libéré est le détenu qui cesse de nier son nié

« En tuant cette vieille femme, c’est sa propre âme que Raskolnikov avait tué. […] Sonia sourit au prisonnier d’un air aimable et heureux, mais, selon son habitude, ne lui tendit la main que timidement. […] Mais cette fois, leurs mains ne pouvaient rompre leur étreinte. […] Soudain, et sans que le prisonnier sût comment cela était arrivé, une force invincible le jeta aux pieds de la jeune fille. Il se mit à pleurer en enlaçant ses genoux. Au premier moment, elle fut terriblement effrayée et son visage devint mortellement pâle. Elle bondit sur ses pieds et le regarda en tremblant, mais, au même instant, elle comprit tout… Un bonheur infini rayonna dans ses yeux. Elle comprit qu’il l’aimait, oui, elle n’en pouvait douter. Il l’aimait d’un amour sans bornes ; la minute si longtemps attendue était donc arrivée !

Ils voulaient parler, mais ne purent prononcer un mot. Des larmes brillaient dans leurs yeux. Tous deux étaient maigres et pâles, mais ces pauvres visages ravagés étaient illuminés par l’aube d’un avenir renouvelé, d’une résurrection complète faisant passer à une vie nouvelle. C’était l’amour qui les ressuscitait. Le cœur de l’un enfermait une source de vie inépuisable pour l’autre. […] Mais ici commence une autre histoire, celle de la lente rénovation d’un homme, de sa régénération progressive, de son passage graduel d’un monde à un autre, de son entrée dans une réalité nouvelle, jusqu’alors entièrement insoupçonnée » (Fiodor Dostoïevski, finale de l’épilogue de Crime et châtiment).