La violence stade dégénéré d’un conflit qui tourne mal

La violence est le stade dégénéré d’un conflit qui tourne mal. Avant de basculer dans la violence, la confrontation a connu plusieurs phases, avec des signaux d’alerte croissants, comme un cyclone tropical qui a d’abord été onde, perturbation puis dépression, avant de devenir tempête.

Dans les contrées cycloniques, les hommes se sont dotés de mécanismes d’alerte (de la classe 1 à la 4, alertes jaune, orange, rouge, puis violette) invitant la population à prendre les  bonnes dispositions, à mesure que le cyclone prend de l’ampleur. À chaque stade, correspond une liste des consignes à respecter, d’autant plus  vigilantes que le niveau d’alerte est élevé. N’attendons pas que notre conflit soit passé en alerte de classe 4 pour nous donner les moyens de bien le gérer. Faisons le nécessaire dès le bulletin météo « alerte de classe 1 » !

Les ressources existent, l’investissement en vaut la peine, le temps et l’argent.

Texte et illustration extraits de Chomé Étienne, La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain, 2009, p. 39.

Les policiers gardiens de la paix dans une « École de guerre » ?

Emmanuel Macron qui avait martelé « nous sommes en guerre » il y a un an, a récemment annoncé la création d’une « École de guerre » à Montpellier pour la formation continue des policiers. Il fut suivi par le Ministre de l’Intérieur français, ce 10 mai 2021 : « La lutte contre le trafic de stupéfiants partout sur le territoire national s’apparente à une guerre, cette guerre nous la menons grâce à des soldats et ces soldats sont les policiers et les gendarmes de France ». Cette rhétorique guerrière cherche-t-elle à renforcer la force de frappe de la Force publique ?

Ma thèse de doctorat portait sur le défi de sortir de la violence. En voici un point crucial : les initiatives les plus à même de sortir de la violence sont d’un autre ordre que la violence, tant par leur point de départ que par leur finalité, tant par leur consistance que par leur esprit, tant par leur énergie que par leur intention. Ces initiatives vont éteindre les feux de la violence précisément parce qu’elles ne contiennent pas en elles-mêmes de produits inflammables violents.

Une déclaration d’état de guerre en temps de paix est source de confusions : les normes éthiques ne sont pas les mêmes en temps de paix et en temps de guerre. Cette déclaration est pire encore si elle sert à excuser plus de violences répressives : elle nourrit alors une escalade va-t-en-guerre, elle est alors du côté du problème et non de la solution. Les policiers n’ont pas vocation de va-t-en-guerre mais de gardien de la paix.

Ci-dessous : l’illustration de ‘se tirer une balle dans le pied’ à l’envers.

De l’Amour, nous venons. Vers l’Amour, nous tendons

« Ton âme est faite pour aimer avec la pureté et l’ardeur des anges » (Victor Hugo).

« Ma nature est Feu. Si vous êtes ce que vous devez être, vous mettrez le Feu au monde entier ! » (Sainte Catherine de Sienne, qui en faisait des…).

« Pour moi, la plus belle des choses, c’est de voir quelqu’un aimer quelqu’un » (Σαπφώ / Sapphṓ, poétesse grecque).

Le bruit des bottes après le silence des pantoufles

« La paix se gagne pas à pas, bien avant que ne retentissent les tambours de mobilisation. Il y a pire que le bruit des bottes : le silence des pantoufles car c’est celui-ci qui rend celui-là un jour irrémédiable. Les chrétiens sont régulièrement invités à « tout donner comme le Christ  ». Qu’est-ce que cela signifie en matière de guerre et paix ? Sommes-nous capables de nous sacrifier pour la paix comme nos arrières grands-parents se sont sacrifiés pour la guerre  ? Sommes-nous prêts à mettre le prix ?

Le Pape François souligne que l’indifférence de l’humanité à l’égard des problèmes de notre temps est l’une des menaces principales contre la paix dans le monde : « Gagne sur l’indifférence et remporte la paix » (Journée mondiale de la paix, 1er janvier 2016). L’indifférence ne peut être vaincue qu’en faisant face ensemble à ce défi. La paix est une conquête, nous dit le Pape François. Un tel bien ne s’obtient pas sans plusieurs choix lucides et courageux aujourd’hui. L’essentiel d’une bonne gestion des conflits se joue en amont de la violence : c’est aujourd’hui que nous sommes en train de perdre ou de gagner la paix de demain. Résister à la violence, c’est travailler à ne pas lui laisser le champ libre, alors même que nous disposons de nombreuses marges de manœuvre » (Chomé Étienne, La non-violence évangélique et le défi de la sortie de la violence, p. 300).

Derviches tourneuses

« La danse des derviches tourneurs, devenue icône culturelle et touristique en Turquie, est réservée aux hommes depuis des siècles. En tournant parmi leurs pairs masculins, des femmes derviches revendiquent le message égalitaire de Rûmî et créent un espace spirituel pour s’émanciper. L’ordre des derviches tourneurs a été créé au 13e siècle par Rûmî, aussi nommé Mevlana (« le maître »), un poète persan qui défendait l’égalité entre les femmes et les hommes. Les premiers groupes de derviches sont demeurés mixtes plusieurs décennies après sa mort, puis les femmes en ont été écartées. Rempli·e·s d’amour, dans un état d’extase mystique, ces femmes et ces hommes reprennent les gestes répétés mille fois de cette tradition centenaire et tentent de communier avec Allah. Sans le savoir ou même le vouloir, ces derviches créent peut-être aussi un mouvement vers un peu plus d’égalité » (https://gazettedesfemmes.ca/19650/femmes-derviches-distanbul-semanciper-par-la-spiritualite/).

