« La paix se gagne pas à pas, bien avant que ne retentissent les tambours de mobilisation. Il y a pire que le bruit des bottes : le silence des pantoufles car c’est celui-ci qui rend celui-là un jour irrémédiable. Les chrétiens sont régulièrement invités à « tout donner comme le Christ ». Qu’est-ce que cela signifie en matière de guerre et paix ? Sommes-nous capables de nous sacrifier pour la paix comme nos arrières grands-parents se sont sacrifiés pour la guerre ? Sommes-nous prêts à mettre le prix ?
Le Pape François souligne que l’indifférence de l’humanité à l’égard des problèmes de notre temps est l’une des menaces principales contre la paix dans le monde : « Gagne sur l’indifférence et remporte la paix » (Journée mondiale de la paix, 1er janvier 2016). L’indifférence ne peut être vaincue qu’en faisant face ensemble à ce défi. La paix est une conquête, nous dit le Pape François. Un tel bien ne s’obtient pas sans plusieurs choix lucides et courageux aujourd’hui. L’essentiel d’une bonne gestion des conflits se joue en amont de la violence : c’est aujourd’hui que nous sommes en train de perdre ou de gagner la paix de demain. Résister à la violence, c’est travailler à ne pas lui laisser le champ libre, alors même que nous disposons de nombreuses marges de manœuvre » (Chomé Étienne, La non-violence évangélique et le défi de la sortie de la violence, p. 300).
« La danse des derviches tourneurs, devenue icône culturelle et touristique en Turquie, est réservée aux hommes depuis des siècles. En tournant parmi leurs pairs masculins, des femmes derviches revendiquent le message égalitaire de Rûmî et créent un espace spirituel pour s’émanciper. L’ordre des derviches tourneurs a été créé au 13e siècle par Rûmî, aussi nommé Mevlana (« le maître »), un poète persan qui défendait l’égalité entre les femmes et les hommes. Les premiers groupes de derviches sont demeurés mixtes plusieurs décennies après sa mort, puis les femmes en ont été écartées. Rempli·e·s d’amour, dans un état d’extase mystique, ces femmes et ces hommes reprennent les gestes répétés mille fois de cette tradition centenaire et tentent de communier avec Allah. Sans le savoir ou même le vouloir, ces derviches créent peut-être aussi un mouvement vers un peu plus d’égalité » (https://gazettedesfemmes.ca/19650/femmes-derviches-distanbul-semanciper-par-la-spiritualite/).
« La bourgeoisie a joué dans l’histoire un rôle éminemment révolutionnaire. Tous les liens complexes et variés qui unissent l’homme féodal à ses « supérieurs naturels », elle les a brisés sans pitié pour ne laisser subsister d’autre lien, entre l’homme et l’homme, que le froid intérêt, les dures exigences du « paiement au comptant ». Elle a noyé les frissons sacrés de l’extase religieuse, de l’enthousiasme chevaleresque, de la sentimentalité à quatre sous dans les eaux glacées du calcul égoïste. Elle a fait de la dignité personnelle une simple valeur d’échange ; elle a substitué aux nombreuses libertés, si chèrement conquises, l’unique et impitoyable liberté du commerce. En un mot, à la place de l’exploitation que masquaient les illusions religieuses et politiques, elle a mis une exploitation ouverte, éhontée, directe, brutale. La bourgeoisie a dépouillé de leur auréole toutes les activités qui passaient jusque-là pour vénérables et qu’on considérait avec un saint respect. Le médecin, le juriste, le prêtre, le poète, le savant, elle en a fait des salariés à ses gages. La bourgeoisie a déchiré le voile des émotions qui recouvraient les relations de famille et les a réduites à n’être que de simples rapports d’argent. […] Poussée par le besoin de débouchés toujours nouveaux, la bourgeoisie envahit le globe entier. Il lui faut s’implanter partout, exploiter partout. Elle ressemble au magicien qui ne sait plus dominer les puissances infernales qu’il a évoquées. Les armes dont la bourgeoisie s’est servie pour abattre la féodalité se retournent aujourd’hui contre elle-même » (Marx, Le manifeste du Parti communiste, 1847).
« Dans la société des fous, le plus fou est roi » (Proverbe latin).
« Un artiste ne doit pas se tenir à l’écart mais au milieu. Je ne suis pas le bouffon du roi, je suis le fou du peuple ! » (Jacques Higelin, Je vis pas ma vie, je la rêve).
