L’action non-violente pendant la guerre

Du 20 au 23 octobre 2022, j’ai pris part à la Conférence internationale de Church and Peace à Crikvenica (en Croatie), qui a réuni plus de 100 participant.e.s d’une vingtaine de pays : l’occasion d’apprendre des artisan.e.s de la paix de la région des pays des Balkans de l’Ouest et de l’Europe du Sud-Est. Tous et toutes, chrétien.ne.s et musulman.e.s, ont l’expérience de l’action non-violente pendant la guerre ainsi que dans le travail de réconciliation de l’après-guerre, qui est encore nécessaire 25 ans plus tard pour empêcher une nouvelle guerre : « Si vous regardez la guerre à partir du début, la résistance militaire semble plausible, cela semble une solution possible. Si vous la regardez à partir de la fin, la « solution militaire » est un désastre. Nous avons vraiment l’expérience de ce que signifie la guerre. Dans une guerre, il n’y a jamais de « gagnants » ».

La conférence a souligné que la guerre en Ukraine ne peut pas servir de preuve pour l’inefficacité de la non-violence, car une politique cohérente de sécurité occidentale réellement non-violente n’a pas encore été développée.

La Bible rapporte que Noé a envoyé la colombe et qu’elle n’est revenue que la deuxième fois avec un rameau d’olivier, signe de l’espoir d’un nouveau départ. La colombe n’apporte pas encore de rameau d’olivier ! Nous espérons, prions et ne nous laissons pas décourager en mettant notre confiance dans le Dieu de paix.

Ce sont là des morceaux choisis extraits du communiqué de presse, disponible en entier ici :

https://www.church-and-peace.org/wp-content/uploads/2022/10/PM-Conference-26102022.pdf

J’ajoute que le Pouvoir allemand ne cesse d’augmenter son budget militaire. Les prochaines années, ce pays compte investir plus de 2 % de son PIB dans sa défense. Il a créé un fonds spécial d’un montant de 100 milliards d’euros pour équiper davantage son armée.  De nombreuses Forces vives de la société civile plaident pour que 10 % de ces augmentations de budget aille aux formations dans lesquelles les citoyens apprennent comment une défense civile non-violente, basée sur la non-coopération du plus grand nombre, peut être d’une efficacité redoutable.

Voici le lien pour accéder à un livre numérisé, écrit début des années 70, sur la pertinence de la défense civile non-violente. Son argumentaire est solide, les pieds bien sur terre, avec notamment plusieurs exemples historiques de résistance non-violente efficace pendant l’occupation nazie en Europe, début des années 40 :

https://fr.wikibooks.org/wiki/Arm%C3%A9e_ou_d%C3%A9fense_civile_non-violente_%3F.

Extraits : Le Major Stephen King-Hall, officier supérieur anglais, préconise dans son livre « Defence in the nuclear age »[25] la renonciation à l’armement nucléaire et la création d’un système de défense fondé sur la non-violence.

En 1964, Alastair Buchan, directeur de l’institut des Études Stratégiques de Londres, écrivait : « Puisque les stratégies directes classiques pour protéger l’intégrité des nations perdent de leur réalité avec le développement d’armes capables de détruire des civilisations, et puisque les vieilles stratégies défensives sont devenues complètement démodées, à cause des découvertes techniques, il est essentiel que nous accordions une attention de plus en plus grande aux stratégies indirectes pour préserver nos sociétés de la domination ou de l’autorité étrangère ».

« Il est possible en effet, que ce soit dans des concepts comme celui de la défense non-violente que réside la clé de la sauvegarde de la société, dans un monde qui contient tellement de formes explosives de puissance que les armes vont devenir trop dangereuses pour être employées »[26].

Il faut lire également (voir annexe en fin de volume) la déclaration du stratège britannique Sir Basil Liddell Hart, sur la défense civile non-violente.

Le gouvernement suédois, d’autre part, a demandé à Adam Roberts, une étude très détaillée sur ce sujet. En Norvège enfin, les objecteurs de conscience sont officiellement initiés à la théorie et à la pratique de la défense non-violente.

L’heure est venue où les responsables politiques et les citoyens français doivent enfin prendre en considération ce mode de défense.

Pendant l’occupation militaire.

Une fois les troupes stabilisées, commencerait la deuxième phase de la résistance qui comporterait elle-même deux aspects : l’un défensif, l’autre offensif.

L’entraînement à la défense non-violente consisterait notamment, nous y reviendrons, à provoquer dans la population une prise de conscience très approfondie de ce qui doit être défendu.

La défense non-violente porte non pas, nous l’avons vu, sur des frontières territoriales, mais sur des frontières morales et politiques ; il s’agit de défendre la vie de la population et ses droits fondamentaux : droit à la liberté de parole et de réunion, droit de presse, de vote, de grève, mode de vie, croyances.

La tactique défensive consisterait donc à interdire à l’envahisseur toute atteinte aux droits de l’homme et à défendre pied à pied les libertés publiques. Un système de liaison et de transmission rapide devrait être organisé d’avance, de telle façon que la moindre atteinte aux droits de l’homme, la moindre arrestation soient immédiatement suivies de manifestations adaptées aux circonstances et destinées à informer à la fois l’ensemble de la population et les agents de la répression.

Une précision importante : ce système de liaison devrait être décentralisé au maximum de façon à interdire à l’envahisseur de le prendre en main (multiplication des émetteurs de radio, des imprimeries, des machines à polycopier, au fonctionnement desquels le plus grand nombre possible de gens devrait être initié).

Cette information, autant que faire se peut, s’effectuerait au grand jour, et le droit à l’information est de ceux qu’il faudrait défendre avec le plus d’intransigeance. Néanmoins, si les circonstances l’exigeaient, le recours à ces moyens d’information pourrait devenir clandestin (on sait l’importance des émetteurs clandestins durant la résistance tchécoslovaque et des « Samizdat », textes polycopiés circulant sous le manteau en U.R.S.S.).

Une population habituée à ne pas tolérer les atteintes aux droits des personnes et à réagir immédiatement, devient, pour un envahisseur ou un pouvoir dictatorial, un mur sur lequel sa violence se brise.

Le pire dictateur, en effet, quel que soit son mépris pour les droits de l’homme, ne peut, nous l’avons vu, se passer de la collaboration d’une bonne part de la population. Dès que cette collaboration lui manque, sa puissance est compromise et il est faux de dire qu’il peut tout se permettre.

Le pouvoir hitlérien était l’un des moins soucieux des droits de l’homme que l’histoire ait connu. Or, à plusieurs reprises, sur des points précis, ce pouvoir s’est brisé sur le refus d’obéissance de personnes ou de peuples désarmés qui lui refusaient leur collaboration. Et Hitler a dû reculer.

