Ici, dans la Région des Grands Lacs, comme ailleurs, il y a de tout dans les prédications haranguant les foules : du bon vin et du mauvais, des vieilles outres et des nouvelles…
« Un même oracle peut être trompeur ou divinement inspiré. Et, donc, le prophète qui le prononce peut être faux ou vrai, selon qu’il résonne dans tel ou tel contexte. […] La parole humaine est le lieu du mensonge ; c’est à cette condition qu’elle peut être aussi le lieu de la vérité. Un regard exercé au discernement y verra sans doute plus clair. Mais il ne dispensera pas de devoir prendre, ou non, le risque de faire sienne la parole entendue. Et, si oui, de vérifier en sa chair quels fruits elle porte. […] Dans le premier Testament, le vrai prophète est souvent un homme isolé dont la parole dérange au point que beaucoup préféreraient le voir réduit au silence » (André Wénin, Méfiez-vous des faux prophètes, dans Études, 2000/3, p. 351 à 360), qui s’appuie sur Pietro Bovati : le fait qu’il « voie » se profiler la menace de la mort avant qu’elle ne soit réellement visible aux yeux de la chair est dû à sa pénétration dans l’appréciation de la situation présente ; il est comme une sentinelle qui, de l’emplacement où elle se trouve, aperçoit un danger qui est encore loin, mais qui frappera sûrement si le cri d’alarme n’est pas entendu.
« Ne faites pas attention aux paroles des prophètes qui prophétisent pour vous, ils vous leurrent : vision de leur imagination, ce qu’ils disent ; cela ne vient pas de la bouche du Seigneur » (Jr 23,16). Premier critère : les révélations des faux prophètes n’ont d’autre source qu’eux-mêmes. Ils prétendent avoir eu des visions (Ez 13,6-7), ils ont des songes qu’ils prennent pour la réalité (Jr 14,14 ; 23,25-28), ils se croient et se disent inspirés (Ez 13,3 ; I R 22,19-23). Mais ce n’est pas par des visions, des songes ou des bouffées d’inspiration que le Seigneur communique sa parole à ses envoyés, disent les vrais prophètes. Et pourtant, Amos, Jérémie ou Zacharie ont eux-mêmes des visions (Am 7-8 ; Jr 1,11-14 ; Na 1,1 ; Za 1-6), tandis que Michée ou le Deutéro-Isaïe prétendent parler et agir sous l’emprise de l’Esprit de Dieu (Mi 3,8 ; Is 61,1).
« Ces prophètes ont égaré mon peuple en disant “Paix !”, alors qu’il n’y a point de paix » (Ez 13,10). Les faux prophètes préféreraient donc annoncer la paix et le bonheur (Jr 6,13-14 ; 14,13-15 ; Mi 3,11). Ils caressent ainsi le peuple et ses chefs dans le sens du poil, en leur adressant des paroles rassurantes qui leur évitent de devoir se mettre en question (Jr 28,15 ; Lm 2,14). Mais, ici aussi, le critère n’est pas dirimant. Bien des prophètes reconnus comme authentiques proclament également des messages de paix de la part de Dieu (Is 4,9-11 ; 43,14-21 ; Jr 31 ; Os 11,8-11 ; Am 9,11-15).