« Au commencement, était la relation » (Martin Buber).
« Il n’est pas d’existence possible sans relation : la vie même est relation. L’art de vivre, c’est la relation ; sans relation il n’est pas de vie » (Jiddu Krishnamurti, Apprendre est l’essence de la vie, 2009).
« Rien n’est précieux que ce qui est toi dans les autres, et les autres en toi » (Pierre Teilhard de Chardin).
« La vraie vie, c’est la vie fraternelle, la vie universelle, en communion avec tous les êtres » (Omraam Mikhaël Aïvanhov).
Pour 2020, depuis le 22 août, il est déjà derrière nous le « jour du dépassement de la Terre » (Earth Overshoot Day / EOD) ! L’ONG américaine Global Footprint Network a créé un indicateur pédagogique : ayant déjà consommé l’ensemble des ressources que la planète est capable de régénérer en un an, les humains sont en train de puiser dans les réserves profondes, normalement non renouvelables…
Quel contraste avec l’abeille gorgée de pollen, qui féconde les fleurs qu’elle butine : merveilleux échange, grande et simple sagesse de la Création / Créativité !
« L’ingratitude, fille de l’intérêt et de la vanité, est le vice des petites âmes » (Nicolas de Condorcet, Les pensées et maximes, 1794).
« Les grands talents de l’athéisme moderne refusent Dieu parce qu’ils le voient comme une limite à l’homme, comme une menace contre l’homme, comme un interdit, une défense, une barrière. […] Rien n’est plus déchirant que de voir Dieu constamment défiguré, comme une puissance extérieure au monde, non engagée dans notre vie » (Maurice Zundel).
« Aime Dieu, ne vis que pour le remercier et tu nageras dans l’océan de la félicité » (Madeleine-Sophie Barat).
Dans la lignée de Bush qui avait utilisé les arguments de légitime défense et de guerre préemptive pour justifier sa guerre contre l’Irak en 2003, Donald Trump a justifié son ordre de tuer, par drone armé, le général iranien Qassem Soleimani, en le qualifiant de « terroriste numéro un » dans le monde, et en l’accusant de préparer des attaques « imminentes » contre des diplomates et militaires américains.
Dans son récent rapport, Agnès Callamard, Rapporteur spécial des Nations-Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a conclu que Washington n’a pas démontré « une menace imminente mettant en danger la vie » et que « la manière d’agir des États-Unis était illégale », au regard de la Charte des Nations unies.
Dans sa démarche scientifique, qu’il a nommée « polémologie », Gaston Bouthoul parlait des « réprobations incantatoires » de la violence (colonne 4 du schéma ci-dessous) : un laisser-faire de la Communauté des Nations est complice de l’impunité actuelle des Puissances utilisant les drones pour éliminer leurs adversaires.
Il s’agit au contraire de se mobiliser collectivement (colonne 2) pour normer les règles du jeu (colonne 3) et ainsi réduire la zone de non-droit et l’arbitraire que s’arrogent les arrogants.
Cf. Chomé Étienne, Le nouveau paradigme de non-violence, p. 157 à 163.
Le cadre-porteur libère ma liberté par ses limites contenantes :
« Les rives sont la chance du fleuve puisque, l’enserrant, elles l’empêchent de devenir marécage » (Comte de Bourbon-Busset).
« La rivière n’atteindrait jamais la mer si les berges ne la contraignaient » (Rabindranàth Tagore).
« Devant une toile immense dont il ne verrait pas les bords, tout peintre aussi génial fût-il baisserait les bras. C’est la restriction de la toile, sa limitation même qui exaltent ses pinceaux. La liberté vit de la puissance des limites. Elle est ce jeu ardent, cette immense respiration à l’intérieur des limites » (Christiane Singer).
La cohérence entre fin et moyen : ci-dessous un extrait de mon livre La non-violence évangélique et le défi de la sortie de la violence, p. 116-118, disponible en entier dans l’onglet Publications de fond > Théologie. Voir aussi p. 249-250 + p. 328-329 + p. 335.