[Exemples1Debut]

Ainsi, le 1er septembre 1939, Hitler ordonne de tuer sur le territoire allemand tous les aliénés et les incurables. Ces exécutions se poursuivent jusqu’en 1941, malgré les diverses protestations émises en privé par certains évêques. Le 3 août 1941, Mgr Galen, évêque de Munster, décide de dénoncer publiquement ces meurtres. Son sermon, prononcé à l’église Saint-Lambert de Munster est distribué dans toute l’Allemagne et sur le front parmi les soldats. Plusieurs officiels proposent de faire supprimer Mgr Galen et Bormann acquiesce, mais Goebbels est d’un avis contraire : « Si quoi que ce soit était tenté contre l’évêque, il serait à craindre que la population de Munster ne doive être considérée comme perdue pour toute la durée de la guerre et que soit perdue à coup sûr la Westphalie tout entière ». Peu après le sermon, le programme d’euthanasie est officiellement arrêté et ne sera jamais repris[28].

En mars 1941, une conférence d’experts nazis décide la dissolution forcée des mariages inter-raciaux : le conjoint juif sera déporté. En février 1943, lors de la déportation des derniers Juifs allemands, la Gestapo s’empare de plusieurs milliers de chrétiens d’origine juive. Le 17 février à Berlin, la Gestapo en arrête environ 6.000. Mais alors se produit une chose inattendue : les épouses aryennes suivent leurs maris jusqu’au lieu de détention provisoire et les réclament pendant des heures en hurlant : le secret du mécanisme de destruction étant menacé, la Gestapo cède et les israélites mariés à des chrétiennes sont relâchés[29].

Au Danemark, le refus de collaboration du peuple danois et de son roi, s’il ne put empêcher la persécution contre les Juifs, la retarda considérablement et en limita les conséquences. Dès que les Allemands ordonnèrent aux Juifs de porter l’étoile jaune, le roi Christian X poussa les Danois à se solidariser avec les Juifs. Lorsque la menace se précisa, les Danois aidèrent les familles menacées à fuir en Suède. Grâce à la non-coopération de ce peuple désarmé, le génocide nazi fut beaucoup moins ressenti au Danemark que dans les autres pays occupés. Sur plus de 7.800 Juifs danois, écrit Hannah Arendt, la police allemande ne put arrêter que 477 personnes. L’effet de la résistance non-violente sur les responsables nazis les amena à demander eux-mêmes que les Juifs danois soient envoyés dans un ghetto relativement privilégié : celui de Theresienstadt en Tchécoslovaquie. Or, là encore, les Juifs danois « jouissaient plus que tout autre groupe, de privilèges spéciaux parce que les institutions et des particuliers danois ne cessaient de s’enquérir de leur sort ». Quarante-huit d’entre eux moururent chiffre relativement bas étant donné l’âge moyen de ce groupe. Lors de son procès, Eichmann opina, après avoir mûrement réfléchi, que, « pour différentes raisons, les opérations projetées à l’endroit des Juifs du Danemark avaient échoué ».

Il enregistra un échec semblable en Bulgarie où la population et les autorités prirent ouvertement le parti des Juifs. Dans ce pays, raconte Hannah Arendt, le résultat fut encore plus spectaculaire : malgré les efforts des nazis, aucun Juif ne fut déporté, aucun ne mourut de cause autre que naturelle.

En Norvège, enfin, s’est déroulée une des plus remarquables actions de résistance non-violente pour sauver une institution fondamentale : l’école.

En février 1942, alors que la Norvège est occupée depuis près de deux ans, Vidkun Quisling, homme de confiance des nazis, devient chef du gouvernement. Il décide de fonder un État corporatif qui aurait eu pour base le corps enseignant et un mouvement de jeunesse semblable aux jeunesses hitlériennes. Tous les enseignants doivent devenir membres d’un nouveau syndicat dirigé par la Hird, Gestapo norvégienne.

Le 20 février, à la demande des leaders de la résistance, de 8 à 10.000 professeurs sur 11.000 envoient une lettre par laquelle ils refusent d’adhérer à cette nouvelle organisation des enseignants. Quatre jours plus tard, les évêques, par solidarité, démissionnent de leurs fonctions officielles et 150 professeurs d’Université protestent contre le nouveau mouvement de jeunesse.

La répression s’abat alors : 1.300 professeurs sont arrêtés et déportés dans un camp de concentration, à 200 kilomètres au nord d’Oslo ; quelques semaines plus tard, la moitié d’entre eux est envoyée à l’extrême nord de la Norvège, à 400 kilomètres au-delà du cercle polaire arctique. Mais, pendant ce temps, un réseau de solidarité soutient leurs familles, et les professeurs demeurés en liberté continuent à refuser d’adhérer à l’organisation créée par le gouvernement.

Finalement, au bout de huit mois, Quisling, sur l’ordre d’Hitler, s’avoue battu et libère les professeurs déportés : « Vous les professeurs vous avez tout ruiné pour moi », devait-il reconnaître.

[Exemples1Fin]

Ces quatre exemples de résistance non-violente face au système le plus dictatorial que l’Europe ait jamais connu, montrent que cette forme de défense donne aux populations un réel pouvoir face aux adversaires les plus décidés. Et pourtant, dans ces quatre cas, la résistance non-violente a été improvisée, la population n’y ayant été nullement préparée. Si un peuple consacrait à la préparation de la résistance non-violente le dixième des efforts et des ressources que l’on réserve à la défense militaire, il serait, presque sans aucun doute, beaucoup mieux défendu que par un système de défense armée[30].

Le stratège britannique Sir Basil Liddell Hart rapporte d’ailleurs à ce sujet le témoignage de généraux allemands qu’il a eu l’occasion d’interroger après la deuxième guerre mondiale : « Leur témoignage, écrit-il, tendait à montrer que les formes de résistance violente n’avaient été efficaces au point de leur causer des difficultés que dans les régions désertiques ou montagneuses, comme en Russie ou dans les Balkans. Leur témoignage montrait aussi l’efficacité de la résistance non-violente… Il apparaissait encore plus clairement qu’ils avaient été incapables d’y faire face, ils étaient des experts de la violence entraînés à affronter des adversaires qui utiliseraient la violence. Devant d’autres formes de résistance, ils s’étaient trouvés déconcertés, d’autant plus que les méthodes employées gardaient un caractère subtil et caché. Ils étaient soulagés en voyant la résistance devenir violente »[31].

Ajoutons qu’en cas d’extrême péril (tentative de déportation massive par exemple) la défense non-violente n’interdirait pas de recourir à des actes de sabotage non meurtrier, réalisés de telle façon qu’ils paralysent les moyens de transport sans donner aux soldats d’occupation le sentiment d’une menace contre leur personne.

La tactique non-violente, toutefois, n’est pas seulement défensive. Elle comporte aussi un aspect offensif.

La stratégie défensive militaire, qui consiste à répondre par la violence armée aux troupes d’invasion, renforce par l’instinct de conservation qu’elle exacerbe en elles, la chaîne hiérarchique qui unit ces troupes à leur gouvernement. Elle cimente, en quelque sorte l’union entre l’armée et l’État agresseur et également entre l’armée, l’État et la population du pays agresseur. Ainsi, les bombardements de villes ouvertes provoquent une terreur qui, loin de couper la population de son gouvernement, l’en rapproche. Elle voit alors en lui sa seule protection.

