Lune rouge : les forces du cycle féminin

À lire et à faire lire : ‘Lune Rouge. Les forces du cycle féminin’ de Miranda Gray. Extraits :

p. 19 : « La menstruation continue d’être considérée aujourd’hui comme un inconvénient biologique rendant les femmes émotives et irrationnelles, et faisant d’elles des employées peu fiables. Dans notre société occidentale industrialisée, qui se veut « éclairée », le cycle menstruel est un sujet que l’on n’aborde encore que rarement de manière ouverte, sauf en termes médicaux. Il existe des barrières entre mères et filles, entre épouses et maris, entre sœurs et entre amis. De nombreuses femmes traversent la vie en se détestant et en se sentant coupables de déprimer, d’être irritables, de se sentir ballonnées et d’être maladroites à une certaine période du mois. Combien de femmes ont transmis cette haine de soi et cette peur à leurs enfants, soit verbalement, soit par leur comportement ? Pour combien de femmes la première expérience des règles a-t-elle été effrayante, parce qu’elles ne savaient absolument pas à quoi s’attendre ou n’en connaissaient au mieux que les détails cliniques qui n’expliquaient en rien ce qu’elles ressentaient ? Dans la société contemporaine, où les rites de passage ont disparu, combien de femmes ont en réalité ressenti qu’elles venaient de recevoir le don de la féminité et qu’à travers cette expérience, elles bénéficiaient de conseils sur la façon de grandir ? En se familiarisant avec les dons de leur propre expérience menstruelle et en la considérant sous une lumière positive, les femmes seront à nouveau capables de guider leurs filles, afin que ces dernières sachent accueillir leur féminité et ses cycles.

p. 41 :
Athéna prit la main d’Ève dans l’une des siennes. « Au cours de ton cycle, tes énergies créatrices ne sont pas simplement destinées à la création d’enfants, mais aussi à la naissance des enfants-idées. » Elle toucha le front d’Ève et poursuivit : « Tu produis l’étincelle de la vie, tu la portes dans ton corps, tu la nourris et lui permets de grandir jusqu’à ce que tu la délivres dans ce monde. Les enfants viennent au monde par l’utérus, alors que les enfants-idées viennent au monde par ton corps, tes mains et tes pieds, ta voix. » Elle déposa un baiser sur les mains d’Eve comme pour lui rendre hommage. « Une femme sans enfant n’est pas une femme incomplète anormale, ses enfants sont les idées qu’elle porte en elle et leur naissance correspond à la forme qu’elle leur donne dans le monde matériel.
— D’où viennent ces enfants-idées ? demanda Ève, perplexe.
— Ta sexualité réveille les énergies qui sèment les graines de l’inspiration. L’acte sexuel en lui-même peut créer à la fois des enfants et des enfants-idées. Il peut être le feu qui inspire l’artiste, le poète, le musicien et le visionnaire. L’art de la sexualité est sacré, il apporte le divin dans le monde. » Ève sentit ses doigts commencer à se réchauffer et à vibrer à l’idée de créer.

p. 46 :
« Tu es en train de faire l’expérience de la force de la féminité du dynamisme rayonnant des phases de lumière, mais, plus tu ressentiras la perte de cette énergie lorsqu’elle se transforme en obscurité. Ne regarde pas en arrière en cherchant la lumière, sinon tu manqueras les dons de l’obscurité. Regarde à l’intérieur de l’obscurité, accueille ses pouvoirs et vois la lumière qui s’en dégage. »

p. 57 :
« Ève prit conscience que le pouvoir de détruire et celui de créer provenaient de la même force et elle sut qu’elle les détenait en elle. Forte de cette nouvelle clarté d’esprit, elle comprit que tout dans l’univers était connecté et elle sut qu’en guidant son énergie dans le monde matériel, elle pourrait tisser ses fils et créer prophétie, magie, art et amour. Ses énergies à présent équilibrées, Ève se tint debout, émerveillée, contemplant les galaxies et les étoiles qui brillaient sur le plafond de la caverne.

p. 123 :
Combien de femmes sont-elles véritablement conscientes que leur saignement représente autre chose qu’un phénomène menstruel contrariant, salissant et se mettant en travers de l’existence ?

p. 137-138 :
La période de saignement est une période au cours de laquelle les barrières entre l’esprit conscient et l’inconscient sont abaissées, vous permettant d’élargir votre conscience et d’entrer en interaction avec celle de votre corps. Bien que caractérisée par le retrait, cette phase n’est pas négative ; au contraire, elle s’accompagne d’un sentiment d’acceptation et d’intégration à un tout, et l’occasion pour vous de laisser votre moi intérieur s’exprimer dans votre esprit éveillé. Les énergies créatrices ne sont plus stimulantes, mais plutôt visionnaires : elles offrent la capacité de discerner des structures et d’acquérir des connaissances. Cette phase est un moment de tranquillité et de gestation.

