L’amour : gaie ou triste turbulence ?

Peut-être que la gaie ou triste turbulence
est le divin secret par qui tout s’éclaircit :
raison supérieure, instinct vaste et précis,
possession des cœurs, des sons et du silence !

Vous qu’on nomme folie, ivresse, déraison,
vous, Exaltation, flamboyante saison
qui dardez vos soleils sur les routes ardues,
où est la vérité quand on vous a perdue ?
(Anna de Noailles, Les Forces éternelles, 1920, p. 299).

Divinité fougueuse et calme du beau temps, 
la même paix bénit la campagne et la ville.
Profondeur d’océan dans l’espace, et pourtant
je ne sais quoi de pur comme un ruisseau tranquille.
Tout est pourvu, tout est complet, tout est content
(Ibidem, p. 111).

J’ai ouvert la fenêtre pour humer l’ivresse d’être

Au bout d’un blanc chemin bordé par des prairies,
s’ouvre mon jardin odorant.
Descends parmi les fleurs, visite, je te prie,
le beau chalet de mes parents.

C’est dans cette attentive et studieuse chambre,
où les anges m’ont tout appris, […]
c’est là que j’ai connu, en ouvrant mes fenêtres
sur les orchestres du matin,
l’ivresse turbulente et monastique d’être
sûre d’un illustre destin.
C’est là que j’ai senti les rafales d’automne
m’entr’ouvrir le cœur à grands coups
pour y faire tenir ce qui souffre et frissonne :
c’est là que j’eus pitié de tout !
Tout me semblait amour, angélique promesse,
charité qui franchit la mort.
On persévère en soi bien longtemps : peut-être est-ce
ma façon de survivre encor !

La nuit, me soulevant d’un lit tiède et paisible,
m’accoudant au balcon, j’interrogeais les cieux,
et j’échangeais avec la nue inaccessible
le langage sacré du silence et des yeux
(Anna de Noailles, Les Forces éternelles, 1920, pp. 97-99 & 117).

Comment recevoir l’amour de la Source, pour ensuite le donner gratuitement ?

« L’amour qui fait chanter les chanteurs et danser les amoureux est souvent confondu avec un sentiment. Le véritable amour est, quant à lui, bien plus que ce lien mystérieux qui unit deux personnes séduites l’une par l’autre on ne sait trop pourquoi. Il est une œuvre de liberté, et même la plus belle. Qu’est-il en effet sinon s’engager pour quelqu’un d’autre que soi ? Seule la liberté peut transformer le sentiment éphémère – précieux cependant – en un don de soi qui fait vivre l’autre. « Je ne suis pas amoureux de vous, je vous aime », lance Eric-Emmanuel Schmitt. Le sentiment amoureux est une invasion, l’amour véritable, une décision.

Amour et liberté, c’est tout un ! Pourquoi est-on libre sinon pour aimer et qu’est-ce qui rend libre sinon l’amour ? Quand la liberté n’est mesurée par rien d’autre qu’elle-même, elle devient folle. Amour et liberté séparés l’un de l’autre sont deux mots bien ambigus. La liberté peut être réduite à un refus de toute limite, un oubli du réel. Je m’envole dans mon petit univers privé, je fais comme je le sens. Et l’amour peut ne consister qu’à écouter mon cœur qui bat la chamade. Or, la liberté et le véritable amour sont tournés vers l’autre, sans que celui-ci ait toujours besoin de le mériter.

Il faut être assez libre pour continuer à aimer, même quand cela fait mal. Dans son récent livre, Consolation, Anne-Dauphine Julliand, l’auteur de Deux petits pas sur le sable mouillé, rapporte que Gaspard, son fils aîné lui demanda ce qui faisait le plus mal dans la vie. Et lui-même répondit : « Je crois que c’est l’amour. L’amour, ça fait toujours mal un jour  » (p. 20). On reconnaît quelqu’un qui n’a jamais aimé au fait qu’il se débine chaque fois qu’il faut souffrir, disait un psychanalyste. L’amour dans toute sa pureté commence quand je donne à l’autre la permission de me déranger, quand je rencontre sa tristesse, sa peur ou sa douleur et que j’ai envie de le consoler. Aimer c’est répondre à l’appel de l’autre qui a besoin d’être aimé pour vivre. Jésus ira même jusqu’à parler de l’amour des ennemis. « Donner pour recevoir, c’est jeu d’enfant, écrit Rainer-Maria Rilke. Donner et recevoir à égalité, c’est grisant. Mais quand vient l’heure de donner sans recevoir, et même de recevoir du mal, et de rendre du bien, là se trempe l’Amour de l’autre. »