« Les fous sauront priser la sagesse lorsque les chiens pourront lécher la lune » (Proverbe persan).
« En Europe, la tradition anglo-saxonne est un peu à la tradition latine ce que l’huile est au vinaigre. Il faut les deux pour faire la sauce, sinon la salade est mal assaisonnée » (Elisabeth II à Paris en juin 1992, professant son credo européen).
« L’Europe est trop grande pour être unie. Mais elle est trop petite pour être divisée. Son double destin est là » (Daniel Faucher).
« Et de l’union des libertés dans la fraternité des peuples naîtra la sympathie des âmes, germe de cet immense avenir où commencera pour le genre humain la vie universelle et que l’on appellera la paix de l’Europe » (Victor Hugo).
Napoléon a créé la Légion d’honneur, en disant : « Je sais bien que ces distinctions sont des hochets mais c’est avec des hochets que l’on mène les hommes, civils comme militaires. […] On gouverne mieux les hommes par leurs vices que par leurs vertus. »
Extrait de mon livre Le nouveau paradigme de non-violence, p. 96 : « En 1962, s’ouvre le procès d’Adolf Eichmann, le haut fonctionnaire nazi chargé de la logistique de la déportation des Juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Il n’a cessé de proclamer qu’il n’a fait qu’exécuter les ordres. Hannah Arendt tira les leçons politiques de l’« instinct de soumission » qui fait de chacun de nous un tortionnaire en puissance, c’est-à-dire un exécuteur irresponsable des basses besognes commandées par le Pouvoir : « Nous pouvons constater que l’instinct de soumission à un homme fort tient dans la psychologie de l’homme une place au moins aussi importante que la volonté de puissance et, d’un point de vue politique, peut-être plus significative » (ARENDT Hannah, Du mensonge à la violence. Essais de politique contemporaine, Paris, Calmann-Lévy, 1969, p. 148). Tolstoï avait déjà mis en garde contre ce formatage qui fait perdre aux hommes « la liberté raisonnable » essentielle au discernement : « ils deviennent entre les mains de leurs chefs hiérarchique les armes dociles et machinales de l’assassinat » (TOLSTOÏ Léon, Rayons de l’aube, Paris, Stock, 1901, p. 373).
Biais cognitif avéré : l’être humain croit améliorer en rajoutant des éléments, même dans les cas où il serait mieux d’en soustraire. Une expérimentation scientifique l’a mis en évidence, en faisant passer des tests du style : « Améliorez cette recette de cuisine », la solution optimum étant d’enlever les ingrédients farfelus. Seuls 20 % des 500 gens testés font le bon choix de simplifier, les autres cherchent à améliorer en compliquant ! Résultats identiques avec d’autres tests : « Améliorez ce texte, ce parcours de golf, cette structure, rendez cette figure symétrique en moins de clics possibles, etc. »
Ce biais cognitif éclaire le réflexe de rajouter une couche plutôt que d’en enlever une ; par exemple, une structure dans la bureaucratie institutionnelle, un sous-chef dans les hiérarchies en entreprise. Et le biais cognitif s’aggrave en cas de stress, de surcharge de travail, etc.
« Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? » < > Less is more.
Leonard de Vinci disait que l’objet parfait est celui où on ne peut plus retirer quelque chose.
Cf. Gabrielle Adams, Benjamin Converse and colleagues, Lessis more, in Nature, Volume 592 Issue 7853, 8 April 2021.
« Napoléon, dans ses conquêtes, ne s’est jamais véritablement préoccupé des pertes humaines. […] Nous avons ensuite, et depuis lors, placé la valeur de la vie humaine plus haut que tout. De l’Empire, nous avons renoncé au pire. De l’empereur, nous avons embelli le meilleur » (Emmanuel Macron « commémorant » Napoléon Bonaparte, à l’Institut de France, 5/5/21).
Le discours écrit de l’Élysée prévoyait la formule : « De l’empereur, nous avons embelli nos meilleurs », ce qui est très différent du prononcé de Macron, parlant d’embellir le meilleur de l’empereur (hélas, le prononcé a, seul, autorité ; point l’écrit). Embellir nos meilleurs à nous, n’est-ce pas être lucide sur l’impasse de la logique de domination et de gloire à la racine même de la politique de Bonaparte ?