Tolstoï pensait la non-violence comme une fin en soi ; Gandhi, lui, en a fait un moyen d’action. Grâce à son intelligence politique, il a élaboré des stratégies sur lesquelles il entendait fonder l’efficacité de son action. Il n’empêche, sa non-violence ne se réduit pas à une technique d’action, elle a pour ressort moral le lien infrangibleentre la fin et les moyens employés. Voici un texte parmi les plus cités de ce juriste hindou : « Votre grande erreur est de croire qu’il n’y a aucun rapport entre la fin et les moyens. C’est comme si vous prétendiez que d’une mauvaise herbe, il peut sortir une rose. Les moyens sont comme la graine et les fins comme l’arbre. Le rapport est aussi inéluctable entre la fin et les moyens qu’entre l’arbre et la semence. On récolte exactement ce que l’on sème. La fin vaut ce que valent les moyens. À fins bonnes, moyens bons. Je n’admets pas les raccourcis de la violence pour parvenir au succès. L’expérience me prouve qu’un bien durable ne peut jamais venir du mensonge et de la violence[1]. » Le Siracide dans la Bible disait déjà cette vérité principielle : « Tel l’eunuque qui voudrait déflorer une jeune fille, tel celui qui prétend établir la justice par la violence » (Ecclés. 10,2). Mais la révolution de Gandhi est de prendre ce principe moral à la lettre, au cœur d’une action politique d’envergure. Ses campagnes étaient basées sur ce slogan : « Tels sont les moyens, telle est la fin » (« As the means, so the end[2] »).
Traditionnellement, les discernements moraux portaient sur la justesse de la fin. Gandhi déplace notre attention de la fin vers les moyens utilisés[3]. Dans les années 50, Simone Weil réfléchit au mécanisme par lequel la violence mise en œuvre pervertit la justesse de la cause. L’usage de moyens injustes finit par rendre la fin injuste. Une cause noble au départ est ainsi annulée par « un renversement du rapport entre le moyen et la fin[4] ». Dès lors, ce qui devient important, c’est d’« examiner avant tout n’importe quel fait humain en tenant compte bien moins des fins poursuivies que des conséquences nécessairement impliquées par le jeu même des moyens mis en usage[5] ». En 1966, dans un pamphlet qui s’en prend aux idées reçues de son temps, Jacques Ellul (1912-1994) écrit : « La vérité à laquelle il faut rigoureusement, durement se tenir c’est le contraire du lieu commun : les Moyens corrompent les Fins… Tout moyen aujourd’hui détruisant fût-ce un homme dans son corps ou dans son âme, et serait-ce pour libérer un million d’hommes, ne conduira jamais qu’à l’esclavage du million d’hommes pour qui l’on travaille. […] Les plus nobles fins assignées à la guerre sont pourries par la guerre. […] Le droit établi par la violence sera toujours l’injustice. Le Bien établi par la ruse ou la contrainte sera toujours le Mal. La Foi obtenue par le prosélytisme sera toujours l’hypocrisie. La Vérité répandue par la propagande sera pour toujours le Mensonge. La Société parfaite organisée dans le sang, même d’hommes coupables, sera pour toujours un bagne. Voilà ce qui est exact. Mais la médiocrité, la veulerie, la vanité, la satisfaction de soi sont si grandes chez l’homme qu’il préfère tous les mensonges à cette humble et quotidienne reconnaissance de l’importance du moyen d’aujourd’hui[6]. » Il consonne à Jean Goss (1912-1991), qui est tout aussi provocateur pour son époque : « Il est toujours dangereux, répond-il en 1969 dans un débat, d’insister sur les fins sans étudier sérieusement les moyens. Je crois que le diable est bien plus malin pour se cacher dans les fins que dans les moyens. Quand je lisais les discours d’Adolf Hitler, je n’y voyais pas facilement le diable. Mais quand je voyais les moyens employés par l’armée allemande je voyais le diable de mes propres yeux. Ce qui caractérise la morale chrétienne, c’est un lien extrêmement étroit entre le faire et l’être. C’est une des caractéristiques fondamentales de l’éthique chrétienne qu’on ne puisse dissocier le faire de l’être[7]. » S’opère ainsi un renversement de perspective. La doctrine traditionnelle s’intéresse aux exceptions de légitime violence, que l’on doit bien accepter dans ce monde corrompu par le péché : la fin juste justifie in fine les moyens violents. Au XXe siècle, apparaît une nouvelle problématique