« L’espoir est un état d’esprit, une orientation de l’esprit et du cœur, non pas la conviction optimiste que cela va bien se passer, mais la certitude que cela a un sens, quelle que soit la façon dont cela se passe » (Vaclav Havel).
Quelle force cela donne de savoir que ce que je fais, indépendamment des résultats, a du sens ! Merci, Maria Biedrawa, ma sœur, de m’avoir transmis cette vérité que tu as reçue de Viktor Frankl.
« Colin gardait un jour les vaches de son père ; Colin n’avait pas de bergère, Et s’ennuyait tout seul. Le garde sort du bois : Depuis l’aube, dit-il, je cours dans cette plaine Après un vieux chevreuil que j’ai manqué deux fois Et qui m’a mis tout hors d’haleine. Il vient de passer par là-bas, Lui répondit Colin : mais, si vous êtes las, Reposez-vous, gardez mes vaches à ma place, Et j’irai faire votre chasse ; Je réponds du chevreuil. – Ma foi, je le veux bien. Tiens, voilà mon fusil, prends avec toi mon chien, Va le tuer. Colin s’apprête, S’arme, appelle Sultan. Sultan, quoiqu’à regret, Court avec lui vers la forêt. Le chien bat les buissons ; il va, vient, sent, arrête, Et voilà le chevreuil… Colin impatient Tire aussitôt, manque la bête, Et blesse le pauvre Sultan. A la suite du chien qui crie, Colin revient à la prairie. Il trouve le garde ronflant ; De vaches, point ; elles étaient volées. Le malheureux Colin, s’arrachant les cheveux, Parcourt en gémissant les monts et les vallées ; Il ne voit rien. Le soir, sans vaches, tout honteux, Colin retourne chez son père, Et lui conte en tremblant l’affaire. Celui-ci, saisissant un bâton de cormier, Corrige son cher fils de ses folles idées, Puis lui dit : chacun son métier, Les vaches seront bien gardées »
(Jean-Pierre Claris de Florian (1755 – 1794), Le vacher et le garde-chasse).
« L’arrivée massive d’argent, la montée des enjeux économiques et la surenchère des coûts ont facilité la généralisation de pratiques corruptrices ou assimilées, jusqu’aux pratiques quasi mafieuses qui entourent certains matches » (Jérôme Bureau, Football, déontologie et corruption, dans Pouvoirs, 2002, p. 119).
« Ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche ; ma voix, la liberté de celles qui s’affaissent au cachot du désespoir » (Aimé Césaire, Créole de Martinique, Cahiers du retour au Pays natal).
« Le fait d’être cinéaste, pour moi, ce n’est pas un vain mot. C’est un engagement, né d’une grande souffrance, d’un combat et d’une grande frustration. D’une grande colère que j’ai voulue créatrice. On n’existe nulle part, et j’ai voulu que ça existe. Tant que les choses n’iront pas comme il faut, je ne pourrai pas décolérer. Je continuerai à avancer avec ma colère, qui n’est pas une colère de violence, mais une colère qui stimule, qui donne naissance à des œuvres » (Euzhan Palcy, Créole de Martinique ayant reçu le César de la meilleure première œuvre en 1984).
Fêtant ses cent ans, le MIR (Mouvement International de la Réconciliation) en France organise un colloque à Paris les 9 et 10 juin. Il m’a été demandé d’y prendre la parole à propos de « Jean Goss (1912-1991) et Hildegard Goss-Mayr, au service de la non-violence évangélique active : engagement, impact et influence ».
Extraits de Mgr Jacques Gaillot, Chers amis de Partenia :
« J’ai fait un rêve : celui de pouvoir accompagner les pauvres, les exclus, les pas grand-chose, sans avoir à m’expliquer, me justifier auprès des riches, des nantis.
Relever les gens laissés à terre ne suffit pas. La solidarité ne se limite pas à une soupe, un toit et une paire de souliers. La dignité humaine se nourrit de bien autre chose : ne plus être assisté, pouvoir se prendre en charge, être responsable de soi.
Vaste comme le monde, Partenia ne commence et ne s’arrête nulle part. Bien que ne l’ayant pas recherchée, c’est une destination qui me sied, c’est là ou je vais. »
R.I.P., cher évêque de ce diocèse qui ne commence et ne s’arrête nulle part !
« Jésus ne cherche pas à avoir la paix mais à faire la paix. Il n’est pas mort dans son lit, n’ayant pas démissionné de son témoignage à la Vérité, de cette « parole de vérité, puissance de Dieu, armes offensives et défensives de la justice » (2 Co 6,7). « Celui qui vit en vérité vient à la lumière et provoque l’hostilité de ceux qui sont dans les ténèbres » (Jn 3,19-21).
Jésus se bat pour la justice du Royaume qui vient, il regarde les enjeux au-delà des urgences immédiates. C’est par une stratégie de long terme qu’il a opéré une révolution sociale. Il a sapé les fondements même de la domination des uns sur les autres, de l’esclavage, de l’oppression politique et économique. Le ferment de l’évangile a mis quelques générations pour subvertir l’Empire romain mais il le fit ! Et il n’a pas fini d’enfanter un nouveau monde » (Chomé Étienne, Jésus est doux ET ferme ET pugnace. Qu’est-ce à dire ?, dans Paraboles, n° 80, septembre 2014, p. 9).
