« La grâce est l’une de ces astuces de Dieu, qui fait dire oui sans qu’on sache à quoi on acquiesce » (Marion Muller-Colard, L’intranquillité).
« Pourquoi me définir alors comme agnostique ? Parce que je crois en Dieu, mais je sonde chaque jour un peu plus à quel point je n’ai pas la connaissance de ce Dieu en qui je crois. Et grande sera ma surprise, j’en suis sûre, s’il m’est donné un jour de voir se démêler sous mes yeux la part de Dieu et la part du Diable. S’il m’est donné un jour non plus de pressentir la Grandeur, mais de la connaître – de renaître avec elle » (Marion Muller-Colard, L’autre Dieu).
« Il est difficile de traduire la Bible. L’Ancien Testament est écrit en hébreu ancien, qui ne comporte pas de voyelles et qui comprend peu de mots par rapport à nos langues, si bien que la polysémie y est très importante, avec bon nombre d’énantiosèmes, c’est-à-dire de mots comportant la coprésence de sens opposés. En outre, le système des temps verbaux est très complexe, ne comportant pas les présent, passé et futur de nos langues. L’hébreu ancien est la langue de l’éternité en quelque sorte. Par exemple le tétragramme JHWH qui est le nom de Dieu peut signifier « Je suis » ou « je serai », et donc il peut vouloir dire aussi « je deviens ». […] La parole biblique abonde en paradoxes souvent rejetés parce que déstabilisant ; pourtant, des ébranlements successifs sont nécessaires à toute évolution, qu’elle soit d’ordre intellectuel, psychologique ou spirituel. […] Les paradoxes favorisent un changement de registre. […] Mircea Eliade analyse les paradoxes des textes sacrés comme une destruction du système de référence habituelle : cela conduit à briser l’univers profane pour accéder à un univers spirituel » (Josette Larue-Tondeur, Traductions bibliques opposées, dans Cahiers Sens public, 2010/1-2, p. 229 à 237).
Photo : P. Horalek (reprenant plusieurs images d’une éclipse solaire totale au-dessus du Chili), en écho à cette éclipse solaire totale de ce 8 avril 2024, qui a été visible en Amérique et qui a eu lieu en même temps que la nouvelle lune.
« Chantez, terres lointaines, fleuves et plaines, déserts et montagnes… Chantez le Seigneur de la vie qui sort du tombeau, plus brillant que mille soleils.
Peuples brisés par le mal et meurtris par l’injustice, peuples sans place, peuples martyrs, chassez en cette nuit les chantres du désespoir. L’homme des douleurs n’est plus en prison : il a ouvert une brèche dans la muraille, il se hâte de venir à vous. Que le cri inattendu s’élève dans les ténèbres : il est vivant, il est ressuscité !
Et vous, frères et sœurs, petits et grands…, vous qui êtes dans la misère, vous qui vous sentez indignes de chanter, une flamme nouvelle traverse votre cœur, une fraîcheur nouvelle imprègne votre voix. C’est la Pâque du Seigneur, c’est la fête des vivants » (frère Jean-Yves Quellec, moine de Clerlande, dans son livre de 1998 Dieu face Nord ; ce passage vient d’être repris par le pape François dans son homélie du Samedi Saint).
Photo : trésors d’Éthiopie = un être humain au cœur large et à l’âme pure, avec une bible de 800 ans.
« Il dort, dit la lune. Et lentement, elle commença à égrener un chapelet d’étoiles. Les étoiles se plaignaient doucement. La comète qui servait de pendentif brillait de mille feux. Et je me demandais combien de temps encore durerait cette incantation. La lune priait ! Les étoiles une à une pâlissaient et le matin blêmissait mes tempes » (Robert Desnos, La liberté ou l’amour, 1927).
« Exaucer la Trinité = nous ouvrir à ce don qu’Elle EST en permanence » (Maurice Zundel, Un autre regard sur l’homme).