On voit dans le jour qui se lève s’ouvrir tout un pays de rêves le tendre pays des amants aux sources d’émerveillement

« J’aime mon épouse, bioingénieure brassicole.
Elle est si ingénieuse, même quand ses bras s’y collent
Son charisme principal : tous nos membres décollent ! »
(Étienne Chaud-met, en ce jour-anniversaire de nos 31 ans de mariage civil).

Le long du fleuve qui remonte
par les rives de la rencontre
aux sources d’émerveillement
on voit dans le jour qui se lève
s’ouvrir tout un pays de rêves
le tendre pays des amants.

On part avec le cœur qui tremble
du bonheur de partir ensemble
sans savoir ce qui nous attend
ainsi commence le voyage
semé d’écueils et de mirages
de l’amour et de ses tourments.

Quelques torrents de médisances
viennent déchirer le silence
essayant de tout emporter
et puis on risque le naufrage
lorsque le vent nous mène au large
des îles d’infidélité.

Plus loin le courant vous emporte
vers les rochers de la discorde
et du mal à supporter
enfin la terre se dénude
c’est le désert de l’habitude
l’ennui y a tout dévasté.

Quand la route paraît trop longue
il y a l’escale du mensonge
l’auberge de la jalousie
on y déjeune de rancunes
et l’on s’enivre d’amertume
l’orgueil vous y tient compagnie.

Mais quand tout semble à la dérive
le fleuve roule son eau vive
et l’on repart à l’infini
où l’on découvre au bord du Tendre
le jardin où l’on peut s’étendre
la terre promise de l’oubli.

(Georges Moustaki chantant La carte du tendre).

violence-manière de dire et violence-manière d’obtenir n’appellent pas le même remède

« Les « violences-manière de dire » viennent de notre impuissance à nommer ce qui se passe en nous et à en prendre soin. Une émotion forte qui ne trouve pas de mot produit des maux. Faute de pouvoir dire une frustration, nous nous mettons à aboyer et, si cela ne suffit pas, à mordre. Le passage de l’agressivité verbale à la violence physique est ici affaire de degré, la tension émotionnelle augmentant à mesure que l’incompréhension se prolonge. Ces brutalités sont le prix que nous payons à ne pas écouter notre vécu. Ce n’est pas la frustration qui entraîne la violence mais plutôt l’incapacité à accueillir et à faire quelque chose d’utile de cette frustration. Le frère qui mord sa sœur alors même qu’elle est fêtée et félicitée par tous est en train de dire tragiquement sa jalousie et son propre besoin d’attention. Cela se soigne autrement que s’il était en train de tricher en vue de tirer profit (« violence-manière d’obtenir »). C’est en lui offrant de l’attention et en l’aidant à s’écouter, lui, au bon endroit que disparaîtra son animosité. De même, le sentiment de colère ne devient violent que s’il n’est pas entendu. Le mari qui en vient à « parler avec ses poings » a d’abord accumulé des frustrations, puis il a vu rouge car il n’a pas pu nommer son besoin ni trouver les moyens concrets de l’honorer et de le faire respecter. C’est en prenant au sérieux ce qui n’est pas respecté en lui qu’il arrêtera de siffler comme une cocotte-minute sous pression. La communication vraie constitue le remède à toutes les paroles blessantes ou emmurées » (Chomé Étienne, La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain, 2009, p. 109) : étape 3 duparcours de formation.

À celle que j’aime

Dans ta mémoire immortelle,
Comme dans le reposoir
D’une divine chapelle,
Pour celui qui t’est fidèle,
Garde l’amour et l’espoir.