qui s’intéresse au mécanisme inverse, à la manière dont des moyens injustes rendent finalement la fin injuste. Dans leur lutte de libération du régime soviétique, les intellectuels dissidents ont tiré les leçons de la Révolution bolchevique de 1917 qui a échoué pas tant en raison de ses fins (donner le pouvoir au peuple) que de ses moyens violents. Voyant comment la violence révolutionnaire a engendré un totalitarisme, le Russe Andreï Sakharov, le Tchèque Václav Havel, le Polonais Adam Michnik influençant les leaders des peuples comme Lech Walesa, ont été guéris de l’illusion de croire que la violence peut construire une société juste et démocratique. Si la fin est de construire une démocratie, fondée sur les droits de l’homme, alors il faut employer d’autres moyens que la violence révolutionnaire[8]. Il ne suffit donc pas d’abord de renverser le pouvoir soviétique mais surtout de renforcer la société civile. La violence a été récusée comme erreur stratégique et comme contradiction fondamentale entre fin poursuivie et moyens employés pour l’atteindre. Václav Havel se dit d’une « profonde méfiance pour l’idée selon laquelle un avenir conquis par la force peut être réellement meilleur, c’est-à-dire qu’il ne porte pas fatalement les traces de la violence exercée pour sa conquête[9] ». Ainsi, la Révolution de velours à l’Est est parvenue à faire imploser les régimes communistes, en étant particulièrement attentive aux moyens, car ce sont eux qui permettent in fine de faire progresser l’objectif fondamental visé[10]. Sur le modèle de Mt 6,33[11], on pourrait dire : « Prenez soin des moyens et le reste vous sera donné par surcroît. »
[1] Gandhi, Hindswaraj or Indian Rule, Ahmedabad, Navajivan, 1938, p. 71, repris dans Tous les hommes sont frères, op. cit., p. 147.
[2]Young India, 17 juillet, 1924. Pour une étude approfondie sur cette question, cf. Terchek Ronald J., Gandhi:Nonviolence and violence, dans Journal of Power and Ethics, juillet 2001. Cf. aussi Prasad Ganesh, Importance of Non-Violence: according to Gandhi, dans IRJMSH (International Research Journal of Management Sociology & Humanities), vol. 5, 2014 ; en ligne : www.IRJMSH.com. Cf. aussi Muller Jean-Marie, Apprendre la langue de la non-violence, dans Diogène, n° 243-244, mars 2013, p. 17-18 (6-21).
[3] Voici ce qu’écrit le pacifiste Barthélémy de Light en 1935 : « Tout but suggère ses propres moyens. Celui qui néglige cette loi subit inévitablement la dictature des moyens. Car si certains moyens portent en eux une destination à contre-sens du but poursuivi, plus l’homme les emploie, plus il est amené à dévier de l’objet poursuivi, et plus il est fatalement déterminé par ces moyens dans son action… L’emploi des moyens de guerre moderne rend injuste la cause la plus juste, puisque ceux qui s’y laissent entrainer ne peuvent faire autrement que de descendre au même niveau de violence brutale que ceux qu’ils combattent » (De Ligt Barthélemy, Pour vaincre sans violence, Paris, G. Mignolet & Storz, 1935, p. 65 et 76, cité par le Jeune Jacques, Je ne tuerai pas…, op. cit., p. 231). Léon Trotski écrit en 1938 : « Le moyen ne peut être justifié que par la fin. Mais la fin a aussi besoin de justification. Du point de vue du marxisme, qui exprime les intérêts historiques du prolétariat, la fin est justifiée si elle mène à l’accroissement du pouvoir de l’homme sur la nature et à l’abolition du pouvoir de l’homme sur l’homme » (Trotski Léon, Leur morale et la nôtre, 1938 ; en ligne : http://classiques.uqac.ca/classiques/trotsky_leon/ leur_morale_et_
la_notre/leur_morale.html).
[4] Weil Simone, Écrits historiques, Paris, Gallimard, 1960, p. 59.
[5]Idem, p. 233. Cf. déjà en 1951 : Cahiers, Tome I, Paris, Plon, 1951, p. 46.
[6] Ellul Jacques, Exégèse des nouveaux lieux communs, Paris, La Table Ronde, coll. La petite vermillon, n° 38, p. 297-298.
[7] Goss-Mayr Jean & Hildegard, Une autre révolution, op. cit., p. 103.
[8] Ce principe au fondement du nouveau paradigme est devenu aujourd’hui évident à beaucoup. À titre d’exemple : « L’un des corollaires de l’unité entre théorie et pratique est qu’une société démocratique doit être conquise par une lutte démocratique » (Draperi Jean-François, Rendre possible un autre monde, Paris, Presses de l’économie sociale, 2009).