La tactique non-violente, au contraire, consiste à affaiblir la liaison entre l’État agresseur et les individus qui composent son armée en privant cette liaison du ciment de la peur, il s’agit de faire prendre conscience aux militaires de l’État adverse qu’ils ne courent aucun risque en tant que personnes, qu’il ne leur sera fait aucun mal, mais qu’on leur opposera systématiquement le plus ferme des refus d’obéissance toutes les fois qu’ils agiront en tant qu’agents de l’État qui les envoie.

Cette attitude a un véritable pouvoir corrosif. La population envahie devient, pour le moral des troupes, un bain d’acide dans lequel aucun gouvernement ne peut se permettre de faire tremper plus longtemps son armée de peur d’ennuis sérieux au moment du retour des soldats dans leur pays.

[Exemples2Debut]

Ainsi, lors de l’invasion de la Tchécoslovaquie, les États du pacte de Varsovie ont dû rapatrier des troupes complètement démoralisées par la résistance non-violente à laquelle elles s’étaient heurtées.

Mais c’est au Danemark que les effets de la résistance non-violente sur les Allemands eux-mêmes furent les plus stupéfiants. En août 1943, Himmler décide de s’attaquer au « problème juif » dont la solution attendait, selon lui, depuis longtemps. Mais, écrit Hannah Arendt, « ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que les responsables allemands qui habitaient le Danemark depuis des années n’étaient plus les mêmes ! Le général Von Hannecker, chef militaire de la région, refusa de mettre ses troupes à la disposition du plénipotentiaire du Reich, le Dr Werner Best ; à plusieurs reprises les unités spéciales de S.S. affectées au Danemark, les Einsatz Kommando, protestèrent contre les « ordres des agences centrales » selon le témoignage de Best à Nuremberg. Quant à Best lui-même, on ne pouvait plus lui faire confiance, encore qu’à Berlin on ne sut jamais à quel point il était devenu « irresponsable ». Le service d’Eichmann expédia au Danemark un de ses meilleurs hommes, Rolf Günther, que personne ne pouvait accuser de manquer de « dureté sans pitié », Günther ne fit aucune impression sur ses collègues de Copenhague. Et voici que Hannecker refusait même de décréter que les Juifs pointent lorsqu’ils allaient au travail ! Best se rendit à Berlin et obtint la promesse que tous les Juifs du Danemark, quelle que fut leur catégorie, seraient déportés à Theresienstadt[32].

Du point de vue nazi, c’était là une concession de taille.

L’on décida que les Juifs seraient capturés et aussitôt évacués dans la nuit du 1er octobre. Dans le port les bateaux étaient prêts. Comme on ne pouvait compter ni sur les Danois, ni sur les Juifs, ni sur les troupes allemandes affectées au Danemark, il fallut importer des unités de police d’Allemagne pour procéder à la recherche des Juifs, maison par maison.

Au dernier moment Best informe ces policiers qu’ils n’avaient pas le droit de défoncer les portes, parce que la police danoise pourrait alors intervenir. Or les deux polices ne devaient pas s’affronter. Les policiers allemands ne pouvaient donc capturer que les Juifs qui les laissaient entrer de plein gré. Sur un total de plus de 7.800 Juifs, la police allemande trouva très exactement 477 personnes chez elles et prêtes à ouvrir leur porte.

C’est que quelques jours avant la date fatidique, un agent de transport allemand Georg F. Duckwitz, probablement renseigné par Best lui-même, avait révélé tous les projets allemands à des fonctionnaires danois (…) Politiquement et psychologiquement l’aspect le plus intéressant de cet incident est le comportement des autorités allemandes affectées au Danemark, il est évident qu’elles ont saboté les ordres de Berlin.

[Exemples2Fin]

Autant que nous le sachions, poursuit Hannah Arendt, c’est l’unique occasion qu’eurent les nazis d’apprécier la résistance déclarée des populations autochtones. Et il semble que ceux des nazis qui l’ont constatée aient simplement changé d’avis ; qu’eux-mêmes en soient venus à croire que l’extermination d’un peuple entier n’allait pas de soi. Rencontrant une résistance de principe, leur « dureté » fondit comme beurre au soleil et certains nazis eurent même quelques velléités de courage authentique »[33].

Or, là encore, la résistance non-violente était improvisée par des populations qui n’y étaient nullement préparées.

On peut légitimement penser qu’un peuple aguerri à la pratique de la non-violence constituerait un danger redoutable pour le moral d’une armée d’invasion, il serait en tout cas très risqué d’ordonner à celle-ci une répression féroce.

Mais le but de l’action non-violente est précisément d’obliger l’adversaire soit à réprimer, soit à laisser faire. S’il laisse faire, il se ridiculise et paraît faire preuve de faiblesse. S’il veut réprimer, il se heurte à une population déterminée dans sa désobéissance et devra avoir recours à un nombre important de militaires et de policiers dont le contrôle idéologique sera d’autant plus difficile qu’ils seront en contact constant avec une population amicale, toujours prête au dialogue en même temps que fermement déterminée dans son refus d’obéissance.

En somme, la population doit garder l’initiative et obliger l’adversaire à employer la menace tout en le rendant incapable de la mettre en pratique.

S’il est vrai que l’action non-violente exige parfois de l’héroïsme, il serait faux d’en conclure qu’elle n’est pratiquement accessible qu’à une minorité.

Il existe, en effet, divers degrés dans la lutte non-violente. Certaines formes d’action ne peuvent efficacement être employées que par des groupes entraînés à aller jusqu’au bout. Ce sont les actions d’intervention ou de non-coopération qui supposent une confrontation directe avec l’adversaire ou qui comportent un risque sérieux pour ceux qui les exécutent (sit-in, obstruction. grève de la faim, contrôle ouvrier, sabotages non meurtriers qui peuvent être associés à la résistance non-violente dans les cas d’extrême péril).

Mais l’action non-violente comporte toute une gamme d’actions très efficaces et dont certaines sont en grande partie anonymes.

Ainsi le « hartal », journée de grève générale où toute la population est invitée à déserter les lieux de travail, les rues, les lieux de distraction, et à rester chez elle ; le renvoi de titres et de décorations, geste essentiellement symbolique ; le boycott, par lequel le pouvoir d’achat des consommateurs devient un véritable pouvoir social qui s’oppose au pouvoir de l’adversaire ; le refus collectif, total ou partiel, de l’impôt.

Sont également accessibles à tous, bien des formes de protestation civile dont le caractère est en général symbolique, mais qui ont pour effet d’entretenir la volonté de résistance de la population. Ainsi, les Norvégiens, au début de l’occupation allemande, exprimaient leur union contre l’occupant au moyen d’insignes qu’ils portaient jusqu’au moment où le gouvernement s’apercevait de leur signification. Les occupants se sont trouvés alors contraints de sévir contre le port d’agrafes à papier à la boutonnière. Cette répression les ridiculisait et renforçait la cohésion de la population.

Le risque majeur, dans une résistance de ce type, serait la provocation : attentats (ou pseudo-attentats) commis contre les troupes d’invasion ou contre la population, pour provoquer une révolte violente de celle-ci qui permettrait ensuite une répression impitoyable. Mais la résistance à la provocation fait partie des rudiments de la discipline non-violente.