Garde l’amour qui m’enivre,
L’amour qui nous fait rêver.
Garde l’espoir qui fait vivre.
Garde la foi qui délivre,
La foi qui nous doit sauver.

L’espoir, c’est de la lumière,
L’amour, c’est une liqueur,
Et la foi, c’est la prière.
Mets ces trésors, ma très chère,
Au plus profond de ton cœur

(Nérée Beauchemin, À celle que j’aime).

Ci-dessous ce qui est sorti de moi à la Sainte Christine.

S’entre tenir

Mille manières d’amorcer & nourrir nos temps de qualité :
mettre un petit mot « merci pour… », « je t’aime »
dans sa poche, dans sa sacoche, dans son planning,
sur le siège de l’auto, sur le côté de son oreiller ;
soigner les retrouvailles en fin de journée (un véritable
espace pour le « comment s’est passée ta journée ? »),
faire une promenade ensemble,
apporter une douceur que l’autre apprécie au lit à son réveil,
laisser une musique nous ré-unir,
se masser quelques minutes,
s’entre-tenir devant le feu allumé ensemble,
dîner aux chandelles, prendre un verre ensemble,
passer la soirée en mode home cinéma,
revoir des photos- ou vidéos-souvenirs,
danser ensemble dans le salon,
cuisiner ensemble ou pour l’autre, etc., etc.,…

La règle du 1 – 1 – 1 pour une vie commune nourrie :
1 soirée par semaine
1 weekend par mois
1 semaine par an

Vie, tu me lacères / laser

« Descendant de plus en plus avant, par la profondeur de la douleur, on atteint au mystère, à l’essence. Je souffrais jusqu’au fond de moi-même, jusque dans mon corps, dans mon cœur – bien plus que ne m’eût fait souffrir la peur de perdre la vie – de cette curiosité à laquelle collaboraient toutes les forces de mon intelligence et de mon inconscient ; et ainsi c’est dans les profondeurs mêmes d’Albertine que je projetais maintenant tout ce que j’apprenais d’elle. Et la douleur qu’avait ainsi fait pénétrer en moi, à une telle profondeur, la réalité du vice d’Albertine me rendit bien plus tard un dernier office. Comme le mal que j’avais fait à ma grand-mère, le mal que m’avait fait Albertine fut un dernier lien entre elle et moi et qui survécut même au souvenir, car, avec la conservation d’énergie que possède tout ce qui est physique, la souffrance n’a même pas besoin des leçons de la mémoire. Ainsi, un homme qui a oublié les belles nuits passées au clair de lune dans les bois souffre encore des rhumatismes qu’il y a pris. Ces goûts niés par elle et qu’elle avait, ces goûts dont la découverte était venue à moi, non dans un froid raisonnement mais dans la brûlante souffrance ressentie à la lecture de ces mots : « Tu me mets aux anges », souffrance qui leur donnait une particularité qualitative, ces goûts ne s’ajoutaient pas seulement à l’image d’Albertine comme s’ajoute au bernard-l’ermite la coquille nouvelle qu’il traîne après lui, mais bien plutôt comme un sel qui entre en contact avec un autre sel, en change la couleur, bien plus, la nature » (y en a Marre-sel Proust, Albertine disparue, p. 136).

« On peut presque dire que les œuvres [littéraires], comme dans les puits artésiens, montent d’autant plus haut que la souffrance a plus profondément creusé le cœur » (plouf dans Mare – scelle Proust, À la recherche du temps perdu, p. 66).

« Où est-elle, ma bien-aimée ? Ses attentions sont, dans la forme, pleines de gentillesse mais, au fond, où est son cœur ? A-t-elle cessé de m’aimer, tout en le cachant dans l’intention de ne pas me faire mal ? D’où me vient cette impression que ses caresses goûtent le fond de teint avec lequel le croque-mort apprête la dépouille ? Une poudre aux yeux censée atténuer la souffrance des endeuillés venant s’incliner une dernière fois devant le corps vidé de vie… La question de fond lancinante me lacère, me la sert, me la serre : en amont de nos affects en crise, ma bien-aimée ne sent-elle pas la connexion de nos cœurs profonds, alignée sur l’appel de l’Éternel ? Me dira-t-elle « oui » de tout son cœur, corps, esprit et âme ? » (Étienne Chomé, il y a 31 ans, jeune dépassé des passés).