[9] Havel Vaclav, Le pouvoir des sans-pouvoirs, Calmann-Lévy, Essais politiques, 1989, p. 127. « Justifier la violence pour reconquérir la liberté, c’est courir le risque de la justifier dans la future société, même une fois l’indépendance acquise. L’exemple de l’Algérie est à prendre en considération » (Temaru Oscar, leader indépendantiste de Polynésie, interviewé par Non-violence Actualité, septembre 1993). Pour un examen de l’échec stratégique de la lutte armée palestinienne et les lourdes conséquences de l’option violente de l’OLP, cf. Ravenel Bernard, De la résistance armée à la résistance non-violente. Réflexions sur un itinéraire spécifique, Supplément aux Actes du colloque au Palais du Luxembourg, février 2011 ; en ligne : http://anarchismenonviolence2.org/spip.php?article119. C’est dès les années 50 et 60, que des options armées ont eu de lourdes conséquences, en desservant la cause palestinienne, dans ce rapport du faible au fort.
[10] Cf. Mellon Christian & Semelin Jacques, La non-violence, op. cit., p. 41-43.
[11] « Cherchez le Royaume de Dieu et sa justice, et le reste vous sera donné par surcroît. »
Des chercheurs de sens, des témoins engagés pour un monde plus juste et moins violent, en veux-tu ? En voilà sur le site https://www.irnc.org/ de l’Institut de recherche sur la Résolution Non-violente des Conflits (IRNC), mine débordante de trésors.
Étienne Godinot (« God-dit-no » à la violence) a produit des « trombinoscopes historiques de la non-violence », présentant de nombreux acteurs engagés dans la société civile : https://www.irnc.org/IRNC/Diaporamas. L’image ci-dessous = comment j’y figure depuis 2015 (https://www.irnc.org/IRNC/Diaporamas/665).
Un jour de décembre Au cœur des ténèbres Je suis sorti des cendres Sans savoir que j’étais nègre En quelque sorte innocent Les seins de ma mère, j’y tenais Mais la vie m’a séparé d’elle De mon jardin d’Eden De ma famille d’ébène De mes sœurs si belles De mes frères de peine Tout ça car papa Ne voulait pas Marcher aux pas Alors, il est devenu la proie Du roi Léopard On a dû quitter la jungle Et aller voir autre part On a traversé la mer Atterri dans la merde OK pour dire vrai au début ça allait La découverte fut chouette, mais l’addition fut salée Bloquer ici j’ai vu mon père se laisser aller Passer ses journées à ne faire que râler Et ma seconde mère nettoyait les chiottes Pour mon frère et moi, l’école fut le premier choc Nos premiers profs avaient du mal à prononcer nos noms Preuve qu’ils auraient du mal à nous trouver normaux Blessés profondément dès leur premier mot On a compris qu’on aurait du mal à pénétrer leur monde Et à fréquenter leurs mômes
Dans tout ce bordel je cherche ma place Je n’arrive pas à la trouver et ça me tracasse Au bord de la crise de nerf J’ai développé une crise de nègre Quand j’en parle on me dit que j’exagère Mais dans le fond ça me fait mal et il faut que je la gère J’arrive pas à l’avaler donc il faut que je la gerbe Ma crise de nègre
Le silence de nos parents est éloquent Pour eux depuis longtemps Le modèle était le Blanc Donc, pour nous, suivre le modèle était le plan Finalement on s’est retrouvé sur les mêmes bancs Portant les mêmes vêtements Se fréquentant plus souvent Et pourtant toujours ce sentiment D’être impotents De croire que le reste nous trouve si peu important D’où nous vient ce complexe Quand on parle de nous tout devient complexe
« Ce que j’appelle amour est entier dans cette phrase d’un rabbin rescapé d’un camp de la mort : « la souffrance a tout calciné, tout consumé en moi, sauf l’amour. » Si cette phrase nous atteint de plein fouet, c’est que nous sentons bien combien nous sommes loin des représentations, du décorum de l’âme. L’amour est ce qui reste quand il ne reste plus rien. Nous avons tous cette mémoire au fond de nous quand, au-delà de nos échecs, de nos séparations, des mots auxquels nous survivons, monte du fond de la nuit comme un chant à peine audible, l’assurance qu’au-delà des désastres de nos biographies, qu’au-delà même de la joie, de la peine, de la naissance et de la mort, il existe un espace que rien ne menace, que rien jamais n’a menacé et qui n’encourt aucun risque de destruction, un espace intact, celui de l’amour qui a fondé notre être » (Christiane Singer).
