Je ne suis pas condamné à subir toute ma vie un comportement-réflexe

Dans « La folle aventure de Louis de Funès », Lucie Cariès retrouve des images d’archives illustrant les colères de Louis de Funès face à « un paresseux ou un incompétent sur le plateau ». Le plus souvent, quand ça ne tourne pas comme il le souhaite, de Funès dégage « une froideur polaire et c’est sa femme qui se charge de dire en face ce qui fâche. Sa femme est à la fois son ange et sa gardienne… ».

En langage IFS, la colère et la froideur polaire sont des « protecteurs », dont la stratégie de défense s’est mise en place il y a bien longtemps ; dans le cas de Louis de Funès, face à une mère qui faisait souvent de terribles colères et à un père qui brillait par ses absences. La colère et le retrait sont des stratégies plutôt opposées. Pourtant, les deux parts qui s’y disent ont la même intention et le même rôle : protéger une part repliée dans sa blessure, plus cachée à l’intérieur et plus fragile, qui cherche le réconfort et le soulagement de sa peine. Une telle libération pourra se faire grâce à une relation nouvelle que la personne adulte peut offrir, à partir de son Self, à cette part en souffrance.

Par ailleurs, le couple de Funès illustre bien la théorie IMAGO : « nous choisissons un.e partenaire qui 1) a à la fois les qualités et les défauts des personnes qui nous ont élevés, 2) compense les parties positives de nous-mêmes, [les ressources] dont avons été amputées dans notre enfance » (Harville HENDRIX, Le couple, mode d’emploi, p. 89).

Voici la première des médications : me rencontrer dans la méditation

« J’ai appris doucement à recevoir le silence et à méditer quelques minutes chaque jour pour laisser aux vibrations de l’univers la possibilité de me rejoindre et de m’apprivoiser encore un peu » (Jacques Salomé).

« Une demi-heure de méditation est essentielle sauf quand on est très occupé. Alors une heure est nécessaire » (Saint François de Sales).

« On arrête de faire quelque chose et on se contente d’être soi-même. La méditation, un truc bizarre comme un rituel de magie ou de conscience cosmique ? Il ne s’agit pas de partir dans le cosmos mais d’être pleinement là où vous êtes. Et s’il y a de la magie, elle est à l’intérieur de vous-même » (Prof. Jon Kabat-Zinn, Center for Mindfulness in Medicine, Health Care and Society Worcester, Massasuchets, USA).
Renouer avec « les pratiques de sagesse issues du fond des âges, […] médecine de l’être » (film « Les étonnantes vertus de la méditation » : https://www.arte.tv/fr/videos/069099-000-A/les-etonnantes-vertus-de-la-meditation/, à savourer si pas déjà fait ! Si vous ne donnez que 4’ à ce documentaire, je vous invite à écouter les 4 dernières (sur les 51 minutes).

IFS, parts protectrices et parts protégées. Un exemple avec Louis de Funès

« Il a beau le cacher derrière son rire, Louis de Funès a une conscience aiguë de la fragilité des choses. Il pense qu’il peut tout perdre d’un coup. Lui, fils de Léonor, l’amoureuse ruinée, et de Carlos, l’aventurier égoïste, n’en finit pas de porter son histoire, en dépit des triomphes », commente Lucie Cariès dans « La folle aventure de Louis de Funès », qui a retrouvé les interviews, où de Funès partage notamment : « Je suis devenu une star mais je n’ai jamais cessé d’avoir faim. La nuit, je me réveille parfois en sursaut. Et je sens un terrible creux à l’estomac. […] C’est l’inquiétude de tout ; une mouche qui passe de travers, je me demande pourquoi elle est passé de travers. C’est épouvantable. Oh, je fais beaucoup d’effort. Je suis toujours inquiet. Je trimbale ça. […] Avant, j’étais inquiet sur un fil. Aujourd’hui, je suis inquiet dans un fauteuil. » (archives de l’INA).