T’aimer sans te posséder

Le conte de la montagne de la courge

Ce que je vais raconter arriva, il y a bien des années, si longtemps que personne ne sait plus dans quelle province et dans quelle contrée. On dit seulement qu’il existe encore au-dessus d’un lointain village, une montagne dont la forme rappelle celle d’une énorme courge. Et c’est ainsi qu’on la désigne d’ailleurs : la montagne de la courge.

On dit que jadis, une plaine semblable à toutes les autres s’étendait là. Et dans un village de cette contrée vivait un jeune homme du nom de Lieou Pa-yue. C’était un garçon travailleur au cœur simple et bon. Lieou-Pa-yue ne possédait rien. Son père avait eu jadis un petit bout de champ mais un fermier l’en avait dépossédé. Lieou-Pa-yue vivait donc de son travail. Il allait tout le jour durant ramasser du bois dans les montagnes et le rapportait au village. Il était vraiment si pauvre, n’ayant que sa chaumière et ses mains, qu’on l’avait surnommé Dénué.

Dénué cependant ne souffrait pas de son extrême pauvreté. Lorsqu’il avait le cœur gai, et il avait souvent le cœur gai, il jouait du pipeau qu’il s’était fabriqué lui-même dans une branche de bambou.

Un soir, Dénué rentra si fatigué qu’il s’endormit d’un sommeil très lourd. Et voilà que sa porte s’ouvrit et qu’un vieillard appuyé sur une canne entra dans sa chaumière, s’approcha du jeune homme et lui dit : « Je t’ai apporté une flûte enchantée, Dénué. Essaie de t’en servir du mieux que tu pourras. »

Et avant que le jeune homme fût revenu de sa surprise pour remercier le vieillard, celui-ci avait disparu. Dénué, à son réveil, crut avoir rêvé. Mais non ! N’avait-il pas à la main une belle flûte de bambou ? Il la porta aussitôt à sa bouche et siffla d’un air joyeux. La voix claire de la flûte lui réchauffa le cœur et il se sentit tout joyeux et léger.

Depuis lors, Dénué ne quittait jamais sa flûte et en jouait à tous ceux qui souhaitaient l’écouter. S’il jouait un air joyeux, la flûte riait tant et tant que les oiseaux se mettaient à sautiller sur les branches, les fourmis à battre la mesure de leurs antennes et les plus grincheux à rire. Pourtant, Dénué songeait parfois à sa solitude et à son dénuement. Alors sa flûte pleurait d’une voix si désolée que les fleurs refermaient leurs calices, que les oiseaux se taisaient et que les larmes vous montaient aux yeux.

Devant la chaumière de Dénué s’étendait la surface étincelante d’un étang bordé de saules. Le poisson abondait dans ses eaux limpides. Un soir, Dénué y aperçut des enfants qui jouaient au bord de l’eau. Le plus agile des garçons avait réussi à attraper un poisson et les autres battaient des mains en poussant des cris de joie. Dénué s’approcha et son cœur s’arrêta net. C’était une pauvre carpe qui se tortillait en happant désespérément l’air. « Laissez-la ! » s’écria Dénué. « Mais, protestèrent les garçons, nous sommes si contents de l’avoir attrapée. A moins, à moins, ajoutèrent-ils, que tu nous joues un air sur ta flûte. » Dénué prit la carpe et la rejeta à l’eau. Puis il prit sa flûte et en retira des sons si joyeux que les enfants oublièrent aussitôt leur poisson et se mirent à sauter et à danser.

Le lendemain matin, Dénué, comme à l’habitude, alla se laver dans l’étang. Et soudain les eaux se troublèrent et la carpe qu’il avait délivrée la veille sortit la tête. Elle tenait, dans sa gueule, une graine de courge. Elle nagea vers la berge, cracha la graine devant Dénué et disparut dans la profondeur des eaux.

Dénué était ravi. Il prit la graine et la planta devant sa chaumière. Peu de temps après, de fragiles feuilles sortirent de terre et, quelques jours plus tard, une belle fleur s’ouvrit. Dénué arrosait soigneusement la plante, il lui prépara un tuteur pour qu’elle puisse y grimper. La fleur se fana et la courge commença à grossir. Lorsque après quelques mois la courge fut mure, elle était si grosse que personne n’en avait jamais vu de pareille. On venait de loin pour la voir et Dénué était tout fier.