Pour lire l’article complet, qui montre qu’il n’est pas que pugnace, en même temps doux et ferme :
Robespierre fait guillotiner le poète André Chénier le 7 thermidor de l’an II (25 juillet 1794), juste avant que sa terreur / sad erreur soit arrêtée : Robespierre est guillotiné 3 jours après le poète, dont la vie est passée à un cheveu de la liberté (il avait un crâne très dégarni). Voici ce qu’il écrit, dans les heures avant de mourir, déplorant de faire partie des milliers de moutons qui bêlent :
Comme un dernier rayon, comme un dernier zéphyre Anime la fin d’un beau jour, Au pied de l’échafaud, j’essaye encor ma lyre. Peut-être est-ce bientôt mon tour. Peut-être avant que l’heure en cercle promenée Ait posé sur l’émail brillant, Dans les soixante pas où sa route est bornée, Son pied sonore et vigilant, Le sommeil du tombeau pressera ma paupière ! Avant que de ses deux moitiés, Ce vers que je commence ait atteint la dernière, Peut-être, en ces murs effrayés, Le messager de mort, noir recruteur des ombres, Escorté d’infâmes soldats, Remplira de mon nom ces longs corridors sombres.
Quand au mouton bêlant, la sombre boucherie Ouvre ses cavernes de mort, Pâtre, chiens et moutons, toute la bergerie Ne s’informe plus de son sort. Les enfants qui suivaient ses ébats dans la plaine, Les vierges aux belles couleurs Qui le baisaient en foule et, sur sa blanche laine, Entrelaçaient rubans et fleurs, Sans plus penser à lui, le mangent s’il est tendre. Dans cet abîme enseveli, J’ai le même destin. Je m’y devais attendre. Accoutumons-nous à l’oubli. Oubliés comme moi dans cet affreux repaire, Mille autres moutons, comme moi, Pendus aux crocs sanglants du charnier populaire, Seront servis au peuple-roi. Que pouvaient mes amis ? Oui, de leur main chérie Un mot, à travers les barreaux, Eût versé quelque baume en mon âme flétrie ; De l’or peut-être à mes bourreaux… Mais tout est précipice. Ils ont eu droit de vivre. Vivez, amis ; vivez contents. En dépit de Bavus, soyez lents à me suivre ; Peut-être en de plus heureux temps J’ai moi-même, à l’aspect des pleurs de l’infortune, Détourné mes regards distraits ; A mon tour aujourd’hui mon malheur importune. Vivez, amis ; vivez en paix.
Que promet l’avenir ? Quelle franchise auguste, De mâle constance et d’honneur Quels exemples sacrés, doux à l’âme du juste, Pour lui quelle ombre de bonheur, Quelle Thémis terrible aux têtes criminelles, Quels pleurs d’une noble pitié, Des antiques bienfaits quels souvenirs fidèles, Quels beaux échanges d’amitié Font digne de regrets l’habitacle des hommes ? La Peur blême et louche est leur dieu. Le désespoir !… le fer. Ah ! lâches que nous sommes, Tous, oui, tous. Adieu, terre, adieu. Vienne, vienne la mort ! Que la mort me délivre ! Ainsi donc mon coeur abattu Cède au poids de ses maux ? Non, non, puissé-je vivre ! Ma vie importe à la vertu ; Car l’honnête homme enfin, victime de l’outrage, Dans les cachots, près du cercueil, Relève plus altiers son front et son langage, Brillants d’un généreux orgueil. S’il est écrit aux cieux que jamais une épée N’étincellera dans mes mains, Dans l’encre et l’amertume une autre arme trempée Peut encor servir les humains. Justice, vérité, si ma bouche sincère, Si mes pensers les plus secrets Ne froncèrent jamais votre sourcil sévère, Et si les infâmes progrès, Si la risée atroce ou (plus atroce injure !) L’encens de hideux scélérats Ont pénétré vos coeurs d’une longue blessure, Sauvez-moi ; conservez un bras Qui lance votre foudre, un amant qui vous venge. Mourir sans vider mon carquois ! Sans percer, sans fouler, sans pétrir dans leur fange Ces bourreaux barbouilleurs de lois, Ces tyrans effrontés de la France asservie, Égorgée !… Ô mon cher trésor, Ô ma plume ! Fiel, bile, horreur, dieux de ma vie ! Par vous seuls je respire encor.
Quoi ! nul ne restera pour attendrir l’histoire Sur tant de justes massacrés ; Pour consoler leurs fils, leurs veuves, leur mémoire ; Pour que des brigands abhorrés Frémissent aux portraits noirs de leur ressemblance ; Pour descendre jusqu’aux enfers Chercher le triple fouet, le fouet de la vengeance, Déjà levé sur ces pervers ; Pour cracher sur leurs noms, pour chanter leur supplice ! Allons, étouffe tes clameurs ; Souffre, ô cœur gros de haine, affamé de justice. Toi, Vertu, pleure si je meurs.