La neige est tombée, des heures durant, tissant un épais manteau blanc à Dame Nature, sans ratures. Il y eut un soir d’engendrement, il y eut un matin ensoleillé. Nous voici tendrement enveloppés par cette neige fraîche si différente du givre : transformée en cristaux légers, l’eau prend 15 fois plus de place ; elle s’éclate dans l’espace, comme des cheveux ébouriffés, à la fois figés et aérés, si tant est qu’ils sont si tentés d’échapper à la pesanteur.
La neige s’est posée délicatement sur chaque tige, chaque brindille, ainsi ennoblies. Et, dès que le soleil s’y réverbère, elle se transfigure en mille diamants qui brillent de mille feux. La lumière est alors partout si étonnamment forte ! Comme si le soleil aveuglant de se réfléchir autant sur la neige désirait, le temps de cette féérie, compenser le déficit de lumière de ces longues nuits d’hiver…
Merci à la Personne qui a pu allumer une telle lumière parmi nous !
« Mais il n’y aura pas pour toujours des ténèbres sur ce pays envahi par l’angoisse… Le peuple qui vivait dans les ténèbres verra briller une grande lumière… » (Isaïe 8,23 ; 9,1).
« La Parole est faite chair et la lumière de Dieu vient briller dans les ténèbres de notre humanité » (Isaïe 9,5-6 ; Jean 1,1-5).
Passages bibliques cités par Augustin Nkundabashaka dans le Bulletin de Noël 2023 du M.I.R.-France (branche française du Mouvement International de la Réconciliation), qui présente le travail de plusieurs des personnes avec qui je collabore étroitement :
La « galette des rois » est une tradition bien vivante chez nous : le premier dimanche de janvier, pour l’Épiphanie, on “tire les rois” en famille. Cette année, nous avons la joie de vivre cette tradition avec des Mauriciens qui ne connaissent rien de cette tradition. Alors, je la raconte ici.
Le clou de la fête est au dessert, autour de la galette à frangipane (en forme de couronne) qui a été cuite pour l’occasion avec, en son sein, une fève cachée : aussitôt que la personne dont la part de gâteau contient la fève la découvre, elle est reconnue reine/roi et elle choisit qui sera roi/reine avec elle, pour toute la journée. Et on leur met une couronne royale dorée sur la tête. Au moment de la découpe de la galette, comme tous prennent un malin plaisir à repérer dans quelle part se trouve la fève, la personne la plus jeune d’entre nous est envoyée sous la table pour être la voix innocente : la maîtresse de maison pointe une part de gâteau en lui demandant à qui attribuer cette part…
Cette fête existait avant le christianisme. Après le solstice d’hiver, les Romains fêtaient le retour de la lumière de cette manière : maîtres et esclaves de la même maisonnée partageaient un gâteau, souvent fourré de miel et de datte, dans lequel était cachée la fève, sorte de tirage au sort de la personne honorée en roi/reine pour un jour.
Ce que les chrétiens ont apporté à cette fête, c’est un sens neuf de la royauté, de la couronne (forme qu’ils vont donner à la galette) et de la lumière.
Il y a les rois, au sens des chercheurs de l’essentiel qui ont la joie de connecter le Ciel et qui auront la surprise d’être illuminés de l’intérieur d’une étable : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu se lever son étoile et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
Il y a Hérode, le roi-politicien, qui cherche à éliminer le rival : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, avertissez-moi pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »
« Avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, les sages d’Orient regagnèrent leur pays par un autre chemin » (Mt 2, 1-12).
Il y a ce bébé innocent dans la mangeoire, dont tout l’être irradie d’une lumière nouvelle, dont la couronne royale deviendra couronne d’épines… Et la Passion commence déjà dès sa naissance : à tour de bras, le roi Hérode crucifie de saints innocents, hier comme aujourd’hui encore !
Je nous souhaite belle réception de cette lumière autre que celle du soleil extérieur et bonne royauté alternative !