Par les chaudes soirées d’été, Dénué s’asseyait devant sa chaumière. Les nuits claires succédaient aux soirs et la courge se balançait lentement pendant que Dénué, appuyé contre la palissade, jouait longuement sur sa flûte en contemplant la lune. Et voilà qu’un soir, il lui sembla voir sortir de la courge l’ombre d’une jeune fille. Dénué se frotta les yeux, croyant avoir rêvé. Mais l’ombre ne s’évanouissait pas. Alors il se leva et s’approcha timidement. Près de la palissade, se tenait une toute jeune fille, belle comme une fleur de printemps, et qui lui souriait. Là où, un instant encore auparavant, se gonflait la courge, il ne restait plus, sur le sol, qu’une enveloppe flasque et verte.

« De quoi as-tu peur ? » dit doucement l’ombre. « Eh bien, approche! » « D’où viens-tu, ô fée ? » bredouilla Dénué saisi d’étonnement. « De quelle fée parles-tu? » reprit la voix chantante. « Je suis née d’une graine de courge. Je m’appelle Courgeline. Je te remercie de m’avoir si bien soignée. Si tu veux, je deviendrai ta femme. »

Dénué était fou de joie. Et tous les deux saluèrent la terre et le ciel dans la claire nuit d’été et célébrèrent ainsi leurs noces. Ils vécurent alors heureux dans la chaumière. Dénué tous les jours partait dans les montagnes ramasser du bois, et quand il rentrait à la maison, Courgeline l’attendait sur le seuil, le sourire aux lèvres.

Or il advint un jour qu’un serviteur impérial traversa le village. Il aperçut Courgeline dont la beauté le frappa d’étonnement. A son retour au palais, il parla de cette beauté avec tant d’enthousiasme que l’empereur ordonna aussitôt qu’on la lui amenât et qu’il ferait de Courgeline sa concubine.

Les sbires arrivèrent au village porteurs des ordres de l’empereur. Dénué faillit en perdre la raison. Mais Courgeline sourit et lui dit : « Ne pleure pas et ne crains rien ! Donne-moi un morceau de l’épluchure de ma courge et dans sept fois sept jours, viens me trouver dans le palais impérial. » Et les sbires s’emparèrent de Courgeline et la menèrent au maire qui la donna au préfet, qui la conduisit à l’empereur.

Le cœur de l’empereur se mit à battre plus fort lorsqu’il aperçut la merveilleuse jeune fille. « Resteras-tu avec moi ici ? », lui demanda-t-il. « Je reste », dit Courgeline en hochant la tête, « mais je n’aime pas ton palais ». « Que dis-tu ? » s’étonna l’empereur. « Il n’y en a pas de plus beau sur la terre. Ou bien en connaîtrais-tu un ? » « J’en connais un plus beau que le tien », répondit Courgeline. « A sept fois sept jours de marche vers l’Est se trouve le palais de cristal construit par l’empereur du ciel pour le fils du ciel. Qui n’est pas un vrai fils du ciel ne peut voir ce palais. »

Alors la curiosité s’empara de l’empereur et il décida de se rendre avec toute sa suite et Courgeline vers le levant. Quand sept fois sept jours se furent écoulés, Courgeline jeta sur le sol l’épluchure de courge et dit : « Change-toi en palais de cristal ! » Aussitôt, devant l’empereur ébloui, se dressa un palais étincelant. L’empereur y entra et derrière lui toute sa suite. Et soudain, on eût dit que la terre disparaissait sous leurs pieds. Le lendemain, à la place du palais, se dressait une montagne dont la forme rappelait celle d’une courge et sous laquelle l’empereur et sa suite avaient disparu à jamais.

Cependant, Dénué cheminait, ainsi que le lui avait demandé sa femme, vers le palais impérial. Quand sept fois sept jours eurent passé, il entra dans la ville impériale par une grande porte ouverte. Il ne rencontra ni l’empereur ni aucun courtisan de sa suite. Seule Courteline vint à sa rencontre. Alors ils retournèrent dans le village et y vécurent longtemps très heureux. Et depuis lors on ne désigna plus la montagne au-dessus des collines de l’Est que du nom de « Montagne de la Courge « 

(Contes chinois, éd. Gründ).