Pour un citoyen initié à la non-violence, un attentat contre les troupes adverses est un acte de trahison qui pourrait être suivi de manifestations de deuil pour confirmer, dans l’esprit des soldats, le sentiment qu’ils ne sont nullement détestés en tant qu’hommes.

De même toute violence exercée sur la population serait suivie de manifestations de masse et surtout chacun devrait être bien conscient que même si la résistance non-violente devait coûter des vies humaines, ce qui ne peut être exclu, toute forme de résistance violente en coûterait bien davantage.

Certes une telle forme de résistance ne peut, ainsi d’ailleurs que la résistance militaire, être assurée d’un succès immédiat. Mais on voit mal comment elle pourrait avoir des résultats aussi catastrophiques que la défense armée. Les conséquences de l’échec apparent de la résistance non-violente en Tchécoslovaquie n’ont rien de comparable avec celles qu’auraient eues une résistance armée. Il ne s’agissait pourtant que d’une résistance improvisée. Or, dans ce pays, la suppression physique des adversaires du néo-stalinisme n’a pu avoir lieu ; la population est toujours hostile aux occupants, et il n’y a guère de doute que le « Printemps de Prague » refleurira un jour. Quant au colosse soviétique, il a été profondément ébranlé, la résistance des intellectuels est devenue plus vive malgré la répression, et le soutien des partis communistes des pays étrangers est devenu beaucoup moins inconditionnel.

De plus, comme le reconnaît Michel Tatu dans « Le Monde » (27 août 1973) « la forme de résistance non violente adoptée spontanément par la population aurait pu se prolonger beaucoup plus longtemps et conduire à une situation bien différente, si les dirigeants n’y avaient pas mis fin volontairement par une politique de collaboration synonyme de capitulation ». Si les six jours de résistance non-violente en Tchécoslovaquie ont suffi à mettre en difficulté l’État soviétique, on peut imaginer l’efficacité que pourrait avoir une résistance non-violente dûment préparée pendant des années, par une population maîtresse d’elle-même et consciente de ce qu’elle veut défendre.

Together to end an injustice

Women from a slum in Medellin, the capital of Colombia, repeatedly asked their mayor to extend the water pipes to their neighborhood. More than once, they received promises, but no action was ever taken.  One day, some of them who had taken a seminar on active non-violence led by Jean and Hildegard Goss called the women to a meeting.  They decided to intensify their struggle but in a non-violent way, that is to say by deciding explicitly, that whatever happens, they will exclude all means of violence which degrade the one who commits them as much as the one who undergoes them.

They formed groups of 10 women, each with her smallest child. The first group went to the central square of the city where a beautiful fountain was pouring out its abundant waters. They began to bathe their babies in the puddles beside the fountain.  When shocked middle-class women intervened, it allowed the group to explain to them the lack of clean water they were suffering from and the indifference of the authorities. The police took them to the station, but they were followed by a second group which did the same. The police had to come back to chase them away, and so it continued. In the fifth group, an angry policeman raised his baton to hit a woman but a well-to-do woman grabbed his arm stopping him, and said, « If your wife lived up there like these women, would you hit her? “

Following this incident, women from the middle and upper classes joined the women from the slums and they returned together to address the administration. A solution was found in which each side took a step towards the other. The many unemployed men from the slums dug the trenches and the municipality financed the water supply.

Extract from my article published on May 13, 2000, available at http://etiennechome.site/outils-pour-de-meilleures-relations-humaines/

article n° 6.

L’intelligente résistance de Solidarnosc

Extrait de mon livre Le nouveau paradigme de non-violence, p. 219 :

En Pologne, le KOR (Komitet Obrony Robotników, comité de défense des ouvriers) et le mouvement Solidarnosc ne sont pas tombés dans le piège des dirigeants soviétiques qui attendaient la violence du syndicat polonais et qui ont même cherché à la provoquer, pour légitimer l’envoi des chars massés à la frontière, ainsi chargés d’écraser la rébellion. Après le coup de force du général Jaruzelski, en décembre 1981, la presse officielle de la République populaire de Pologne a traité Lech Walesa et les militants de Solidarnosc de « terroristes », mais personne ne fut dupe sur l’origine de la terreur. Et tout l’art de la résistance a été de se battre dans une confrontation indirecte, en évitant les erreurs de l’insurrection de Budapest en 1956, spontanée et au grand jour. Dans les souterrains, pendant de longues années, il a fallu organiser la société civile, construire le pouvoir des citoyens, créer des solidarités, sans jamais offrir le moindre prétexte justifiant l’intervention des forces de l’ordre de la pax sovietica. « Si le pouvoir totalitaire est parfaitement armé pour briser toute révolte violente, il se trouve largement désemparé pour faire face à la résistance non-violente de tout un peuple qui s’est libéré de la peur. […] Ainsi donc, la non-violence dont les esprits doctrinaires professent qu’elle fait le jeu des régimes totalitaires, s’avère en réalité la mieux appropriée pour les combattre » (Muller Jean-Marie, La nouvelle donne de la paix, 1992). 

Inventer l’initiative permettant de sortir du conflit par le haut

Un samedi soir, je suis attablé avec trois de mes amis dans un estaminet. Au comptoir, chahutent des Marins de la US Navy, dégustant leur permission de sortie. L’un d’entre eux, particulièrement musclé, provoque des escarmouches. Il a manifestement besoin de se défouler. C’est clair qu’il a envie d’en découdre. Après une demi-heure, il vient vers nous et insulte nos mères belges, espérant une riposte couillue pour enfin lancer la bagarre. J’avais vu venir la provocation et j’étais très conscient qu’il ne fallait surtout pas me laisser emmener sur son aire de jeu, sur le terrain où il est le plus fort. Je me lève, entraînant mes amis ainsi que les autres fêtards de la taverne dans un chant populaire de chez nous et dans une farandole communicative qui intégra tous les Marins : une ronde endiablée, à la mode bien de chez nous !  

Elle me l’avait toudi promi
Une belle petite gayole
Une belle petite gayole
Elle me l’avait toudi promi
Une belle petite gayole
Pour mettre em’ canari

Troulala troulala, troulalalalaire.
Troulala, troulala, troula troulala.

M’canari quand toi toudi
Mon dieu que chu bé mi
Mon dieu que chu bé mi
M’canari quand toi toudis
Mon dieu que chu bé mi
Dans cette p’tite gayole ci

Troulala…

On dit qu’les Namurois sont lents
Mais quand ils sont dedans
Mais quand ils sont dedans
On dit qu’les Namurois sont lents
Mais quand ils sont dedans
Ils y sont pour longtemps

Troulala…

À votre santé. Dégustons ensemble,
sans laisser l’agresseur tirer profit de sa violence,
en inventant l’initiative qui permet de sortir du conflit par le haut !

Résister sans riposter, sans rendre coup pour coup

 « La vraie trahison est de suivre le monde comme il va et d’employer l’esprit à le justifier » (Jean Guéhenno).