Comme tout civilisateur armé, Napoléon justifie ses propres violences de conquérant par ses projets de bâtisseur, qui répand les idées de la Révolution et débarrasse les peuples européens des tyrans qui les oppressent… En octobre 1813, il a refusé les bons services de Metternich, venu négocier une paix européenne raisonnable et durable, en lui rétorquant : « Votre Empereur et moi-même n’avons pas les mêmes contraintes. Il est l’héritier de ces familles qui se partagent l’Europe depuis des siècles. Vos maîtres peuvent se faire battre vingt fois et poursuivre tranquillement leur règne. Moi, je suis le fils de la fortune. Je ne suis que le Corse venu s’asseoir sur un de leurs trônes. Je ne puis m’y maintenir que par la force. Mon Empire est détruit si je cesse d’être redoutable » (Napoléon, Metternich, le commencement de la fin). Une course en avant, dont on connaît la fin avant même de commencer : implacable logique, chez bien des espèces animales, du mâle dominant qui s’impose par la force et qui est éliminé, aussitôt qu’il sera devenu âgé et moins fort qu’un autre…
Pour tapoter sur nos œillères idéologiques qui limitent nos regards et nous amènent à voir trop vite certaines violences comme incontournables voire même glorieuses, je cite Jean-Marie Muller qui poursuit le projet philosophique d’une délégitimation radicale de la violence, jusque dans les mots porteurs de l’idéologie de la violence nécessaire, légitime et honorable. Il s’attache à « déconstruire les mots justifiant la violence et, dans le même mouvement, inventer et créer les mots qui honorent la non-violence. Trouver les mots justes pour dénommer la violence, c’est déjà nous déprendre de son emprise. De même, trouver les mots justes pour dénommer la non-violence, c’est déjà lui ouvrir un espace où elle puisse exister. […] En réalité, l’opposé de la vérité, c’est l’erreur de la violence et déjà l’erreur de toute doctrine qui prétend justifier la violence, c’est-à-dire faire de la violence un droit de l’homme. Car la violence est déjà victorieuse, elle a déjà imposé son ordre dès lors qu’elle a obtenu la complicité intellectuelle de l’homme. […] Il ne suffit pas de juger la violence, il s’agit de la penser. Penser la violence, c’est dé-couvrir son inhumanité. Penser la violence, c’est la dis-qualifier, la dé-légitimer, la dis-créditer, la dé-considérer, la dés-honorer. Penser la violence, c’est comprendre qu’elle nie et renie les vertus qui fondent et structurent l’humanité de l’homme. Penser la violence, c’est la voir ir-respectueuse, ir-réfléchie, in-juste, in-digne, in-civile, im-morale, im-polie, in-intelligente, im-prudente, in-délicate, in-clémente, in-élégante, in-considérée, in-souciante, in-décente, in-correcte, in-conséquente, in-capable, in-apte, im-propre, in-convenable, in-opportune, in-congrue, in-cohérente, in-continente, in-disciplinée, in-docile, in-tempérante, in-contrôlable, in-gérable, im-puissante, in-opérante, in-fructueuse, in-compétente, in-habile, in-salubre, in-efficace. ir-réaliste, in-tolérable, in-fréquentable, in-soutenable, in-supportable, in-tenable, in-vivable, in-acceptable, in-désirable, ir-recevable, in-admissible, in-défendable, in-justifiable, Penser la violence, pour chacune de ces raisons et pour beaucoup d’autres encore, c’est lui opposer un non catégorique. Connaître la vérité, c’est, face au scandale de la violence qui dé-figure le visage de l’homme, re-connaître l’évidence de la non-violence » (Muller Jean-Marie, Penser la violence, 2006).
Quoi, ma gueule ? Qu’est-ce qu’elle a ma gueule ? Quelque chose qui ne va pas ? Elle ne te revient pas ? On n’va pas y passer la nuit Ma gueule et moi on est d’sortie On cherchait plutôt des amis De galères en galères Elle a fait toutes mes guerres Chaque nuit blanche, chaque jour sombre Chaque heure saignée y est ridée Elle ne m’a pas lâché d’une ombre Quand j’avais mal, même qu’elle a pleuré Je m’en fous qu’elle soit belle Au moins elle est fidèle… (Ma gueule, chanson de Johnny Hallyday).