Il est là dans ton souffle

« Personne n’a une vie facile. Le seul fait d’être vivant nous porte immédiatement au plus difficile. Les liens que nous nouons dès la naissance, dès la première brûlure de l’âme au feu du souffle, ces liens sont immédiatement difficiles, inextricables, déchirants.

La vie n’est pas chose raisonnable. On ne peut, sauf à se mentir, la disposer devant soi sur plusieurs années comme une chose calme, un dessin d’architecte.

La vie n’est rien de prévisible ni d’arrangeant. Elle fond sur nous comme le fera plus tard la mort, elle est affaire de désir et le désir nous voue au déchirant et au contradictoire.

Ton génie est de t’accommoder une fois pour toute de tes contradictions, de ne rien gaspiller de tes forces à réduire ce qui ne peut l’être, ton génie est d’avancer dans la déchirure, ton génie c’est de traiter avec l’amour sans intermédiaire, d’égal à égal, et tant pis pour le reste. D’ailleurs quel reste ? » (Christian Bobin, La plus que vive).

« Je prends les ailes de l’aurore
et me pose au-delà des mers :
même là, ta main me conduit,
ta main droite me saisit.
J’avais dit : « Les ténèbres m’écrasent ! »
mais la nuit devient lumière autour de moi.
Même la ténèbre pour toi n’est pas ténèbre,
et la nuit comme le jour est lumière !

C’est toi qui as créé mes reins,
qui m’as tissé dans le sein de ma mère »
(Psaume 138/139, 9-13).

Traverser la nuit

« L’exercice qui te sauve :
Te tenir comme un arbre
Ancré dans les courants
Consentant aux averses
Être fleuve sans rives
Ou bien homme debout
Qui marche dans sa nuit
Sans lieu, sans autre sol
Que le bel aujourd’hui
Conscient que tout naufrage
Recèle des trésors
Oublieux de ses failles
Ne gardant que l’élan
La clarté des passages
Invitant chaque oiseau
À demeurer chez lui »

(Jean Lavoué, Ce rien qui nous éclaire).

Ci-dessous peinture de Tomas Sanchez : ‘le témoin’.

La mort et la vie intimement liées

« Chers amis,

En cette fin d’année, vous promenant dans la nature, n’avez-vous pas été surpris ou émerveillés de voir, à côté des feuilles jaunies, de nouveaux surgeons poussant à l’extrémité de la même branche, annonçant le printemps prochain ?

Restons confiants et gardons l’esprit éveillé à trouver ces pointes d’espérance, ces bourgeons de vie, où l’amour triomphera » (Robert et Thérèse Henckes-Ronsse).

L’étoile Herrnhuter aux 182 pointes

« Quand on laisse mourir le feu de Noël, un bon moyen de le rallumer est d’aller chercher le feu des étoiles » (Pierre Jakez Hélias, Les autres et les miens).

Ci-dessous l’étoile Herrnhuter aux 182 pointes, qu’une amie allemande m’a montrée chez elle, lors de mon récent voyage chez elle, en terre morave. Elle expliqua l’importance de cette étoile dans leur Tradition. Au départ, construite à la main il y a 10 générations par un professeur de mathématiques en classe, à des fins de pédagogie en géométrie, elle est entrée dans tous les foyers de l’Église morave réformée : les enfants aidés de leurs parents fabriquent à la main cette étoile, le premier dimanche de l’Avent…

Et mon amie d’ajouter : « We, Moravians, are closely connected with the Herrnhuter Star and his 182 jags. It is bright enough to bring the light into the hearts of all of us and save us from darkness. 😁 »

Pêcheurs d’étoiles lèvent le voile

Une voix parcourt la terre,
Dieu s’approche dans la nuit ;
La semence de lumière
Donne enfin son fruit.

Voici l’heure du Royaume,
L’arbre mort a refleuri ;
Mais devant le Fils de l’homme,
Qui pourra tenir ?

À l’Orient son jour se lève,
Nul n’échappe à sa venue ;
Sa Parole comme un glaive
Met les cœurs à nu.

Seul le pauvre trouve grâce,
Seul le pauvre sait aimer :
Dieu l’invite à prendre place
Près du Fils aîné.

Et l’Agneau des sources vives,
Dieu fait chair en notre temps,
Chaque jour, sous d’humbles signes,
Vient à nos devants.

Offre-lui tes mains ouvertes,
Prends son corps livré pour toi ;
Son amour sera ta fête,
Donne-lui ta foi.

Marche encore vers la Ville
Où tes yeux verront l’Agneau,
Cherche en lui la route à suivre,
Viens au jour nouveau !

À entendre, chanté par les Sœurs de Pradines :
https://youtu.be/211yBAGdGJA !

Reviens chahuter mon cœur

« Reviens chahuter mon cœur,
Qu’il vibre comme autrefois ;
Plein d’amour et d’ardeur,
À nos débuts « il était une fois ».

Reviens sur les heures
Où nous passions notre temps,
À nous aimer sans avoir peur
Comme deux adolescents …

Reviens sans tes rancœurs
Oublions nos jours maudits,
Nos faux pas et leurs erreurs
Reprenons sans les non-dits.

Reviens avec douceur
Que j’me glisse dedans,
Ton air mutin et farceur
Me manque tout simplement »
(Laurence Dauphin).

En attendant Godot

L’œuvre célèbre de Beckett, En attendant Godot, qu’il écrivit au sortir de la deuxième guerre mondiale, fut souvent neutralisée. Jadis, l’homme de goût la neutralisait par l’ennui : pas d’histoire, pas de personnage, pas de drame à se mettre sous la dent. Aujourd’hui, il la neutralise par le divertissement : l’œuvre mal aimée est devenue chef d’œuvre hilarant de l’absurde. Respecter la charge problématique de l’œuvre consisterait, à l’inverse, à laisser l’œuvre d’art construire le sujet d’expérience qu’elle appelle, en d’autres termes, à donner le corps et l’esprit de l’homme nu pris dans l’expérience, plutôt qu’à lui faire barrage avec la subjectivité de l’homme de goût (qui plaque sur l’œuvre son ennui qui exclut et son divertissement qui inclut).

Le mot « inachevé » revient du début à la fin du drame. Dès le début, comment vivre après le mot « fin » ? Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Quand il n’y a plus rien, comment on vit après la fin ? Qu’est-ce qui nous unit quand il n’y a plus d’autre « nous » que la co-présence oscillant entre toutes les nuances de l’ennui au divertissement, quand il n’y a plus d’homme entier, quand il n’y a plus que des chiffonniers qui ramassent des lambeaux de civilisation, tout ce qui jadis faisait des hommes et des communautés ?

Godot, c’est peut-être une blague de catholique irlandais : ce God qui ne viendra jamais, la figure de l’espoir, des lendemains qui chantent ?

(J’ai repris ici ce que j’ai trouvé essentiel de l’analyse faite par Sébastien Barbion ; analyse bien plus complète : https://www.rayonvertcinema.org/beckett-en-attendant-godot/).