Le vrai courage est de résister à l’envahisseur par d’autres moyens que les siens. « On vous a dit : Œil anti œil et dent anti dent. Moi, je dis : Ne vous anti-posez pas » (Mt 5,38-39a) ; ἀντιστῆναι / antistènai est un terme militaire : se placer en face pour lutter, se dresser contre, s’opposer à, comme deux fronts d’armées se faisant face. Moi, je vous dis de ne pas jouer le jeu du méchant, de ne pas le laisser vous enfermer dans ce face-à-face. Moi, je vous dis de résister mais sans riposter, sans rendre coup pour coup, sans utiliser les mêmes armes que celui qui vous fait du mal. Suivent en Mt 5,39b-41 trois exemples incisifs qui mélangent subtilement bon droit et abus de pouvoir. À chaque fois, Jésus propose une initiative déroutante qui retourne le système injuste contre lui-même, ce qui a pour effet de le subvertir de l’intérieur. Cocktail détonant  qui concilie amour des personnes ET fermeté de la justice ET dynamique d’une sortie Win-Win par le haut.

Pays sages, oyez, oyez…

Mobutu paya en monnaie de singe

À la fin de son règne, Mobutu Sese Seko faisait venir d’Ostende des avions remplis de ce nouveau billet de cinq millions de Zaïre, qu’il faisait descendre dans la population par toutes les personnes complices de son régime corrompu, notablement par la solde des militaires.  La population appelait ce nouveau billet « MOKOMBOSO », qui désigne en lingala un singe de la famille des chimpanzés. Un refus de masse a pu être organisé, notamment au départ à partir de petits groupes engagés dans la désobéissance civile non-violente. Ainsi, après s’être concertées, toutes les mamans d’un même marché adoptaient la même attitude, face aux militaires y venant acheter quelque chose avec ce nouveau billet de banque : « Mon fils, ce billet n’est pas valable, je n’en veux pas. Tiens, prends ces légumes sans payer cette fois, et reviens la prochaine fois avec d’autres moyens de paiement ». Touché dans sa conscience, le soldat revenait à la caserne et touchait à son tour la conscience de son supérieur, qui lui-même faisait remonter le refus de la population d’être payée en monnaie de singe…

Tendre l’autre joue, c’est aimer son prochain ET être lucide sur les injustices du système ET organiser une non-coopération collective mettant efficacement des bâtons dans les roues d’un point précis de ce système injuste.

Le réseau Church and Peace

En tant que membre du CA de Church and Peace, j’interviens dans la conférence internationale « Division. La guerre. Non-violence » qui se tiendra du 20 au 23 octobre à Crikvenica, en Croatie. Nous apprendrons les uns des autres, écouterons notamment les expériences des artisan∙e∙s de paix dans le pays et dans la région, Ce sera un espace pour nommer nos pistes de résolution des conflits, pour partager les expériences de succès ou d’échec et pour travailler à partir d’elles. Comment adhérer à la vision non-violente de l’Évangile dans les temps de guerre actuels ? 
Pour plus d’informations, voir :  www.church-and-peace.org/fr/2022/05/conference-internationale-2022-croatie

Réussir une mobilisation collective est un art qui s’apprend

En cliquant sur le lien ci-dessous, vous accéderez à l’article dans lequel je présente la méthode D-I-A-P-O-S, qui est la suite sociopolitique de la méthode C-R-I-T-E-R-E : après avoir appris à gérer mes conflits intérieurs et mes conflits interpersonnels, comment je peux contribuer efficacement à faire tomber les injustices sociétales ?

Bonne lecture !

Le cercle vicieux de la contre-violence

Au rayon des violences, il en est une particulièrement bien habillée. Elle s’appelle violence légitime, celle que nous pouvons justifier, celle que nous nous autorisons lorsque nous réagissons contre l’agression, celle que nous jugeons efficace et nécessaire pour établir la justice ou défendre la liberté. […] Recevant une gifle, je vais chercher spontanément à la rendre, en plus fort si possible. Cette “contre-violence” est une réaction instinctive. Mais elle enclenche un cercle vicieux : en me défendant par la violence, je deviens à mon tour agresseur. En restant dans le même registre, celui de la violence, je me laisse infecter par le mal contre lequel je réagis. Je veux combattre un mal, une injustice. Mais en me trompant de moyens, je suis ce médecin qui soigne une plaie avec des outils infectés par les mêmes microbes. Résultat : au lieu de réparer le mal, je le redouble, je le renforce un peu plus! Non seulement je rate mon but mais je corromps moi-même ma “juste cause”.

La logique de la violence est circulaire. La violence d’un jeune s’enracine dans celle de ses parents, de son milieu, et ainsi de suite. Et la violence devient fatalité, occasion idéale pour chacun de légitimer et justifier sa propre violence. Car, nous le savons, plus on laisse dégénérer la spirale de la violence, plus il est difficile de s’en sortir…

Notre violence s’enracine dans nos peurs de l’autre. Martin Luther King a parlé avec clarté de la “spirale de la violence” : peur => violence  => haine. Ainsi, dans l’insécurité grandissante de leur quartier, à Philadelphia, aux USA, beaucoup de personnes se sont procurées des armes, pour se sentir plus en sécurité. Mais les études de sociologie ont montré que c’est en fait le contraire qui s’est produit. Les gens se sont enfermés dans une psychose collective de peur, jusqu’à ce drame malheureux du père de famille croyant abattre un cambrioleur en pleine nuit et tuant en fait son fils, qui s’était lever pour boire un verre d’eau à la cuisine.

Martin Luther King a dit : “L’ultime faiblesse de la violence est qu’elle est une spirale descendante, engendrant la chose même qu’elle cherche à détruire. Au lieu de diminuer le mal, elle le multiplie. Par la violence, vous tuez le haineux, mais vous ne tuez pas la haine. En réalité, la violence ne fait qu’augmenter la haine… La contre-violence multiplie la violence, ajoutant une plus grande obscurité à une nuit déjà dépourvue d’étoiles. L’obscurité ne peut chasser l’obscurité; seule la lumière le peut. La haine ne peut éliminer la haine; seul l’amour le peut” (extraits d’Étienne Chomé, Le cercle vicieux de la contre-violence, article paru à l’île Maurice le 11 février 2000 et repris complètement ici, au n° 4 :

http://etiennechome.site/outils-pour-de-meilleures-relations-humaines/.

La pensée de René Girard sur la spécificité de la mort sacrificielle de Jésus

Chapitre extrait de Chomé Étienne, Violence et Bible, 2015.

Jésus démystifie et démythifie la violence sacrificielle, que Satan fait passer pour fondatrice de l’ordre social.          La pensée de René Girard

Les grands prêtres et les Pharisiens tinrent conseil (Jn 11,47). Caïphe, le Grand Prêtre cette année-là (Jn 11,49) prit solennellement la parole : « Il vaut mieux qu’un seul homme meure plutôt que de laisser périr toute la nation » (Jn 11,50). Ils décidèrent alors de mettre à mort Jésus pour que la paix et l’ordre reviennent dans la communauté (Jn 11,52-53). Ces versets ont particulièrement résonné chez René Girard, qui a consacré sa vie à étudier ce qui fait passer un groupe de la crise de tous contre tous à un « tous contre un » : « Ce que les hommes peuvent faire de mieux dans l’ordre de la non-violence, c’est l’unanimité moins un de la victime émissaire[1]. » Pour saisir la spécificité de la mort sacrificielle de Jésus, il convient d’abord d’exposer brièvement la théorie de Girard, qui offre un puissant modèle de compréhension de la violence et du sacré, à partir d’un point de vue anthropologique.

