement humain, c’est être sauvage.
La sauvagerie, c’est l’étrange attraction et
le murmure de la sagesse.
C’est le doux coup de pouce et la douleur intense.
C’est ta vérité, transmise par tes anciens,
et le courant de vie dans ton sang.
Sauvage est l’âme où résident passion et créativité,
sauvage est le battement de ton cœur.
Sauvage est ce qui est réel.
La sauvagerie est ta maison »
(Victoria Erickson).

J’ai la patate, de la tête aux pieds

En raison de sa forme assez ronde, la « patate » (terme en argot pour la pomme de terre) désigne la tête d’une personne. Avoir la patate, c’est avoir toute sa tête et, par extension, avoir du tonus, du dynamisme, de la vitalité..

Avoir la patate, c’est être en bonne forme.

« Il faut embrasser le pied pour avoir la branche de l’arbre » (Proverbe provençal).

« Oins-moi le pied, je t’oindrai le museau » (Proverbe cévenol).

‘M’as-tu-vu’

‘M’as-tu-vu’ = personne prétentieuse, ostentatoire, qui a une haute opinion de soi, qui aime le montrer et se montrer ; vient de l’expression utilisée par les acteurs : « m’as-tu vu hier soir dans tel rôle ? ».

« Que renaisse le temps des morts bouffis d’orgueil,
l’époque des m’as-tu-vu-dans-mon-joli-cercueil ! » 
(Georges Brassens, Les Funérailles d’antan, 1960).

« Sa force vitale est impressionnante mais c’est vraiment un m’as-tu-vu. C’est en montant sur le plus grand cheval qu’il a décroché le pompon » (Ségolène Royal, Nicolas Sarkozy est un « m’as-tu-vu » », dans Libération, 28 janvier 2009).

Contempler l’univers avec des yeux d’artiste

« Pour celui qui contemple l’univers avec des yeux d’artiste, c’est la grâce qui se lit à travers la beauté, et c’est la bonté qui transparaît sous la grâce. Toute chose manifeste, dans le mouvement que sa forme enregistre, la générosité infinie d’un principe qui se donne » (Henri Bergson, La pensée et le mouvant, 1938).

Étreinte salutaire

Le remède de base, fondamental et radical :
humblement nous prendre tous les deux dans les bras,
jusqu’à relâchement complet et apaisement.
Tout se réordonne, à tous les niveaux :
du chimique à l’alchimique
en passant par le psychique,
sans mordre sur sa chique ;
c’est sans choc et c’est chic.