Réduits à de l’argent < > larges gens do ré mi…

« La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire. Tous les liens complexes et variés qui unissent l’homme féodal à ses « supérieurs naturels », elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d’autre lien, entre l’homme et l’homme, que le froid intérêt, les dures exigences du « paiement au comptant ». Elle a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité à quatre sous dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange ; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l’unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l’exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale. La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque-là pour vénérables et qu’on considérait avec un saint respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages. La bourgeoisie a déchiré le voile des émotions qui recouvraient les relations de famille et les a réduites à n’être que de simples rapports d’argent. […] Poussée par le besoin de débouchés toujours nouveaux, la bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s’implanter partout, exploiter partout. Elle ressemble au magicien qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu’il a évoquées. Les armes dont la bourgeoisie s’est servie pour abattre la féodalité se retournent aujourd’hui contre elle-même » (Marx, Le manifeste du Parti communiste, 1847).

Bouffon du roi, fou du peuple

« Dans la société des fous, le plus fou est roi » (Proverbe latin).

« Un artiste ne doit pas se tenir à l’écart mais au milieu. Je ne suis pas le bouffon du roi, je suis le fou du peuple ! » (Jacques Higelin, Je vis pas ma vie, je la rêve).

« Les fous sauront priser la sagesse lorsque les chiens pourront lécher la lune » (Proverbe persan).

La paix de l’Europe

«  En Europe, la tradition anglo-saxonne est un peu à la tradition latine ce que l’huile est au vinaigre. Il faut les deux pour faire la sauce, sinon la salade est mal assaisonnée » (Elisabeth II à Paris en juin 1992, professant son credo européen).

« L’Europe est trop grande pour être unie. Mais elle est trop petite pour être divisée. Son double destin est là » (Daniel Faucher).

« Et de l’union des libertés dans la fraternité des peuples naîtra la sympathie des âmes, germe de cet immense avenir où commencera pour le genre humain la vie universelle et que l’on appellera la paix de l’Europe » (Victor Hugo).

Instinct de soumission plus significatif que la volonté de puissance ?

Napoléon a créé la Légion d’honneur, en disant :
« Je sais bien que ces distinctions sont des hochets mais c’est avec des hochets que l’on mène les hommes, civils comme militaires. 
[…] On gouverne mieux les hommes par leurs vices que par leurs vertus. »

Extrait de mon livre Le nouveau paradigme de non-violence, p. 96 :
« En 1962, s’ouvre le procès d’Adolf Eichmann, le haut fonctionnaire nazi chargé de la logistique de la déportation des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Il n’a cessé de proclamer qu’il n’a fait qu’exécuter les ordres. Hannah Arendt tira les leçons politiques de l’« instinct de soumission » qui fait de chacun de nous un tortionnaire en puissance, c’est-à-dire un exécuteur irresponsable des basses besognes commandées par le Pouvoir : « Nous pouvons constater que l’instinct de soumission à un homme fort tient dans la psychologie de l’homme une place au moins aussi importante que la volonté de puissance et, d’un point de vue politique, peut-être plus significative » (ARENDT Hannah, Du mensonge à la violence. Essais de politique contemporaine, Paris, Calmann-Lévy, 1969, p. 148). Tolstoï avait déjà mis en garde contre ce formatage qui fait perdre aux hommes « la liberté raisonnable »  essentielle au discernement : « ils deviennent entre les mains de leurs chefs hiérarchique les armes dociles et machinales de l’assassinat » (TOLSTOÏ Léon, Rayons de l’aube, Paris, Stock, 1901, p. 373).

Biais cognitif : préférer compliquer plutôt que simplifier

Biais cognitif avéré : l’être humain croit améliorer en rajoutant des éléments, même dans les cas où il serait mieux d’en soustraire. Une expérimentation scientifique l’a mis en évidence, en faisant passer des tests du style : « Améliorez cette recette de cuisine », la solution optimum étant d’enlever les ingrédients farfelus. Seuls 20 % des 500 gens testés font le bon choix de simplifier, les autres cherchent à améliorer en compliquant ! Résultats identiques avec d’autres tests : « Améliorez ce texte, ce parcours de golf, cette structure, rendez cette figure symétrique en moins de clics possibles, etc. »

Ce biais cognitif éclaire le réflexe de rajouter une couche plutôt que d’en enlever une ; par exemple, une structure dans la bureaucratie institutionnelle, un sous-chef dans les hiérarchies en entreprise. Et le biais cognitif s’aggrave en cas de stress, de surcharge de travail, etc.

« Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? »
< > Less is more.

Leonard de Vinci disait que l’objet parfait est celui où on ne peut plus retirer quelque chose.

Cf. Gabrielle Adams, Benjamin Converse and colleagues, Less is more, in Nature, Volume 592 Issue 7853, 8 April 2021.