§ 1 : Dans les mythes et les religions, la violence sur le bouc émissaire fonde la paix sociale, les sacrifices célèbrent l’unité retrouvée

Dès le début des années 1960, dans ses premières études comparées en littérature occidentale, Girard avance l’hypothèse que la violence s’origine dans la rivalité mimétique[2] : « le désordre et la violence sont la même chose que la perte des différences[3]». On se dispute un même objet mais, en réalité, on ne désire que ce que l’autre désire. Ce désir mimétique, imitation du désir du rival, est un faussaire déguisé en promesse de bonheur. Girard étudie ensuite les cultures non occidentales et les cultures archaïques ; il y retrouve les mêmes mécanismes de mimétisme, à la base des conflits humains[4]. Il formule sa théorie du bouc émissaire, dans La Violence et le sacré (1972) et dans Des choses cachées depuis la fondation du monde (1978). L’ordre social est fondé sur la différence : chacun, dans la société, tient une place et un rôle. Le désir mimétique crée l’« indifférenciation » des rôles et met le groupe en crise. La violence menace de le détruire, dès lors que le conflit mimétique se transforme en antagonisme généralisé, en « guerre de tous contre tous », pour reprendre le slogan de Hobbes. Or, les sociétés archaïques ont produit, avec une étonnante constance, des récits mythiques de fondation qui s’achèvent par un « lynchage originel ». Plus tard, des tragédies grecques mettent en scène un sacrifice humain. À chaque fois, leur fonction, nous dit Girard, est de canaliser la violence, en focalisant les haines sur la victime. Elle devient le réceptacle de toutes les frustrations puis l’exutoire des démons qui affectent les membres du groupe. C’est parce qu’ils se compromettent ensemble dans la mise à mort d’un tel innocent sans défense que le processus a l’exceptionnelle vertu de mettre fin au cycle infernal des vengeances, refaire l’unité du groupe et rétablir l’ordre social.

Girard s’intéresse particulièrement au mode de désignation du bouc émissaire, qui porte systématiquement une différence. Pour l’essentiel, retenons que plus la victime est désignée de manière divine et aussi plus le groupe la croit coupable, meilleure sera la catharsis, la purgation des passions et aussi plus la faute est renvoyée dans le domaine du sacré. Le soulagement soudain et surprenant que procure le lynchage confirme que la victime désignée était bel et bien coupable, qu’elle avait mérité son exécution ; et, en même temps, ce soulagement invite à l’honorer pour le miracle de la paix retrouvée. On en fait un héros ou un dieu ; elle devient sacrée. Girard y voit la genèse du religieux archaïque : le sacrifice rituel régulier de nouvelles victimes humaines ou animales est l’occasion pour la communauté de rejouer la sortie de crise fondatrice. Les rites religieux sont la répétition de l’événement originaire ainsi que du mythe qui en fait le récit. Le sacré est dépositaire du pouvoir prodigieux de déchaîner la crise comme de ramener la paix. Les interdits religieux ont pour rôle d’empêcher le retour de la crise mimétique. Est interdit par exemple l’accès aux objets à l’origine des conflits qui ont dégénérés en violence. Le titre de son ouvrage de 1972 La Violence et le sacré souligne le lien structural que le sacré entretient avec la violence : « le jeu du sacré et celui de la violence ne font qu’un ». Le mot « sacrifice » (sacri-facere : faire sacré) dit bien son rôle : sacraliser le mécanisme du bouc émissaire. Le sacrifice religieux transfigure la violence indifférenciatrice en sacré, c’est-à-dire en violence différenciatrice, laquelle alors instaure un nouvel ordre culturel. La violence joue ainsi, d’après Girard, un rôle déterminant aux origines de la culture. La violence peut détruire le groupe mais elle peut aussi le sauver, une fois qu’au paroxysme de la crise intervient le processus sacrificiel salvateur. Une fois ritualisé, celui-ci offre l’expulsion en toute innocence de la violence par la violence, au moyen d’institutions religieuses qui l’encadrent solidement. Girard pense que la violence victimaire était pour les sociétés archaïques une étape nécessaire dans l’apprentissage de la vie en société, avant l’apparition d’un appareil judiciaire dépersonnalisé et dépolarisant. La religion, en tant qu’art de célébrer l’unité du groupe, est l’invention d’un mode de gestion des conflits, d’un mécanisme de régulation et de limitation de la violence. Elle est un puissant outil de cohésion sociale, le sacrifice religieux étant la solution la moins violente de sortie de crise. « Si la pensée religieuse primitive se trompe quand elle divinise la violence, elle ne se trompe pas quand elle refuse d’attribuer au vouloir des hommes le principe de l’unité sociale […]. Le religieux, même le plus grossier, détient une vérité qui échappe à tous les courants de la pensée non religieuse[5]. »

§ 2 : La Passion de l’Innocent met à nu l’œuvre de Satan.
Sa Résurrection nous sauve de son emprise et du cycle infernal des violences

La clé de lecture fondamentale de Girard semble s’appliquer à merveille au tragique destin de Jésus : la victime-dieu a été lynchée par la foule et ce sacrifice originel engendre un nouvel ordre culturel et religieux : le christianisme. L’événement est remémoré dans le rite de l’Eucharistie qui actualise l’unique sacrifice du Christ. Mais, à y regarder de plus près, Jésus n’est pas une victime comme les autres. Il s’est avancé de plein gré, marchant résolument jusqu’à Jérusalem, sans fuir cette épreuve. Il est libre et exprime une conscience aigüe des enjeux et de la portée de son geste : « Ma vie, nul ne la prend, mais c’est moi qui la donne » (Jn 10,18), par amour, dans une rupture radicale avec toute violence et toute haine. Or, dans le mécanisme traditionnel que Girard pense déceler partout, personne n’est conscient ni responsable, pas même le bouc émissaire. Il y a « mécanisme » précisément parce que le processus ne dépend de personne et qu’il découle de la fascination mimétique elle-même.