Aimer ses ennemis, leur pardonner, c’est le choix de ne pas répondre au mal par le mal ; c’est vouloir que l’autre vive alors que, s’il est vraiment mon ennemi, il voudrait que je disparaisse. Dans le couple lui-même, on peut en arriver à se comporter, d’une manière ou d’une autre, en ennemis. « Aime-moi lorsque je le mérite le moins, car c’est alors que j’en ai le plus besoin », dit un proverbe chinois. L’amour est un exercice de liberté toujours à reprendre ! » (Charles Delhez, s.j., L’amour et la liberté : https://www.cathobel.be/2021/02/lamour-et-la-liberte/).

Divali + le tendre lilas des jacarandas

Mon séjour à Maurice s’achève dans une surabondance de joies intérieures. Le Seigneur de la Vie me fait danser dans l’eau de mer, sur la plage, dans le tendre lilas des jacarandas qui ne fleurissent qu’en ce mois mauve si spécial, pendant lequel les âmes d’ici accueillent la paix et la lumière de Divali… Merci à chaque Mauricienne, chaque Mauricien, pour son accueil et ses partages intimes.

Alalila : expression créole exclamative signifiant « Voilà ! Exactement ! » : ce qui est dit correspond à ce qui était cherché, que ce dont il est question correspond à la meilleure solution. Si Archimède avait été mauricien, il se serait probablement écrié « Alalila ! » dans sa baignoire. « — Et si on passait un boulon entre les deux pannes, à travers une pièce fixée sur l’arêtier ? — Alalila ! c’est ça même qu’il faut faire. » Le voilà ; c’est là ; tiens (ou “tenez”). « Passe-moi un coup le couteau. — Alalila » (https://mauricianismes.wordpress.com/la-ma-liste-de…/).

Divali est une des plus belles fêtes hindoues ; c’est leur Noël, fête de la lumière partagée à tous…

Tombe-je sur ta tombe ou dans ma tombe ?

Il existe un tunnel obscur dans la Lumière Infinie.
On l’appelle « Temps ».
Lorsqu’un humain entre dans ce tunnel,
on appelle cela « naître ».
Lorsqu’un humain marche au long de ce tunnel,
on appelle cela « vivre ».
Lorsqu’un humain sort de ce tunnel,
on appelle cela « mourir ».
Considérer que vivre se réduit à évoluer au long de ce tunnel obscur,
cela s’appelle « illusion ».
Percer des trous dans ce tunnel obscur,
cela s’appelle « science ».
Savoir que la Lumière est autour du tunnel,
cela s’appelle « Foi ».
Voir la Lumière dans le tunnel obscur,
cela s’appelle « Amour ».
Voir la Lumière à travers le Tunnel obscur,
cela s’appelle « Sagesse ».
Éclairer le tunnel obscur de sa propre Lumière,
cela s’appelle « Sainteté ».
Confondre la Lumière et le Tunnel obscur,
cela est au-delà des mots
(Lao Tseu, extrait du Tao Te King, 600 ans avant J-C).

« Ne confonds pas ton chemin avec ta destination. Ce n’est pas parce que c’est orageux aujourd’hui que cela signifie que tu ne te diriges pas vers le soleil » (Anthony Fernando).

Avoir le sens de l’humour

« Le sens de l’humour est l’attitude humaine la plus proche de la grâce de Dieu. Pour moi, la joie va très bien avec le sens de l’humour. Un chrétien qui n’en a pas manque de quelque chose. Je récite depuis quarante ans la ‘prière pour avoir le sens de l’humour de saint Thomas More’, ce saint anglais du XVIe siècle réputé pour ses traits d’esprit et sa gaieté » (pape François, Gaudete et exsultate + Dieu est joie).