Vivre un retour à soi, sentir à l’intérieur

Un pèlerin en chemin vers Compostelle, une petite corne tenue en bandoulière, s’arrête à chaque croisement pour prendre une large inspiration et faire alors résonner la corme devant lui. C’est sa manière originale de prendre la mesure des différents chemins qui s’offrent à lui et de vivre un retour à soi, pour sentir à l’intérieur, avant d’assumer le choix à prendre à l’extérieur : telle voie et non telle autre…

Deutéronome 30,15.19 : « Vois, je mets aujourd’hui devant toi ou bien la vie et le bonheur, ou bien la mort et le malheur. Je mets devant toi la vie ou la mort, la bénédiction ou la malédiction. Choisis donc la vie, pour que vous viviez, toi et ta descendance ».

Écouter, sentir et admirer

« Écouter ce que dit le vent quand il ne dit plus rien
mais reprend souffle et se souvient
d’avoir été si haletant après sa course
sa course de vent qui court après le vent

Que dit le vent quand il se tait ?
Que dit le silence du vent ?
Écouter ce que dit pluie
quand un instant elle fait halte
et cesse l’espace de trois mesures
de tambouriner ses doigts d’eau
sur le toit et sur les carreaux
Que dit la pluie quand elle se tait ?
Que dit le silence de la pluie ?

Écouter ce que dit la mésange
nonnette quand elle suspend ses roulades
et que son chant dans le matin clair
reste en filigrane dans l’air
Que dit l’oiseau quand il se tait ?
Que dit le silence de la mésange ?

Le silence dit que le silence écoute
couler la source du chant »
(Claude Roy).

Surabondance qui déborde

« Si tu es sage, montre-toi vasque et non pas canal  Un canal reçoit l’eau et la répand presque tout de suite. Une vasque, en revanche, attend d’être remplie et communique ainsi sa surabondance sans se faire de tort… Mais tu vas me dire : ‘La charité ne cherche pas son avantage’ (1 Co 13,5). Oui, mais sais-tu pourquoi ? Elle ne cherche pas son avantage, parce qu’elle ne manque de rien. Qui chercherait ce qu’il possède déjà ? La charité n’est jamais dépourvue de son avantage, à savoir de ce qui est nécessaire au salut » (Bernard de Clairvaux).

Défusionner pour communier

Quand bien des blessures encombrent le corridor de notre relation,
il m’est précieux alors de porter toute mon attention sur ce qui
compte prioritairement entre nous deux. C’est ceci :
établir la connexion, nourrir le lien,
sentir ce qui est vivant ici et maintenant,
accueillir nos complicités spontanées,
apprécier ce qui vibre en moi, entre nous, en toi,
goûter à la joie d’être côte-à-côte, simplement,
savourer ce que je reçois, ce que je donne,
me régaler de notre profonde connivence,
me délecter de ce qui fait chanter nos cœurs et nos âmes,
jouir de nos parfums qui jouent comme des exaltateurs d’arôme,
en présence l’un de l’autre,
déguster les saveurs, exhausteurs de goût qui se dégagent alors,
rendre grâce pour ce qu’Il nous donne par cette présence l’un à l’autre,
cette joie de la communion qui me parle d’éternité.
 
Tout cela suppose de pouvoir rester dans l’ici et maintenant, pour profiter pleinement de ce qui est là : ne pas t’enfermer ni dans mes blessures du passé ni dans mes projets, dans mes attentes, ni dans ce que nous avons fait de mal ni dans tes propres projections. Accueillir ce qui vient et aussi accepter ce qui ne vient pas. Être présent avec suffisamment d’espace intérieur et de gratuité que je me réjouis de ce qui est donné + reçu ET que je suis aussi OK avec ce qui n’est pas donné + reçu

Suivez le fil…

« Je regarde filer ces araignées d’eau sur la soie d’un étang, fragiles, avançant par saccades comme sous l’accès d’une pensée sans cesse interrompue, sans cesse reprise, inventant la légèreté d’une voie entre les deux éternités massives de l’air et de l’eau » (Christian Bobin, Le huitième jour de la semaine).

Char donné : l’eusses-tu cru, un si bon cru ?