Que les cailloux sur le chemin soient reçus comme des cadeaux pour accéder à l’Amour véritable.
Que les obstacles dans les relations soient accueillis comme des opportunités. C’est dans nos tombeaux que le cadeau de la Résurrection peut être déballé.
Je prie pour toi = Je demeure en présence de l’Esprit d’Amour et de Vérité, en lui donnant toute la confiance dont je suis capable. Et je reçois alors en retour en moi des parcelles de Sa manière à Lui de te voir, de t’écouter, de t’aimer et d’être vrai avec toi. Et je crois, dans la foi, que tu en reçois aussi quelques parcelles de lumière et de Vie…
Demeurons… Même dans le grand silence, demeurons reliés.
Quel que soit le souci que ta jeunesse endure, laisse-la s’élargir, cette sainte blessure, que les séraphins noirs t’ont faite au fond du cœur. Rien ne nous rend si grands qu’une grande douleur mais, pour en être atteint, ne crois pas, ô poète, que ta voix ici-bas doive rester muette.
Les plus désespérés sont les chants les plus beaux et j’en sais d’immortels qui sont de purs sanglots. Lorsque le pélican, lassé d’un long voyage, dans les brouillards du soir, retourne à ses roseaux, ses petits affamés courent sur le rivage, en le voyant au loin s’abattre sur les eaux.
Déjà, croyant saisir et partager leur proie, ils courent à leur père avec des cris de joie en secouant leurs becs sur leurs goitres hideux. Lui, gagnant à pas lent une roche élevée, de son aile pendante abritant sa couvée, pêcheur mélancolique, il regarde les cieux.
Le sang coule à longs flots de sa poitrine ouverte. En vain, il a des mers fouillé la profondeur. L’océan était vide et la plage déserte. Pour toute nourriture, il apporte son cœur. Sombre et silencieux, étendu sur la pierre, partageant à ses fils ses entrailles de père, dans son amour sublime, il berce sa douleur. Et, regardant couler sa sanglante mamelle, sur son festin de mort, il s’affaisse et chancelle, ivre de volupté, de tendresse et d’horreur. Mais parfois, au milieu du divin sacrifice, fatigué de mourir dans un trop long supplice, il craint que ses enfants ne le laissent vivant. Alors, il se soulève, ouvre son aile au vent, et, se frappant le cœur avec un cri sauvage, il pousse dans la nuit un si funèbre adieu, que les oiseaux des mers désertent le rivage, et que le voyageur attardé sur la plage, sentant passer la mort, se recommande à Dieu.
Poète, c’est ainsi que font les grands poètes. Ils laissent d’égayer ceux qui vivent un temps. Mais les festins humains qu’ils servent à leurs fêtes ressemblent la plupart à ceux des pélicans. Quand ils parlent ainsi d’espérances trompées, de tristesse et d’oubli, d’amour et de malheur, ce n’est pas un concert à dilater le cœur. Leurs déclamations sont comme des épées : elles tracent dans l’air un cercle éblouissant. Mais il y pend toujours quelque goutte de sang.
Alfred de Musset, Le Pélican, dans le recueil La Nuit de Mai, 1835).
« Si le Christ souffre et meurt, c’est volontairement, pour faire de la mort et de toutes les formes de mort un passage vers la vie. Grégoire de Nazianze nous montre le Dieu fait homme assumant concrètement toutes nos situations de finitude close – la tentation, la soif, la fatigue, l’imploration, les larmes, le deuil, l’esclavage qui transforme l’homme en objet, la croix, le tombeau, l’enfer — non par quelque masochisme doloriste, mais, chaque fois, pour redresser et guérir notre nature, pour libérer le désir bloqué par la multiplicité des besoins, pour vaincre la séparation et la mort et transformer par la croix la déchirure de l’être créé en source d’eau vive » (Olivier Clément, Sources, p. 154).