Extraits d’Aragon, Le regard de Rancé : « […] Un soir, j’ai cru te perdre. Et, de ce soir, je garde le pathétique espoir d’un miracle incessant. Mais la peur est entrée en moi comme une écharde. Il me semble que je retarde à tenir ton poignet la fuite de ton sang. […] Comme autour de la lampe un concert de moustiques Vers le plafond spiral et la flamme convoie Du fin fond du malheur où reprend le cantique Dans un fandango fantastique Un chœur dansant s’élève et répond à ta voix
Ce sont tous les amants qui crurent l’existence Pareille au seul amour qu’ils avaient ressenti Jusqu’au temps qu’un poignard l’exil ou la potence Comme un dernier vers à la stance Vienne à leur cœur dément apporter démenti
Si toute passion puise dans sa défaite Sa grandeur, sa légende et l’immortalité Le jour de son martyre est celui de sa fête Et la courbe en sera parfaite A la façon d’un sein qui n’a point allaité
Toujours les mêmes mots à la fin des romances Comme les mêmes mots les avaient commencées Le même cerne aux yeux dit une peine immense Comme il avait dit la démence Et l’éternelle histoire est celle de Rancé
« La plus belle chose qui puisse arriver à un être humain, c’est de découvrir ce feu sacré, le feu de son âme. Et de faire en sorte que sa vie entière soit l’expression de ce feu intérieur » (Annie Marquier).
« Si Dieu n’avait pas disposé de nuit autour de tout homme, où serait le terrain du don de création qu’il vous fait ? S’il n’y avait pas d’obscur, où serait votre jour ? Si rien ne vous était donné en nuit, où serait votre création ? » (Patrice de la Tour du Pin, Carnet de route).
« La trompette a sonné. Des tombes entr’ouvertes Les pâles habitants ont tout à coup frémi. Ils se lèvent, laissant ces demeures désertes Où dans l’ombre et la paix leur poussière a dormi. Quelgues morts cependant sont restés immobiles ; Ils ont tout entendu, mais le divin clairon Ni l’ange qui les presse à ces derniers asiles Ne les arracheront.
« Quoi ! renaître ! revoir le ciel et la lumière, Ces témoins d’un malheur qui n’est point oublié, Eux qui sur nos douleurs et sur notre misère Ont souri sans pitié !
Non, non ! Plutôt la Nuit, la Nuit sombre, éternelle ! Fille du vieux Chaos, garde-nous sous ton aile. Et toi, sœur du Sommeil, toi qui nous as bercés, Mort, ne nous livre pas ; contre ton sein fidèle Tiens-nous bien embrassés.
Ah! l’heure où tu parus est à jamais bénie ; Sur notre front meurtri, que ton baiser fut doux ! Quand tout nous rejetait, le néant et la vie, Tes bras compatissants, ô notre unique amie ! Se sont ouverts pour nous.
Nous arrivions à toi, venant d’un long voyage, Battus par tous les vents, haletants, harassés. L’Espérance elle-même, au plus fort de l’orage, Nous avait délaissés.
Nous n’avions rencontré que désespoir et doute, Perdus parmi les flots d’un monde indifférent ; Où d’autres s’arrêtaient enchantés sur la route, Nous errions en pleurant.
Près de nous la Jeunesse a passé, les mains vides, Sans nous avoir fêtés, sans nous avoir souri. Les sources de l’amour sous nos lèvres avides, Comme une eau fugitive, au printemps, ont tari. Dans nos sentiers brûlés, pas une fleur ouverte. Si, pour aider nos pas, quelque soutien chéri Parfois s’offrait à nous sur la route déserte, Lorsque nous les touchions, nos appuis se brisaient : Tout devenait roseau quand nos cœurs s’y posaient. Au gouffre que pour nous creusait la Destinée Une invisible main nous poussait acharnée. Comme un bourreau, craignant de nous voir échapper, À nos côtés marchait le Malheur inflexible. Nous portions une plaie à chaque endroit sensible, Et l’aveugle Hasard savait où nous frapper.
Peut-être aurions-nous droit aux célestes délices ; Non ! ce n’est point à nous de redouter l’enfer, Car nos fautes n’ont pas mérité de supplices : Si nous avons failli, nous avons tant souffert ! Eh bien, nous renonçons même à cette espérance D’entrer dans ton royaume et de voir tes splendeurs, Seigneur ! nous refusons jusqu’à ta récompense, Et nous ne voulons pas du prix de nos douleurs.
Nous le savons, tu peux donner encor des ailes Aux âmes qui ployaient sous un fardeau trop lourd ; Tu peux, lorsqu’il te plaît, loin des sphères mortelles, Les élever à toi dans la grâce et l’amour ; Tu peux, parmi les chœurs qui chantent tes louanges, A tes pieds, sous tes yeux, nous mettre au premier rang, Nous faire couronner par la main de tes anges, Nous revêtir de gloire en nous transfigurant. Tu peux nous pénétrer d’une vigueur nouvelle, Nous rendre le désir que nous avions perdu… Oui, mais le Souvenir, cette ronce immortelle Attachée à nos cœurs, l’en arracheras-tu ?
