Et si la crise de l’essence en France était, après le Covid, notre chance de descendre de nos engins malins, pour marcher au rythme de nos jardins, en respirant le parfum du matin ?
Quand il pleut en automne au ciel des arbres, Un déluge de couleur et de feuilles mortes Que le vent emporte dans une folle danse Comme des ballons de baudruche à la fête foraine Excités par ces frêles nuages de coton blanc Qui les attirent pour le dernier ballet du soir.
L’automne a sorti sa robe de madras Pour un léwoz jusqu’au petit matin d’hiver. Les premiers flocons s’invitent à la ronde Sur un air joué par le mistral du Nord Et l’automne s’endort lentement, transi, Dans le fin lin blanc que la neige lui tend.
Un samedi soir, je suis attablé avec trois de mes amis dans un estaminet. Au comptoir, chahutent des Marins de la US Navy, dégustant leur permission de sortie. L’un d’entre eux, particulièrement musclé, provoque des escarmouches. Il a manifestement besoin de se défouler. C’est clair qu’il a envie d’en découdre. Après une demi-heure, il vient vers nous et insulte nos mères belges, espérant une riposte couillue pour enfin lancer la bagarre. J’avais vu venir la provocation et j’étais très conscient qu’il ne fallait surtout pas me laisser emmener sur son aire de jeu, sur le terrain où il est le plus fort. Je me lève, entraînant mes amis ainsi que les autres fêtards de la taverne dans un chant populaire de chez nous et dans une farandole communicative qui intégra tous les Marins : une ronde endiablée, à la mode bien de chez nous !
Elle me l’avait toudi promi Une belle petite gayole Une belle petite gayole Elle me l’avait toudi promi Une belle petite gayole Pour mettre em’ canari
M’canari quand toi toudi Mon dieu que chu bé mi Mon dieu que chu bé mi M’canari quand toi toudis Mon dieu que chu bé mi Dans cette p’tite gayole ci
Troulala…
On dit qu’les Namurois sont lents Mais quand ils sont dedans Mais quand ils sont dedans On dit qu’les Namurois sont lents Mais quand ils sont dedans Ils y sont pour longtemps
Troulala…
À votre santé. Dégustons ensemble, sans laisser l’agresseur tirer profit de sa violence, en inventant l’initiative qui permet de sortir du conflit par le haut !
« La vraie trahison est de suivre le monde comme il va et d’employer l’esprit à le justifier » (Jean Guéhenno).
Le vrai courage est de résister à l’envahisseur par d’autres moyens que les siens. « On vous a dit : Œil anti œil et dent anti dent. Moi, je dis : Ne vous anti-posez pas » (Mt 5,38-39a) ; ἀντιστῆναι / antistènai est un terme militaire : se placer en face pour lutter, se dresser contre, s’opposer à, comme deux fronts d’armées se faisant face. Moi, je vous dis de ne pas jouer le jeu du méchant, de ne pas le laisser vous enfermer dans ce face-à-face. Moi, je vous dis de résister mais sans riposter, sans rendre coup pour coup, sans utiliser les mêmes armes que celui qui vous fait du mal. Suivent en Mt 5,39b-41 trois exemples incisifs qui mélangent subtilement bon droit et abus de pouvoir. À chaque fois, Jésus propose une initiative déroutante qui retourne le système injuste contre lui-même, ce qui a pour effet de le subvertir de l’intérieur. Cocktail détonant qui concilie amour des personnes ET fermeté de la justice ET dynamique d’une sortie Win-Win par le haut.
Je rends hommage ici à Bruno Latour qui est décédé ce dimanche 9/10, Il a dit : « Agir signifie faire venir son existence du futur vers le présent » (Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique). Et j’ajoute :
À chaque tournant de l’évolution, le vivant semble s’adapter non pas tant à partir de conditionnements passés qu’à partir d’une intelligence du futur. C’est parce qu’il représente un atout dans le futur qu’est retenu un comportement qui a réussi dans le passé. Ainsi, la logique de l’Évolution semble être de préparer l’avenir sur base des leçons du passé ; un changement advient parce qu’il est utile à préparer l’avenir.
Ces deux derniers siècles, les scientifiques avaient recherché la cause des adaptations successives des espèces dans l’origine, dans le passé. De nos jours, on la cherche aussi dans cette sorte de logique téléologique du vivant. L’exemple le plus frappant d’une telle vision m’a été donné par le Dr Jean Lerminiaux, à qui j’exprime ma profonde gratitude : un poisson échoué sur la berge développe un cancer des reins en vue de sa survie. Le cancer des reins augmente ses chances de survie, en lui donnant plus de temps pour attendre la vague salvatrice qui le ramènera dans l’eau.
Le nouveau paradigme, dont Teilhard de Chardin n’est pas loin, est apparu dans le champ des idées en même temps que la préoccupation nouvelle qu’a entraîné le pouvoir d’annihiler l’humanité et la planète. Ce pouvoir conduit à la lourde responsabilité d’organiser un futur viable à notre descendance, selon le slogan en vogue : « nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants ». Les choses ne sont plus seulement pensées en tant que résultats du passé mais bien en tant que « réalisées en vue de quelque chose », en fonction d’un futur.
