À la croisée / Ah la croix, c’est !

À chaque instant, tout être vivant se tourne vers
les cieux qui lui offrent la lumière de la Vie.
Et il peut faire ce mouvement vers le haut
parce qu’ancré par le bas, nourri et posé
sur ce socle qu’est notre terre généreuse.
Tout être vivant est un bébé né du mariage
entre Ciel et Terre, fruit de leur union.

Vous avez dit « vie trinitaire créative » ?
À chaque souffle, la vie entre par l’horizontal
+ nous sommes nourris par la sève d’en bas
+ mis en forme par la lumière d’en haut :
comme si nous nous recevons à chaque instant
de cette rencontre entre le souffle de Vie
+ la Mère et le Fils intimes + le Père des Cieux.

Tant d’âmes contemporaines se tiennent loin des Églises
et pourtant sentent bien cette vie trinitaire les animer.
Un exemple : « Vie Père-Mère, tu es ma vie, mon soutien constant, ma santé, ma protection, la satisfaction parfaite de tous mes besoins et mon inspiration la plus haute. Je te prie de me révéler la véritable réalité de Toi-même. J’ai conscience que mon but final est de t’exprimer » (Anglaise anonyme de 80 ans, Les Lettres du Christ, 2000).

Personnes dites de couleur

« Baudelaire a été le premier à chanter la femme noire à Paris.
Il voit dans la marginalité une rédemption.
D’une certaine façon, il a choisi
ce camp des gens déchus »
(Emmanuel Richon, dans sa conférence sur les pieds nus.
Il présente les pieds nus comme « des marqueurs identitaires de l’esclavage »).

Extrait de « À une Malabaraise » :
« Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair.
Aux pays chauds et bleus où ton Dieu t’a fait naître,
Ta tâche est d’allumer le pipe de ton maître,
De pourvoir les flacons d’eaux fraîches et d’odeurs,
De chasser loin du lit les moustiques rôdeurs,
Et, dès que le matin fait chanter les platanes,
D’acheter au bazar ananas et bananes »
(Charles Baudelaire).

Nota Bene (sur Wikipedia) : Une Malabaraise est au sens strict une habitante de la région de Malabar sur la côte sud-ouest de l’Inde (État actuel du Kerala). En français néanmoins, le mot « Malabar » a aussi servi à désigner tout habitant du sud de l’Inde et notamment aussi de la côte sud-est (pays tamoul) ainsi que, par extension, les habitants d’origine tamoule des îles Maurice et de la Réunion. Dans le contexte du poème, la « Malabaraise » fait référence à une Indienne d’un comptoir français en Inde du sud : Pondichéry probablement, ou alors Mahé sur la côte occidentale.

Être bien conscient des fleurs du mal esclavagiste

Parmi les fleurs du mal esclavagiste, il y a notre impossibilité de retracer l’origine et le nom de Jeanne dite Duval, cette Créole des îles qui fut le grand amour de Baudelaire. Le racisme est tel que toute leur correspondance est détruite, tandis qu’on met en lumière ses billets avec Mme Sabatier, une femme comme il lui faut, selon les critères de son entourage. La mère du poète et toute la famille refusant le couple interracial, lui rend la vie impossible, notamment en lui coupant les vivres.

Pourtant, malgré tout, c’est Jeanne qui illumine le cœur de Baudelaire. C’est pour elle qu’il écrit cette chanson d’après-midi :

Quoique tes sourcils méchants
Te donnent un air étrange
Qui n’est pas celui d’un ange,
Sorcière aux yeux alléchants,

Je t’adore, ô ma frivole,
Ma terrible passion !
Avec la dévotion
Du prêtre pour son idole.

Le désert et la forêt
Embaument tes tresses rudes,
Ta tête a les attitudes
De l’énigme et du secret.

Sur ta chair le parfum rôde
Comme autour d’un encensoir ;
Tu charmes comme le soir,
Nymphe ténébreuse et chaude.

Ah ! les philtres les plus forts
Ne valent pas ta paresse,
Et tu connais la caresse
Qui fait revivre les morts !