Quand de tes chérubins la phalange sacrée Nous saluerait élus en ouvrant les saints lieux, Nous leur crierions bientôt d’une voix éplorée : « Nous élus ? nous heureux ? Mais regardez nos yeux ! Les pleurs y sont encor, pleurs amers, pleurs sans nombre. Ah ! quoi que vous fassiez, ce voile épais et sombre Nous obscurcit vos cieux. »
Contre leur gré pourquoi ranimer nos poussières ? Que t’en reviendra-t-il ? et que t’ont-elles fait ? Tes dons mêmes, après tant d’horribles misères, Ne sont plus un bienfait.
Au ! tu frappas trop fort en ta fureur cruelle. Tu l’entends, tu le vois ! la Souffrance a vaincu. Dans un sommeil sans fin, ô puissance éternelle ! Laisse-nous oublier que nous avons vécu » (Louise Ackermann, Les Malheureux).
Tu as ouvert les cœurs-esprits, on t’a fermé la bouche. Et tu as donné ton Esprit qui a ouvert nos bouches ! Toi dont on a frappé la joue, tu tendis l’autre joue = tu n’as pas répondu à la violence par la violence ; tu y as répondu par une surprise qui nous a tous fait sortir par le haut de ce guêpier mortel. Merci de tenir bon dans nos enfers embêtant, en fer en béton. Gratte, titube… jusqu’à gratitude !
« Quand Dieu se fait homme ça va loin, ma sœur, mon frère, masseur,…, ça va très loin. Ça commence par le grain jeté en terre et la grappe qui mûrit au soleil mais ça finit par du grain broyé et du raisin pressé pour devenir pain et vin » (dixit mon collègue s.j. Xavier Dijon). Les étincelles de les consommer et ça finit en étain-selles. Vie et mort : avec Lui, tout est or et rien n’est hors / tort. Même nos selles valent de l’or pour le grain jeté en terre, pour la semence qui recommence ! Dieu jaillit, même à la toilette, lieu qui peut, lui aussi, être éclaboussé par les étincelles du Ressuscité, non ?…
« Désormais nul ne pourra dire : « Là où je suis, il n’est pas venu ; il n’est pas descendu assez bas pour me rencontrer. » Car il n’y a ni déchéance ni abandon qu’il n’ait connu et dont il n’ait fait par sa présence le lieu privilégié de la proximité de Dieu. Oui, il fallait que lui, le Fils bien-aimé, mourût dans la nuit des grands délaissements, pour que sa résurrection fût vraiment la résurrection de tous. Jamais il ne fut si proche de l’homme. Jamais non plus aussi proche de Dieu. Jamais il n’a rendu Dieu si proche de l’homme » (Éloi Leclerc).
« Derrière ces parts écrasées, se cache un désir, comme le soleil derrière de gros nuages épais et sombres. Fais ressortir ce désir, exprime-le, expose-le devant le Seigneur, fais le luire en sa Présence. Lui accomplira le désir le plus profond de ton cœur » (MJC).
« Quand tes yeux sont fatigués, le monde l’est aussi. Lorsque ta vision a disparu, rien en ce monde ne peut te trouver. Il est temps d’aller dans l’obscurité où la nuit a des yeux pour reconnaître les siens. Là, tu peux être sûr que tu n’es pas au-delà de l’amour. L’obscurité sera ton refuge ce soir. La nuit te donnera un horizon plus lointain que ce que tu peux voir. Tu dois apprendre une chose : le monde a été créé pour y être libre. Abandonne tous les autres mondes, sauf celui auquel tu appartiens. Parfois, il faut l’obscurité et le doux confinement de ta solitude pour apprendre que tout ce qui ne t’apporte pas la vie est trop petit pour toi » (David Whyte, Sweet Darkness, dans Poetry of Presence, 2017, p. 152).
« Si tu savais comme je l’aime Ton petit cœur à la traîne Et si tu as de la peine Tu trouveras dans mes bras des milliers de « je t’aime ». Plus besoin de chercher, plus besoin, je t’ai trouvée Ce n’est rien, tout le mal qu’on m’a fait, je t’ai trouvée Je pensais tout savoir de l’amour, mais ce n’est pas vrai Si je les aimais fort, toi, c’est beaucoup plus fort Regarde comme on est beaux sur le même bateau, mmh-mmh Oh, non, y a pas plus beau, l’amour c’est jamais trop, mmh-mmh » (Chanson de Slimane, Des milliers de je t’aime : https://www.youtube.com/watch?v=zjCNV0_ycSI).