Le défi contemporain est nouveau quant aux périls nucléaire et écologique mais, en fait, il n’a rien de nouveau dans le principe : survivre a été, est et sera le moteur de l’Évolution. Le vivant développe depuis toujours une série de processus lui permettant de survivre, en surmontant les difficultés rencontrées à chaque étape. Le vivant s’adapte perpétuellement aux situations nouvelles en instaurant des mécanismes d’autocorrection.
La préoccupation de l’avenir peut être vue à la base même de l’Évolution. La recherche scientifique ne consiste plus seulement à expliquer le présent à partir du passé, elle est de mettre en lumière « en vue de », « pour quoi » les évolutions se font. Ce nouveau paradigme qui considère le futur des choses et donne de l’importance au temps à venir peut profondément modifier divers champs, dont notre façon de concevoir la persistance et le changement à travers le temps, le fonctionnement biologique, la neurologie, l’épigénétique, la pathologie (la maladie vue comme un moindre mal, cadeau de l’Évolution), le rôle de l’émotion(qui permet une économie de temps en préparant au futur possible), les sciences de l’éducation…
« Il veut des sons et des couleurs. Il a des cris, il a des pleurs et des colères. Mais ses fureurs d’enfant gâté, comme les orages d’été, sont passagères » (Eugène Manuel, La chose ailée, 1907, p. 15).
« Les filles étaient précoces, aux fosses. Il se rappelait les ouvrières de Lille gâtées dès quatorze ans, dans les abandons de la misère » (Zola, Germinal,1885, p. 136).
« Les plus cruels critiques des poètes sont encore les imitateurs : ils se mettent, comme les mouches, sur l’endroit gâté et le dessinent » (Sainte-Beuve, Tableau historique et critique de la poésie française,1828, p. 101).
Lors de ma dernière session de travail thérapeutique (https://www.vvanoutryve.be/mtth/), en entendant un autre membre du groupe exprimer que ses parts avaient été un jour dans un tel manque de lien qu’elles faisaient de l’anthropophagie, j’ai été renvoyé à mes propres parts qui vont vers l’autre à partir d’une peur de rupture du lien, une peur de rejet ou d’abandon. J’ai pris le temps de les rencontrer et de prendre soin avec elles de leur besoin de lien en creux, jusqu’à ce que le lien entre elles et moi soit plein, complet, accompli !
Comme c’était bon d’entendre Vinciane, l’animatrice, me rappeler que quand nous sommes emmêlés, trop proches de l’autre, nous serons obligés de prendre de la distance. Si, par contre, nous sommes distincts, nous pouvons être proches.
Gratitude à Nanna Michael qui m’a initié il y a près de 15 ans à l’IFS, ainsi qu’à Nadine d’Ydewalle et sa fille Vinciane van Outryve, qui ont fait le suivi !
« C’était un éveilleur de conscience, un empêcheur de tourner en rond et, même mort, de toute évidence, il dérange toujours. Le personnage semble toujours être au purgatoire » (Jacques Lacoursière).
À la fin de son règne, Mobutu Sese Seko faisait venir d’Ostende des avions remplis de ce nouveau billet de cinq millions de Zaïre, qu’il faisait descendre dans la population par toutes les personnes complices de son régime corrompu, notablement par la solde des militaires. La population appelait ce nouveau billet « MOKOMBOSO », qui désigne en lingala un singe de la famille des chimpanzés. Un refus de masse a pu être organisé, notamment au départ à partir de petits groupes engagés dans la désobéissance civile non-violente. Ainsi, après s’être concertées, toutes les mamans d’un même marché adoptaient la même attitude, face aux militaires y venant acheter quelque chose avec ce nouveau billet de banque : « Mon fils, ce billet n’est pas valable, je n’en veux pas. Tiens, prends ces légumes sans payer cette fois, et reviens la prochaine fois avec d’autres moyens de paiement ». Touché dans sa conscience, le soldat revenait à la caserne et touchait à son tour la conscience de son supérieur, qui lui-même faisait remonter le refus de la population d’être payée en monnaie de singe…
Tendre l’autre joue, c’est aimer son prochain ET être lucide sur les injustices du système ET organiser une non-coopération collective mettant efficacement des bâtons dans les roues d’un point précis de ce système injuste.
« Cultiver un potager, ce n’est pas seulement produire ses légumes. C’est apprendre à s’émerveiller du mystère de la vie » (Pierre Rabhi).
« Deux biens sont pour nous aussi précieux que l’eau ou la lumière pour les arbres : la solitude et les échanges » (Christian Bobin).
« Il nous faudra sans doute, pour changer jusqu’aux tréfonds de nos consciences, laisser nos arrogances et apprendre avec simplicité les gestes qui nous relient aux évidences » (Pierre Rabhi).