Méchante, mais chante…

« Si Dieu n’avait pas disposé de nuit autour de tout homme, où serait le terrain du don de création qu’il vous fait ? S’il n’y avait pas d’obscur, où serait votre jour ? Si rien ne vous était donné en nuit, où serait votre création ? » (Patrice de la Tour du Pin, Carnet de route).

Patate !

« La trompette a sonné. Des tombes entr’ouvertes
Les pâles habitants ont tout à coup frémi.
Ils se lèvent, laissant ces demeures désertes
Où dans l’ombre et la paix leur poussière a dormi.
Quelgues morts cependant sont restés immobiles ;
Ils ont tout entendu, mais le divin clairon
Ni l’ange qui les presse à ces derniers asiles
Ne les arracheront.

« Quoi ! renaître ! revoir le ciel et la lumière,
Ces témoins d’un malheur qui n’est point oublié,
Eux qui sur nos douleurs et sur notre misère
Ont souri sans pitié !

Non, non ! Plutôt la Nuit, la Nuit sombre, éternelle !
Fille du vieux Chaos, garde-nous sous ton aile.
Et toi, sœur du Sommeil, toi qui nous as bercés,
Mort, ne nous livre pas ; contre ton sein fidèle
Tiens-nous bien embrassés.

Ah! l’heure où tu parus est à jamais bénie ;
Sur notre front meurtri, que ton baiser fut doux !
Quand tout nous rejetait, le néant et la vie,
Tes bras compatissants, ô notre unique amie !
Se sont ouverts pour nous.

Nous arrivions à toi, venant d’un long voyage,
Battus par tous les vents, haletants, harassés.
L’Espérance elle-même, au plus fort de l’orage,
Nous avait délaissés.

Nous n’avions rencontré que désespoir et doute,
Perdus parmi les flots d’un monde indifférent ;
Où d’autres s’arrêtaient enchantés sur la route,
Nous errions en pleurant.

Près de nous la Jeunesse a passé, les mains vides,
Sans nous avoir fêtés, sans nous avoir souri.
Les sources de l’amour sous nos lèvres avides,
Comme une eau fugitive, au printemps, ont tari.
Dans nos sentiers brûlés, pas une fleur ouverte.
Si, pour aider nos pas, quelque soutien chéri
Parfois s’offrait à nous sur la route déserte,
Lorsque nous les touchions, nos appuis se brisaient :
Tout devenait roseau quand nos cœurs s’y posaient.
Au gouffre que pour nous creusait la Destinée
Une invisible main nous poussait acharnée.
Comme un bourreau, craignant de nous voir échapper,
À nos côtés marchait le Malheur inflexible.
Nous portions une plaie à chaque endroit sensible,
Et l’aveugle Hasard savait où nous frapper.

Peut-être aurions-nous droit aux célestes délices ;
Non ! ce n’est point à nous de redouter l’enfer,
Car nos fautes n’ont pas mérité de supplices :
Si nous avons failli, nous avons tant souffert !
Eh bien, nous renonçons même à cette espérance
D’entrer dans ton royaume et de voir tes splendeurs,
Seigneur ! nous refusons jusqu’à ta récompense,
Et nous ne voulons pas du prix de nos douleurs.

Nous le savons, tu peux donner encor des ailes
Aux âmes qui ployaient sous un fardeau trop lourd ;
Tu peux, lorsqu’il te plaît, loin des sphères mortelles,
Les élever à toi dans la grâce et l’amour ;
Tu peux, parmi les chœurs qui chantent tes louanges,
A tes pieds, sous tes yeux, nous mettre au premier rang,
Nous faire couronner par la main de tes anges,
Nous revêtir de gloire en nous transfigurant.
Tu peux nous pénétrer d’une vigueur nouvelle,
Nous rendre le désir que nous avions perdu…
Oui, mais le Souvenir, cette ronce immortelle
Attachée à nos cœurs, l’en arracheras-tu ?

Quand de tes chérubins la phalange sacrée
Nous saluerait élus en ouvrant les saints lieux,
Nous leur crierions bientôt d’une voix éplorée :
« Nous élus ? nous heureux ? Mais regardez nos yeux !
Les pleurs y sont encor, pleurs amers, pleurs sans nombre.
Ah ! quoi que vous fassiez, ce voile épais et sombre
Nous obscurcit vos cieux. »

Contre leur gré pourquoi ranimer nos poussières ?
Que t’en reviendra-t-il ? et que t’ont-elles fait ?
Tes dons mêmes, après tant d’horribles misères,
Ne sont plus un bienfait.

Au ! tu frappas trop fort en ta fureur cruelle.
Tu l’entends, tu le vois ! la Souffrance a vaincu.
Dans un sommeil sans fin, ô puissance éternelle !
Laisse-nous oublier que nous avons vécu »
(Louise Ackermann, Les Malheureux).