Tes hanches sont amoureuses
De ton dos et de tes seins,
Et tu ravis les coussins
Par tes poses langoureuses.

Quelquefois, pour apaiser
Ta rage mystérieuse,
Tu prodigues, sérieuse,
La morsure et le baiser ;

Tu me déchires, ma brune,
Avec un rire moqueur,
Et puis tu mets sur mon cœur
Ton œil doux comme la lune.

Sous tes souliers de satin,
Sous tes charmants pieds de soie,
Moi, je mets ma grande joie,
Mon génie et mon destin,

Mon âme par toi guérie,
Par toi, lumière et couleur !
Explosion de chaleur
Dans ma noire Sibérie !

La poésie pour que ce moment demeure éternel

Charles Baudelaire écrit ses poèmes pour Jeanne, son amour
de Créole authentique. Bien plus que sa muse,
elle est aussi et notamment
le voyage qui continue,
le moyen de ne jamais
quitter l’île Maurice
et les Mascareignes
qui l’ont tant fasciné.
Que ces moments
demeurent immortels…

Le balcon :
Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses,
Ô toi, tous mes plaisirs ! ô toi, tous mes devoirs !
Tu te rappelleras la beauté des caresses,
La douceur du foyer et le charme des soirs,
Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses !

Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon,
Et les soirs au balcon, voilés de vapeurs roses.
Que ton sein m’était doux ! que ton cœur m’était bon !
Nous avons dit souvent d’impérissables choses
Les soirs illuminés par l’ardeur du charbon.

Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées !
Que l’espace est profond ! que le cœur est puissant !
En me penchant vers toi, reine des adorées,
Je croyais respirer le parfum de ton sang.
Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées !

La nuit s’épaississait ainsi qu’une cloison,
Et mes yeux dans le noir devinaient tes prunelles,
Et je buvais ton souffle, ô douceur ! ô poison !
Et tes pieds s’endormaient dans mes mains fraternelles.
La nuit s’épaississait ainsi qu’une cloison.

Je sais l’art d’évoquer les minutes heureuses,
Et revis mon passé blotti dans tes genoux.
Car à quoi bon chercher tes beautés langoureuses
Ailleurs qu’en ton cher corps et qu’en ton cœur si doux ?
Je sais l’art d’évoquer les minutes heureuses !

Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis,
Renaîtront-il d’un gouffre interdit à nos sondes,
Comme montent au ciel les soleils rajeunis
Après s’être lavés au fond des mers profondes ?
Ô serments ! ô parfums ! ô baisers infinis !

Si belle fleur du mal, trônant sur ce mal qu’est le fumier colonial

Voici le poème Le Léthé de Charles BAUDELAIRE,
en hommage à Jeanne, dont il est fou amoureux,
cette fille des îles (d’Haïti aux rivages mauriciens),
au teint fauve et brun,
si belle fleur du mal, trônant sur ce mal
qu’est le fumier colonial :

Viens sur mon cœur, âme cruelle et sourde,
Tigre adoré, monstre aux airs indolents ;
Je veux longtemps plonger mes doigts tremblants
Dans l’épaisseur de ta crinière lourde ;

Dans tes jupons remplis de ton parfum
Ensevelir ma tête endolorie,
Et respirer, comme une fleur flétrie,
Le doux relent de mon amour défunt.

Je veux dormir ! dormir plutôt que vivre !
Dans un sommeil aussi doux que la mort,
J’étalerai mes baisers sans remord
Sur ton beau corps poli comme le cuivre.

Pour engloutir mes sanglots apaisés
Rien ne me vaut l’abîme de ta couche ;
L’oubli puissant habite sur ta bouche,
Et le Léthé coule dans tes baisers.

À mon destin, désormais mon délice,
J’obéirai comme un prédestiné ;
Martyr docile, innocent condamné,
Dont la ferveur attise le supplice,

Je sucerai, pour noyer ma rancœur,
Le népenthès et la bonne ciguë
Aux bouts charmants de cette gorge aiguë
Qui n’a jamais emprisonné de cœur.

