« Nous entrons dans une ville comme on pénètre dans une musique : par la vibration, avant la mélodie. Il faut pouvoir explorer ses tissus, ses ourlets, ses laines, ses fibres, avant de prétendre s’en vêtir. On n’habite pas une ville avant d’en être habité, pas avant que l’odeur de ses murs ne vienne sous les ongles, pas avant que ses ombres, la nuit découpée, ne contiennent l’allongement de nos pas, nos instants de fuite, pas avant que son bord de route ou de mer ne soit le jeu de fermer les yeux, imprudemment, pour traverser une avenue, un coin de vague. La ville commence en nous comme une chanson, un peu sourde, l’aigu des coquillages sous les pieds, l’âpreté de l’asphalte. Mais ensuite, même si le couplet manque encore, la mer vient, au large puis plus près, sans aucun bruit de clé et nous submerge par cette vibration. Ainsi, pour dire vrai, sans connaître la langue d’ici sinon sur ma peau, il semblerait bien que déjà, je fredonne Ostende » (le poète belge Carl Norac, qui aime faire des photographies verbales, ici inspiré par la ville côtière d’Ostende, où il a choisi de vivre).
Photo : Ostende il y a 120 ans.