En littérature, « épiphanie d’une réalité » se dit d’une prise de conscience soudaine et lumineuse de la nature profonde de cette réalité : on parle d’une épiphanie de la musique, de l’épiphanie d’une amitié…
Dans son sens philosophique, « épiphanie » convient pour l’expérience d’une personne qui découvre une nouvelle information ou expérience, souvent insignifiante en elle-même, qui illumine de façon fondamentale l’ensemble. C’est voir la chose dans son intégralité, après avoir rassemblé toutes les pièces du puzzle ; genre Archimède s’écriant « Eurêka / J’ai trouvé ».
Fêter l’épiphanie, le 6 janvier, serait-ce donc célébrer la joie que les pièces du puzzle biblique sont désormais toutes assemblées ? Les mages, en quête du sens premier de la vie, partent de chez eux, quatre à quatre. Les voici à côté d’un bœuf et d’un âne, pour reconnaître et honorer le Fond de l’être, que ce bébé incarne si bien et que nous pouvons percevoir, en déployant notre stéthoscope divin, avec ses antennes célestes et capteurs terrestres…
« Les développements technologiques qui ne conduisent pas à une amélioration de la qualité de vie de l’ensemble de l’humanité, mais qui au contraire exacerbent les inégalités et les conflits, ne pourront jamais être considérés comme un véritable progrès » (Pape François, Intelligence artificielle et paix, 57ème journée mondiale de la paix célébrée le 1er janvier 2024).
Banané 2024, vou zot tou ! Et-tiennent chauds-mets pour vous les servir…
« Mari chouette les veillées » : en créole mauricien, « mari » est un adverbe qui signifie « très » / « tellement ». Exemples : « Mari top ça », « Mari bon ça », « Mari loin ça ».
Bonnes fêtes de la Saint-Sylvestre et de la Sainte Famille, avec les mages d’Orient = d’Est !
Dans l’image, encore un dernier anagramme 23 pour la route 24 !
Nota Bene : Profitons car le fait que ces deux fêtes tombent le même jour n’arrive que 11 à 12 fois dans une vie de 80 ans : 1967, 1972, 1978, 1989, 1995, 2000, 2006, 2017, 2023, 2028, 2034, 2045, 2051, 2056, 2062, 2073, 2079, 2084, 2090, 2102 ; c-à-d tous les 5, 6 ou 11 ans ! Amazing, non ?).
« Avec son air très naturel, le surnaturel nous entoure » (Jules Supervielle).
« La notion de l’infini dans le monde, j’en vois partout l’inévitable expression. Par elle, le surnaturel est au fond de tous les coeurs. L’idée de Dieu est une forme de l’idée de l’infini » (Louis Pasteur, dans son Discours de réception à l’Académie française, 27 avril 1882).
« Le bleu profond attire l’homme vers l’infini, il éveille en lui le désir de pureté et une soif de surnaturel. C’est la couleur du ciel tel qu’il nous apparaît dès que nous entendons le mot ciel » (Wassily Kandinsky).
Bonne fête à tous les É tienne que pourra… Hip hip hip hourra !…
« Noël c’est le moment où nous embrassons la vulnérabilité de Dieu » (Soeur Mary Leddy).
Voici une phrase pour le moins énigmatique et une injonction insolite : embrasser la vulnérabilité de Dieu ? Le besoin de protection et la vulnérabilité se manifestent le plus souvent dans des situations extrêmement brutales. Les images d’Ukraine, d’Israël/Palestine et de nombreux autres endroits du monde ne cessent de nous en faire prendre conscience. Le message que transportent ces images est que les victimes ont besoin de protection, de sécurité, ce qui se traduit au quotidien par des bombes, des chars, des obus, des murs et des frontières. Mais sommes-nous capables de voir autre chose, quand nous sommes confrontés à ces images ? Sommes-nous capables de percevoir cet autre message : cessez enfin de vouloir nous protéger par les armes qui provoquent tant de souffrance et de destruction et qui suscitent invariablement la riposte, violente elle aussi.
Des parents israéliens qui ont perdu un enfant dans des attentats terroristes du Hamas palestinien et des parents palestiniens dont les enfants ont été tués par des soldats israéliens expriment ensemble leur blessure morale, leur deuil. Ils ont fondé l’organisation Parents Circle. Leur message : mettez fin à la haine ! Elle ne fera pas revivre nos enfants. Notre responsabilité commune est de rompre ce cycle infernal de la violence et de la contre-violence !