Pentecôte

C’est le feu qui saisit les entrailles de l’âme
Pour y insuffler la foi
C’est la brise légère sur mon visage
Pour me parler de Toi
 
C’est le souvenir d’aubes blanches
Professant leur foi
C’est la lumière de l’espérance
En plus grand que soi
 
C’est la lecture familière
Des Apôtres parlant en langues
C’est le cénacle de la surprise
Pour des disciples en capacité de Toi
 
C’est la flamme jamais rassasiée de cire
Qui brûle le cœur épris de Toi
C’est le printemps entêtant de senteurs
Qui se mêlent aux couleurs de la joie
 
C’est la fleur sur la vigne
Et sur l’acacia
C’est la pivoine épanouie
Au soleil de Ton aura
 
C’est l’avènement de l’Esprit
Sur l’Église déjà là
Et sur le front embaumant le saint Chrême
De l’enfant humble choisi par Toi
 
(Véronique Belen, Pentecôte).

Peut être une image de gâteau
Gateau fait par mon amie Cécile Perchain-Flore

Pentecôte & Babel

La Pentecôte bouclant la Tour de Babel, Opéra en trois actes : 
1) l’uniformisation à la manière de toutes les Pax impériales, avec leurs estafettes commerciales (de type Mc Donald), pour se faire un nom de gloire ;
2) le non du Dieu de la Bible à ces conquêtes impériales, dominatrices, orgueilleusement uniformisantes ;
3) l’accueil de la différence jusqu’à l’unité sans uniformité.

« Depuis la nuit des temps, l’histoire de Babel se répète. La course à la tour la plus haute du monde que gagnent en ce moment les pays arabes rappelle à la vieille Europe ses guerres de clochers au Moyen-âge : la compétition faisait rage entre les familles les plus riches de la Cité : c’était à qui construirait la tour la plus haute et la plus belle. La technologie est alors au service d’une politique de puissance. Le Dieu de la Bible dit non à ce nom-là. La Pentecôte est l’anti-Babel. La Pentecôte, c’est le récit d’une nouvelle création, d’une nouvelle convivialité, d’une nouvelle aurore de l’humanité. L’Esprit Saint crée la communion dans la différence » (extrait de mon livre La non-violence évangélique et le défi de la sortie de la violence, p. 205).

Merci pour
chaque être humain
qui, dans ses moments
privilégiés, se révèle
être de lumière.

Vivent ces langues de feu
qui éclairent la nuit…

Puisque le Christ a pris
l’Ascension pour monter,
l’Esprit Saint prend l’ascenseur
pour descendre la pente-côte ?…

Bonne montée et bonne descente
à chacun.e, à leurs côtés…
Bonne pente et bonne côte !

Une colère qui stimule, donnant naissance à des œuvres

« Ma bouche sera la bouche 
des malheurs qui n’ont point de bouche ; 
ma voix, la liberté de celles
qui s’affaissent au cachot du désespoir »
(Aimé Césaire, Créole de Martinique, Cahiers du retour au Pays natal).

« Le fait d’être cinéaste, pour moi, ce n’est pas un vain mot. C’est un engagement, né d’une grande souffrance, d’un combat et d’une grande frustration. D’une grande colère que j’ai voulue créatrice. On n’existe nulle part, et j’ai voulu que ça existe. Tant que les choses n’iront pas comme il faut, je ne pourrai pas décolérer. Je continuerai à avancer avec ma colère, qui n’est pas une colère de violence, mais une colère qui stimule, qui donne naissance à des œuvres » (Euzhan Palcy, Créole de Martinique ayant reçu le César de la meilleure première œuvre en 1984).

Festival de Cannes

« Tous les ans, au Festival de Cannes, les
vedettes impalpables quittent la pellicule
et s’offrent au regard des mortels »
(Edgar Morin, Pour une politique de civilisation). 

« Le palais des Festivals à Cannes, c’est
un endroit où on applaudit les toilettes
avant d’aller se faire chier »
(Laurent Ruquier, Je ne vais pas me gêner).

« À Cannes, j’ai connu la fin de l’âge d’or.
On est entré dans l’âge des Assedic »
(Pascal Thomas, Le Grand Appartement).