Autre différence : Tous sont d’habitude unanimes sur la culpabilité de la victime, tandis que, dans l’affaire « Jésus », personne n’est dupe : l’accusé est d’une exceptionnelle innocence[6]. Et c’est ainsi que la crucifixion de l’Innocent avec un grand I enraie le mécanisme : la violence sacrificielle y apparaît dans toute son horreur, sa légitimation en sort radicalement ébranlée. « Représenter la violence collective de façon exacte, comme le font les Évangiles, c’est lui refuser la valeur religieuse positive que lui accordent les mythes, c’est la contempler dans son horreur purement humaine, moralement coupable[7]. » « Entre le sacrifice du Christ et le sacrifice archaïque, la distance est si grande qu’on ne peut pas en imaginer de plus grande […]. Ce n’est pas pour jouer le jeu sacrificiel que le Christ se voue au sacrifice, c’est pour y mettre fin à la façon dont la théorie mimétique permet de l’appréhender[8]. »

Pour Girard, « Satan ne fait qu’un avec les mécanismes circulaires de la violence, avec l’emprisonnement des hommes dans les systèmes culturels ou philosophiques qui assurent leurs modus vivendi avec la violence[9] ». De même que le serpent était derrière Ève dans l’Eden, de même le père du mensonge se cache derrière la violence fondatrice de la paix mondaine. Il est l’auteur premier de l’ordre sacrificiel sur lequel repose l’équilibre des sociétés. C’est sur l’autel de la violence sacrificielle qu’il obtient des êtres humains la plus sacrée des allégeances et qu’il inféode leurs cultures jusque dans leurs fondements : l’idéologie de la violence légitime et nécessaire les tient captifs et aveugles depuis la fondation du monde. Or, « c’est pour détruire les œuvres du diable que s’est manifesté le Fils de Dieu » (1Jn 3,8). Sur la croix, est mis à nu son mensonge fondamental : sortir de la violence par la violence n’est pas rédempteur. Par sa non-violence active jusque dans sa Passion, le Christ démasque au grand jour l’entourloupe diabolique : en vérité, rédemption et violence sont des antipodes[10].

« On lit dans l’Écriture : « Voici que je pose en Sion une pierre angulaire, une pierre choisie et de grande valeur. […] La pierre éliminée par les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle »,
une pierre sur laquelle on bute, un rocher qui fait tomber » (1Pierre 2, 6-7). À ses disciples, Jésus avait enseigné « le savoir de la violence et de ses œuvres[11] », afin qu’ils sortent de son emprise. L’évangéliste Matthieu précise que « Jésus ne disait rien aux foules sans paraboles, afin que s’accomplisse ce qui avait été dit par le prophète : J’ouvrirai la bouche pour dire des paraboles, je proclamerai des choses cachées depuis la fondation du monde » (Mt 13,34-35). La plus importante des choses cachées que Jésus dévoile concerne la fondation de l’ordre du monde sur le meurtre et il fournit l’antidote par une radicale non-violence : lui qui est vrai Homme et vrai Dieu, il offre sa vie par amour pour tous, dans une parfaite obéissance à son Père, dans une totale confiance filiale. Les évangiles synoptiques répètent les annonces qu’il allait souffrir et mourir. En voici la première chez Marc : « Il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit mis à mort et que, trois jours après, il ressuscite. Il tenait ouvertement ce langage. Pierre, le tirant à part, se mit à le réprimander. Mais lui, se retournant et voyant ses disciples, réprimanda Pierre ; il lui dit : « Retire-toi ! Derrière moi, Satan, car tes vues ne sont pas celles de Dieu, mais celles des hommes ». Puis il fit venir la foule avec ses disciples et il leur dit : « Si quelqu’un veut venir à ma suite, qu’il se renie lui-même et prenne sa croix, et qu’il me suive ». En effet, qui veut sauver sa vie, la perdra ; mais qui perdra sa vie à cause de moi et de l’Évangile, la sauvera. Et quel avantage l’homme a-t-il à gagner le monde entier, s’il le paie de sa vie ? Que pourrait donner l’homme qui ait la valeur de sa vie ? » (Mc 8,31-37). Dans le régime traditionnel, sous la coupe de Satan, le groupe sacrifie l’innocent. Dans le salut apporté par Jésus, le sacrifice devient don de sa propre vie par amour des autres du groupe. Le premier nous amène à prendre la vie, le deuxième à donner la vie. Jésus avait longuement préparé ses disciples à cette révolution. Il avait pris du temps pour qu’ils comprennent que sa Passion, échec apparent, fait échouer en réalité l’emprise de Satan sur chaque vie humaine[12]. « Tout est accompli » (Jean 19,30) dans le mystère pascal, sur le mont Golgotha. Le vaccin contre la violence est fabriqué et inoculé dans l’humanité pendant ce passage de la vie à la mort et de la mort à la Vie. Les œuvres de Satan y perdent leur pouvoir mortel (1Jn 3,8). Le dard de la mort est enlevé. Voilà pourquoi l’Histoire bascule à partir de là. Le jeu diabolique au cœur du sacré est désormais connu et peut être déjoué, sa mascarade entretenue par les mythologies magico-religieuses est éventée.

Le soir de son arrestation, au mont des Oliviers, Jésus dit aux « grands prêtres, chefs des gardes du temple et anciens » : « Quand j’étais avec vous chaque jour dans le temple, vous n’avez pas mis la main sur moi ; mais c’est maintenant votre heure, c’est le pouvoir des ténèbres » (Lc 22,53) [13]. Et à Golgotha, ce fut « l’heure des ténèbres » (Mt 27,45 ; Mc 15,33 ; Lc 23,44). Jean le dit ainsi : « C’est maintenant le jugement de ce monde, maintenant le prince de ce monde va être jeté dehors » (Jn 12,31). « Jésus leur répondit : « La lumière est encore parmi vous pour un peu de temps. Marchez pendant que vous avez la lumière, pour que les ténèbres ne s’emparent pas de vous : car celui qui marche dans les ténèbres ne sait où il va » (Jn 12,35). « Moi, la lumière, je suis venu dans le monde, afin que quiconque croit en moi ne demeure pas dans les ténèbres » (Jn 12,46). « Le Paraclet, par sa venue, confondra le monde en matière de péché, de justice et de jugement (Jn 16,8). « En matière de jugement : le prince de ce monde a été jugé » (Jn 16,11). « Lorsque viendra l’Esprit de vérité, il vous fera accéder à la vérité tout entière » (Jn 16,13). La lumière du Messie crucifié et ressuscité révèle par contraste toutes les sombres violences qui maculent la fenêtre du monde. Dans le regard johannique, à la fin des temps, plutôt qu’un « Grand Soir », son jugement sera un grand matin, la levée du jour qui efface la nuit. Sa lumière fera voir la consistance des œuvres bonnes et éblouira ceux qui resteront accrochés aux zones de ténèbres. En attendant la Parousie, voilà deux mille ans que le germe de la destruction du système sacrificiel devient progressivement un arbre…

« En Jésus Christ, vous qui jadis étiez loin, vous avez été rendus proches par le sang du Christ. C’est lui, en effet, qui est notre paix : de ce qui était divisé, il a fait une unité. Dans sa chair, il a détruit le mur de séparation : la haine » (Eph 2,13-14). « Le Christ, nous dit Edouard Herr, en paraphrasant Saint Paul, libère ainsi l’humanité de la haine et de ses divisions et permet de réconcilier l’humanité en lui. […] Non seulement il y a dévoilement, mais il y a salut, libération et réconciliation qui éclatent dans la résurrection. L’homme est destiné à la filiation divine. Or la violence consiste à refuser ce statut de « créature-filiation » et à vivre, soit comme esclave, impuissant, soit comme maître, tout-puissant. La libération se trouve dans la conversion à la condition de fils et de filles, cette conversion rend la violence impossible. Ou, si l’on traduit en termes philosophiques : il y a dépassement de la dialectique maître-esclave, et de la polarité violente entre toute-puissance et impuissance[14]. »