Ce message-là, l’enfant dans la crèche nous le fait entendre. Regardez : voici un être humain, un petit enfant qui a besoin des autres. Protégez cet enfant, protégez chaque être humain et tout particulièrement ceux qui sont les plus faibles et les plus vulnérables.
La vulnérabilité de Dieu est l’antithèse des systèmes de sécurité militaires et de la course mondiale aux armements qui engloutit chaque année des sommes colossales et fait grimper toujours plus haut la spirale de la haine, des menaces, des attaques et de la vengeance. « En Jésus-Christ, Dieu s’est désarmé », dit la théologienne évangélique Dorothee Sölle.
C’est le grand défi que nous lance son existence marquée par la vulnérabilité : celui de prendre le risque de notre propre vulnérabilité. Celle-ci nous accompagnera tout au long de notre vie, malgré tous les systèmes de sécurité. Si nous acceptons de reconnaître notre commune vulnérabilité et notre besoin de protection, nous deviendrons de plus en plus responsables, non seulement envers nous-mêmes, mais aussi envers l’autre, l’étranger, et nous nous encouragerons mutuellement à coopérer plutôt qu’à nous affronter, à aller les uns vers les autres plutôt qu’à ériger des murs entre nous.
Je vous adresse toutes mes salutations, en ces temps si sombres, avec les paroles d’un choral de l’Oratorio de Noël de Jean-Sébastien Bach : Apparais, ô lumière du matin, Et laisse poindre le ciel ! Vous, les bergers, n’ayez pas peur, Car l’ange vous dit Que ce faible petit garçon Sera notre réconfort et notre joie, En plus il contraindra Satan Et apportera la paix – enfin ! Au nom du Conseil d’administration, Antje Heider-Rottwilm, présidente de Church and Peace https://www.church-and-peace.org/fr/2023/12/embrasser-la-vulnerabilite-de-dieu-a-noel/
« La virginité de Marie, l’enfantement et la mort du Seigneur sont trois mystères criants, …accomplis dans le silence de Dieu. Une étoile dans le ciel a brillé plus que toutes les autres. Sa lumière était indescriptible et a produit un effet d’étrangeté. Tous les autres astres, avec le soleil et la lune, formèrent un chœur autour de cette étoile, unique par sa lumière si nouvelle. D’où vient cette nouveauté qui ne ressemble à rien d’autre ? L’ignorance est détruite, maintenant que Dieu se manifeste de façon humaine, pour introduire la nouveauté de la vie éternelle […] et projeter l’abolition de la mort » (Ignace d’Antioche, Lettre aux Éphésiens, chapitre 19). Photo : une étoile à 92 pointes, fabriquée en papier cet Avent par des amis allemands qui m’envoient la photo (Église morave réformée et sa tradition d’étoile Herrnhuter ; cf. https://etiennechome.site/letoile-herrnhuter-aux-182-pointes/).
« Avec des mots différents, toutes les grandes religions expriment que nous sommes des étincelles de la flamme éternelle. Le divin intérieur (ce que les chrétiens appellent l’âme ou la Conscience du Christ, les bouddhistes appellent la nature du Bouddha, les hindous Atman, les taoïstes Tao, les soufis le Bien-aimé, les Quakers la Lumière Intérieure), souvent, il ne faut pas des années de pratique méditative pour y accéder parce qu’il existe en nous tous, juste sous la surface de nos parties extrêmes. Une fois que celles-ci acceptent de se séparer de nous, de nous laisser un peu d’espace, nous avons soudainement accès à qui nous sommes vraiment.
Concernant la rapidité avec laquelle un accompagné peut accéder à son Self, le plus important est le degré avec lequel l’accompagnateur est pleinement présent, Self-led. C’est cette présence qui constitue l’élément de guérison en psychothérapie, indépendamment de la méthode ou de la philosophie du praticien » (Richard Schwartz, The Larger Self ; cf. https://artoflivingretreatcenter.org/blog/the-larger-self/).