« Par-delà les idées du bien et du mal, il y a un champ. Je t’y retrouverai » (Djalâl-od-Dîn Rûmî).
Christine, épouse chérie / pas toujours tendrement chérie, en 33 ans, nous avons appris ensemble que c’est par-delà les idées du bien et du mal, qu’il y a ce chant, parfois à peine audible, où nous pouvons nous retrouver… Je t’aime, bien plus et un peu mieux que dans ma fougueuse jeunesse !
« Il faut se tromper, il faut être imprudent, il faut être fou. On est infirme, autrement » (Jacques Brel, Belge éternel).
« Entre possible et impossible, deux lettres et un état d’esprit » (Charles de Gaulle, a la gaule de France).
« Il faut toujours viser la Lune, car même en cas d’échec, on atterrit dans les étoiles » (Oscar Wilde, wide poet, ose-car from Ireland, 1854-1900).
« Il y a un moment, dans la vie, où on sait que c’est exactement le moment de franchir le pas. Maintenant ou jamais. Maintenant, ou plus rien ne sera comme avant. Et ce moment, c’est maintenant » (Federico Moccia, Roma, arôme caput mundi).
Le reportage « Kongo, cœur noir, hommes blancs » commente les relations Noirs / Blancs avant l’Indépendance du 30 juin 1960 : « Les meilleurs des Noirs, aux yeux des Belges, sont ceux qui cherchent à leur ressembler. On les appelle les évolués. Les plus évolués des évolués peuvent même recevoir une carte d’immatriculation. Mais il leur faut, pour cela, faire patte blanche, montrer qu’ils mangent et boivent comme les Blancs, qu’ils vivent comme les Blancs, qu’ils pensent comme les Blancs. Apparemment, la preuve est difficile à fournir. À la veille de l’Indépendance, ils seront 217 immatriculés à y être parvenus. »
François Ryckmans, interviewé dans l’émission « La semaine du monde » sur la radio « La Première », ce 28 juin 2020, conclut ainsi : « Je suis frappé par la continuité des régimes. L’État colonial, basé sur l’exploitation, est d’une certaine manière un État-prédateur et cet État-prédateur a continué avec des présidents congolais… Les gens me partagent : « Les Belges sont partis et on a eu de nouveaux prédateurs, qui étaient des Congolais comme nous » » et évolués comme eux…
« Les violences dites « institutionnelles » ou « structurelles » tuent et asservissent avec beaucoup plus d’efficacité que les coups directement assenés. Quand un mari bat sa femme –affirme Johan Galtung–, c’est un cas clair de violence personnelle (directe). Quand un million de maris maintiennent un million de femmes dans l’ignorance, il y a violence structurelle, même si personne ne hurle de douleur. De même, dans une société où l’espérance de vie est deux fois plus élevée dans la classe supérieure que dans les couches inférieures, il y a violence, même s’il n’y a pas d’hommes concrets à qui l’on puisse reprocher d’attaquer directement les autres, comme quand un frère tue son frère. De même, si une personne meurt de tuberculose au XVIIIe siècle, on ne peut pas dire que violence lui est faite ; mais aujourd’hui il y a violence structurelle si les moyens actuellement possibles pour enrayer la tuberculose ne sont pas effectivement employés dans tel bidonville, dans tel pays sous-développé. […] La violence est incorporée (built into) dans la structure et se manifeste par des différences de pouvoirs et donc des différences de chances de vie. […] Il y a violence dès que des êtres humains sont influencés de manière telle que leur accomplissement somatique ou mental est inférieur à leur accomplissement potentiel. » Galtung définit donc la violence structurelle comme « quelque chose d’évitable qui fait obstacle à l’épanouissement de l’être humain », « la cause de la différence entre ce qui pourrait être et ce qui est ». « Est violence tout ce qui accroît la distance entre l’actuellement possible et l’actuellement réalisé (ou qui empêche la distance de diminuer) » (Chomé Étienne, Le nouveau paradigme de non-violence, 2017, p. 25, reprenant Galtung Johan, Violence, peace and peace research, dans Journal of Peace Research, n° 3, Oslo, 1969, p. 167 & 171).