Voici que s’achève notre voyage à l’île Maurice, temps de pèlerinage pour notre famille sur cette terre bénie de notre jeunesse familiale.
Un exemple de la Providence qui nous a tant guidés : une fois, je devais rejoindre les enfants partis avec l’auto ; j’ai décidé de faire les 15 kms en autostop. Avant de démarrer, j’ai confié à mon Bon Berger les personnes que j’allais rencontrer. Première personne : une Créole à pied comme moi, désolée de ne voir aucune BMW à l’horizon et s’exclamant dans un grand éclat de rires : « juste nos BMDoublesPieds ». Après 400 mètres de marche, Khalil, un ingénieur anglophone musulman d’Arabie Saoudite, m’a pris, disant aussitôt : « Dès que je vous ai vu le pouce levé, une voix m’a dit que je devais m’arrêter pour vous prendre. Je peux vous déposer à tel endroit ». Je suis resté bouche bée : c’est exactement là où j’allais !
L’échange nous a enrichis tous les deux…
Heureux les cœurs hospitaliers,
ils seront comblés par la rencontre.
En nous saluant, je l’ai remercié et béni explicitement ;
c’est comme si deux fées bondissaient aussitôt :
Paix et Joie nous enveloppaient alors que nous nous souhaitions adieu.
Oui, à Dieu, let’s go. Deo gratias. Merci pour ce beau pèlerinage.
Je devrais plus souvent être sans auto pour mieux dépendre de ta Providence aux si bons chars donnés !
L’eusses-tu cru, un si bon cru ?…

Version première : En gratitude, voici un des fioretti de la Providence qui nous a guidés. Mes enfants passant la journée à Pointe d’Esny avec l’auto, j’ai voulu leur éviter de venir me chercher à Tamarin pour aller ensuite à Floréal (plus de 2 heures de détour pour eux aux pires heures du trafic). J’ai donc décidé de me débrouiller en autostop pour arriver à Jumbo Phoenix où on s’est donné RDV…

Mon Bon Berger, merci pour ta bonté. Avant de démarrer à pied du fond de cette impasse de Tamarina (route isolée de 3 kms et 9 dos d’âne), je t’ai confié les personnes que j’allais rencontrer et je t’ai demandé de rencontrer celles que tu voulais.

Ça a commencé fort : toute BMW étant bien loin, une Créole m’a vu à pied et a ri avec moi devant notre belle « BMDoublesPieds ». J’ai eu à marcher jusqu’à Bois d’Olive (400 mètres)… Là, Rachid, chauffeur venant chercher des ouvriers me prit et fit l’aller-retour jusqu’à la grand-route, juste pour moi. Un homme bon, au cœur hospitalier, simplement humble. Je l’ai remercié en le bénissant explicitement, et c’est comme si, alors, deux fées venaient de bondir : Paix et Joie nous enveloppaient alors que nous nous souhaitions adieu : oui, allons à Dieu.

À l’arrêt de bus, un gros 4×4 s’est vite arrêté : un anglophone, Khalil, ingénieur musulman d’Arabie Saoudite, m’a pris, en commençant par dire : « Dès que je vous ai vu le pouce levé, une voix m’a dit que je devais m’arrêter pour vous prendre. Je peux vous déposer à Jumbo Phoenix ». Je suis resté muet de stupeur : c’est exactement là que j’ai rdv avec les miens. Il habite avec sa femme mauricienne dans Carreau Laliane, le quartier 300 mètres avant Jumbo (il a donc fait un détour pour m’y déposer, sans même le mentionner).

Échange très profond et enrichissant pour les deux. Il a tenu à avoir mon n° de téléphone. J’ai tenu à le bénir, lui, sa femme et le bébé qu’elle porte…

Je suis arrivé au rdv en un temps record, 1h30 avant l’heure, en évitant tous les embouteillages. Khalil m’a appris des shortcuts intéressants dans Bonne Terre pour éviter les bouchons de Beaux Songes… Deo gratias. Je te chanterai éternellement…

Oui, féérie

« Par un temps où le soleil ne perçait les cieux,
Matin de misère flouté de brume grise,
Les notes douces et plaintives d’un chant d’adieu
S’envolaient sur la mer, emportées par la brise.
Larmes douloureuses du violon sous l’archet,
Au rythme lancinant des vagues, elles s’égaraient
Puis lentement se posaient sur l’eau pour mourir,
Écume de tristesse d’un dernier soupir.
Les yeux fermés, le musicien jouait sa peine,
Il la jouait pour sa belle et pour l’océan,
Il la jouait pour les marins et les sirènes,
Pour les oiseaux du ciel et pour tous les amants.
Et de son cœur-violon, les notes s’échappaient,
Libres, mélancoliques, se mêlant aux embruns
Que le vent soufflait vers des rivages lointains
Tandis que sous la brume, l’infini ondulait »
(Hélène de Vannoise, Le violoniste dans L’ange et le magicien).

Changer de disque

« II est tellement important de laisser certaines choses disparaître,
de clore des cycles, non par orgueil ou par incapacité,
mais simplement parce que ce qui précède
n’a plus sa place dans votre vie.
Faites le ménage,
secouez la poussière,
fermez la porte, changez de disque.
Cessez d’être ce que vous étiez
et devenez ce que vous êtes »
(Paulo Coelho).

Photo prise, paraît-il, en Floride,
ce 3 du 3 23 :
cheval de Troie ?