Surprise quand Il tend la joue !

Tu as ouvert les cœurs-esprits,
on t’a fermé la bouche.
Et tu as donné ton Esprit
qui a ouvert nos bouches !
Toi dont on a frappé la joue,
tu tendis l’autre joue
= tu n’as pas répondu
à la violence
par la violence ;
tu y as répondu
par une surprise
qui nous a tous fait sortir
par le haut de ce guêpier mortel.
Merci de tenir bon dans nos
enfers embêtant,
en fer en béton.
Gratte, titube…
jusqu’à gratitude !

Illumination, éveils, même au WC !

« Quand Dieu se fait homme
ça va loin, ma sœur, mon frère, masseur,…,
ça va très loin.
Ça commence
par le grain jeté en terre
et la grappe qui mûrit au soleil
mais ça finit
par du grain broyé et du raisin pressé
pour devenir pain et vin »
(dixit mon collègue s.j. Xavier Dijon).
Les étincelles de les consommer et
ça finit en étain-selles.
Vie et mort : avec Lui,
tout est or
et rien n’est hors / tort.
Même nos selles valent de l’or
pour le grain jeté en terre,
pour la semence qui recommence !
Dieu jaillit, même à la toilette, lieu qui peut, lui aussi,
être éclaboussé par les étincelles du Ressuscité, non ?…  

Bon Lundi de Pâques !

Jusqu’aux enfers

« Désormais nul ne pourra dire : « Là où je suis, il n’est pas venu ; il n’est pas descendu assez bas pour me rencontrer. »  Car il n’y a ni déchéance ni abandon qu’il n’ait connu et dont il n’ait fait par sa présence le lieu privilégié de la proximité de Dieu. Oui, il fallait que lui, le Fils bien-aimé, mourût dans la nuit des grands délaissements, pour que sa résurrection fût vraiment la résurrection de tous. Jamais il ne fut si proche de l’homme. Jamais non plus aussi proche de Dieu. Jamais il n’a rendu Dieu si proche de l’homme » (Éloi Leclerc).

en ce 7 avril 2023, Vendredi Saint

Lâche les fils à ta patte

Douces ténèbres : 

« Quand tes yeux sont fatigués, le monde l’est aussi. Lorsque ta vision a disparu, rien en ce monde ne peut te trouver. Il est temps d’aller dans l’obscurité où la nuit a des yeux pour reconnaître les siens. Là, tu peux être sûr que tu n’es pas au-delà de l’amour. L’obscurité sera ton refuge ce soir. La nuit te donnera un horizon plus lointain que ce que tu peux voir. Tu dois apprendre une chose : le monde a été créé pour y être libre. Abandonne tous les autres mondes, sauf celui auquel tu appartiens. Parfois, il faut l’obscurité et le doux confinement de ta solitude pour apprendre que tout ce qui ne t’apporte pas la vie est trop petit pour toi » (David Whyte, Sweet Darkness, dans Poetry of Presence, 2017, p. 152).

Ton petit cœur à la traîne

« Si tu savais comme je l’aime
Ton petit cœur à la traîne
Et si tu as de la peine
Tu trouveras dans mes bras des milliers de « je t’aime ».
Plus besoin de chercher, plus besoin, je t’ai trouvée
Ce n’est rien, tout le mal qu’on m’a fait, je t’ai trouvée
Je pensais tout savoir de l’amour, mais ce n’est pas vrai
Si je les aimais fort, toi, c’est beaucoup plus fort
Regarde comme on est beaux sur le même bateau, mmh-mmh
Oh, non, y a pas plus beau, l’amour c’est jamais trop, mmh-mmh »
(Chanson de Slimane, Des milliers de je t’aime : https://www.youtube.com/watch?v=zjCNV0_ycSI).

Prendre soin de nos fragilités

Quant à ma colère d’être injustement présenté,
le système en place lui a retiré les droits de Cité. 
Cela ne me retire pas le droit de la citer. 
Ne passons pas à côté de nos appels à maturité.
Relevons ensemble nos défis d’humanité,
même plus : d’amour en vérité,
d’accueil humble de nos pauvretés,
sans s’accuser,
jusqu’à connecter
nos vulnérabilités.

Image : un vieux chêne de 800 ans.

Bien chaos !?

« Au milieu de la haine,
j’ai trouvé qu’il y avait en moi
un amour invincible.
Au milieu des larmes,
j’ai trouvé qu’il y avait en moi
un sourire invincible.
Au milieu du chaos,
j’ai trouvé qu’il y avait en moi
un calme invincible.
J’ai réalisé à travers tout cela que,
au milieu de l’hiver,
il y avait en moi un été invincible,
et cela me rend heureux »
(Albert Camus).