Et voici mon propre commentaire, en tant que thérapeute IFS. Louis de Funès parle de sa part insécurisée (inquiétude, peur de tout perdre, peur d’avoir faim). À quoi sa part critique réagit : « épouvantable, cette inquiétude permanente ! » Et une troisième part, volontaire, enchaîne : « oh, je fais beaucoup d’effort » (pour être débarrassé de cette inquiétude). La démarche IFS invite de Funès à entrer en dialogue avec chacune de ses parts, à partir de son Self (cet espace dans lequel il est capable d’entrer en contact avec curiosité et bienveillance). Une fois reconnues dans les services qu’elles rendent et le rôle utile qu’elles assurent au sein de la famille intérieure, la part critique et la part volontaire pourront faire un pas de côté, et ainsi le Self pourra rencontrer en vérité la part inquiète jusque dans ses racines historiques : les blessures d’avoir grandi avec une mère amoureuse ruinée et un père absent. C’est la libération des fardeaux du petit qui entraînera une guérison et des transformations !…

IFS (Internal Family System), dialogue intérieur à partir de notre « Self »

« Fondateur de l’IFS (Internal Family System), Richard Schwarz  propose un protocole de dialogue intérieur à partir de notre « Self », qu’il définit comme cet espace intègre, intact, qui n’a pas été blessé par la vie et où règne le calme, la confiance, la compassion, la curiosité, la créativité, le courage, la clarté, la capacité à entrer en contact. De ce lieu-source en nous, nous pouvons apprendre à pratiquer la culture d’hospitalité pour chaque part de nous, déployer un authentique dialogue avec elle, l’écouter, prendre en considération ce qu’elle nous dit de son vécu, de son besoin, de ses motivations, de son intention positive » (Chomé Étienne, Construire la paix sociale à partir d’un dialogue intérieur non-violent, dans Ensemble, construire l’interculturel, CEAFRI – L’Harmattan, 2019, p. 115).

IFS : le Self et le Self-Like. Illustration avec Louis de Funès

À la fin de son reportage présentant Louis de Funès dans ses derniers films, Lucie Cariès conclut : « Quoi qu’il arrive, il veut rester drôle. « Je suis là pour faire du bien aux gens »,  dit-il, persuadé qu’il ne sait faire que cela. » Et elle montre ses notes manuscrites dans son cahier personnel : « Faire semblant. Tout le monde fait semblant. Semblant d’être heureux, semblant d’être gai. Et une fois chez soi, ou en lieu sûr, nous sommes ce que nous sommes ».  Et, au soir de sa vie :  « Les biens de l’âme sont immortels, le bonheur est dans les échanges réciproques. L’optimiste cherchera à réjouir ceux qu’il veut rendre heureux. Je dois faire preuve de calme, de persévérance et de bonne humeur… »

Personnellement, je me relie au cœur du cœur de Louis de Funès quand il peut exprimer sa vérité profonde : « Les biens de l’âme sont immortels, le bonheur est dans les échanges réciproques. » Là, nous connectons son Self, comme on dit en IFS ! Et nous pouvons accueillir, aux côtés de ce lieu-source en lui, le « Self-Like », c.-à-d. celui qui croit être le chef d’orchestre, celui qui est convaincu que s’il arrêtait de faire ce qu’il fait, ce serait un chaos, une catastrophe. C’est le Self-Like qui croit devoir faire preuve de calme, de persévérance et de bonne humeur, qui fait rire et qui joue la comédie, pour rendre service à  tout le monde… C’est en honorant suffisamment notre Self-Like pour les services rendus et pour ses incroyables compétences que nous avons une chance de voir le Self-Like se décoller du Self, se désidentifier, se désamalgamer de lui, pour reprendre sa place de second (un bon manager) et laisser le véritable chef d’orchestre coordonner l’ensemble.

Du cœur de mon cœur, merci à Louis de Funès, qui m’aide à rencontrer mon Self-Like capable notamment de tant de pirouettes cacachouettes. Merci à Louis, pour ce louis d’or qui luit éternellement, oui, oui… Entende qui a l’ouïe en lui !

Point besoin de prendre de la drogue pour snifer en moi du stupéfiant !

« Quelque chose en moi sait que rien ne peut m’arriver, que rien ne peut me détruire. C’est ce noyau infracassable en nous, ce noyau infracassable du divin en nous. Alors la peur cesse, et quand la peur cesse, il y a un drôle de morceau de moins d’horreur sur la terre !
Parce que la peur est la plus grande créatrice de réalités qui existe. Ce dont nous avons peur, nous le créons presque irrémédiablement. C’est quelque chose d’effarant. Vous avez dû le remarquer dans votre vie. La peur a le pouvoir d’engendrer images et réalités. Dans l’univers d’épouvante dans lequel nous vivons, tout tient par la peur.  Il faut y répondre en congédiant en nous la peur, en reprenant contact avec ce noyau infracassable qui nous habite » (Christiane Singer).