§ 3 : Le Dieu de Jésus-Christ est du côté de la victime
et le christianisme est la religion de la sortie de la religion

Girard tient l’inversion du rapport d’innocence et de culpabilité entre victimes et bourreaux comme la pierre d’angle de l’inspiration biblique[15]. Cette attitude nouvelle atteint son sommet dans les textes chrétiens qui donnent le point de vue de la victime et non plus celui des persécuteurs. « Le rapport entre Dieu et l’homme, écrit André Dumas, est un rapport conflictuel, non pas d’entente préalable, mais de mise à mort préliminaire. […] Il s’agit d’une violence que Dieu se laisse infliger au lieu de l’infliger à l’homme. […] Il y a renversement, retournement de la violence coupable à la violence infligée à l’innocent. Elle est une violence non pas commise mais soumise. Si le juge devient la victime, le procès de la violence répercute sur celui qui détient l’autorité. Mais ce retournement fondamental ne supprime pas la réalité de la violence qui, dans l’inversion de ses effets, conserve l’évidence de sa réalité. Ainsi la christologie ne nie pas la violence, mais elle la rend terriblement manifeste[16]. »

Devant ce Dieu de Jésus-Christ qui se place du côté de la victime, meurent sur la croix le dieu violent que servent les sacrifices humains et le modèle du Dieu-César tout-puissant. Girard l’exprime en refrain dans Les choses cachées depuis la création du monde : « ce Dieu étranger à toute vengeance est désireux de voir les hommes renoncer à la vengeance » (p. 206), « l’idée d’une violence divine n’a aucune place dans l’inspiration évangélique » (p. 213), « les dieux de la violence sont démonétisés » (p. 218) ; « c’est l’élimination complète pour la première fois du sacrificiel, c’est la fin de la violence divine » (p. 223-224). Jésus ne fuit pas la mort mais il « n’obéit pas à une exigence incompréhensible de sacrifice, il s’agit de mourir parce que continuer à vivre signifierait la soumission à la violence » (p. 237).

Voilà pourquoi Girard considère les Évangiles comme les textes les plus subversifs de l’Histoire. « Le dernier souffle du mourant devient le souffle animateur de la nouvelle création[17]. » En Jésus-Christ, se produit une rupture fondamentale avec les religions que les humains ont produites en tous temps et en tous lieux. Le christianisme est la religion de la sortie de la religion, comme dit Marcel Gauchet[18]. Il a été le moteur historique de la sécularisation du monde, en particulier de la sécularisation de la violence et aussi de l’émergence d’une gestion des conflits qui soit non-violente et profane. Cette laïcité s’enracine dans cette révolution en Jésus-Christ, vrai Homme et vrai Dieu, comme le formule bien Edouard Herr : « L’Incarnation du Verbe (vrai Dieu) suscite, au lieu d’abolir, l’autonomie de l’homme (l’homme véritable) et ouvre à l’humanité tous ses domaines d’action, notamment le politique. Être chrétien ne supprime pas l’appartenance politique, mais au contraire en provoque la nécessité. La violence est atteinte à l’homme comme liberté incarnée, et donc la christologie qui révèle que Dieu s’unit à l’humanité pour amener celle-ci à sa pleine liberté, est radicalement opposée à la violence. Dieu veut l’homme debout, l’homme libre et responsable dans l’ensemble de ses champs d’action. » Les travaux de Jean Rigal approfondissent ce sillon : Jésus de Nazareth a accompli une véritable révolution religieuse, en ouvrant aux hommes une autre voie d’accès à Dieu que celle du sacré religieux, à savoir la voie « profane » de la relation au prochain[19]. Cette révolution a d’extraordinaires conséquences en ecclésiologie, dans notre manière de vivre en Église.


[1] Girard René, La Violence et le sacré, Paris, Grasset, 1972, p. 356-357.

[2] Cf. Valadier Paul, Bouc émissaire et Révélation chrétienne selon René Girard, dans Etudes, août-septembre 1982, p. 251-260.

[3] Girard René, Mensonge romantique et vérité romanesque, 1961, p. 160.

[4] « Une rivalité n’est pas le fruit d’une convergence accidentelle des deux désirs sur le même objet. Le sujet désire l’objet parce que le rival lui-même le désire » (Girard René, Des choses cachées depuis la fondation du monde, Grasset, 1983, p. 15 et p. 16).

[5] Girard René, La Violence et le sacré, op. cit., p.  356-357.

[6] « J’ai péché en livrant un sang innocent », dit Judas en Mt 27,4. Pilate n’est pas dupe non plus, nous dit Lc 23,14. Cf. aussi 1 P 2,19-23 et He 7, 26.

[7] Girard René, Je vois Satan tomber comme l’éclair, Grasset, 1999, p. 17-18.

[8] Girard René, Celui par qui le scandale arrive, p.76.

[9] Girard René, Des choses…, op. cit., p. 165. Ce thème est repris et développé dans Je vois Satan…, op. cit..

[10] De très nombreuses publications commentent et prolongent la lecture girardienne. Outre-Atlantique, cf. Bailie Gil, Violence Unveiled. Humanity at the Crossroads, 1997 ; Wallace Mark I. & Smith Theophus H., Curing Violence. Essays on Rene Girard, 1994 ; Swartley Willard M., Rene Girard, Violence Renounced, dans Biblical Studies and Peacemaking, 2000.

[11] Girard René, Des choses…, op. cit., p. 232.

[12] « La mort de Jésus sur la croix, et le fait qu’il ait subi cette mort volontairement, est ce qu’il y a de plus choquant dans la religion chrétienne : « scandale pour les Juifs, et folie pour les païens », elle l’est aussi pour les musulmans, et on sait que les premiers chrétiens en avaient souvent honte, parce que le supplice de la croix était le plus infâmant chez les Romains » (Schwager Raymund (1935-2004), Brauchen wir ein Sündenbock ? Gewalt und Erlösung in den biblischen Schriften, traduit de l’allemand par Éric Haeussler et Jean-Louis Schlegel : Avons-nous besoin d’un bouc émissaire ? Violence et rédemption dans la Bible (postface de René Girard), Paris, Flammarion, 1994.

[13] En 1992, Christian Renoux écrivait lucidement : « « C’est maintenant votre heure, c’est le pouvoir des ténèbres », conclut Jésus avant que les gardes le saisissent (Lc 22,53). Les intentions sataniques de ses adversaires sont désormais trop évidentes et la violence va devoir aller jusqu’au bout : la mise à mort de Jésus crucifié entre deux malfaiteurs […]. La volonté de Jésus d’être compté parmi les criminels est donc parachevée sur la croix, lieu de victoire apparente de la violence qui devient par la résurrection le lieu de la révélation de la nature satanique et de la défaite de cette violence » (Jésus, les glaives et le Royaume, dans Cahiers de la Réconciliation, n° 2, 1992, p. 29-30).

[14] Herr Edouard, Identités, religions et politique, dans Revue Projet, n° 281, juillet 2004, p. 26.

[15] Thème repris et déployé dans Le sacrifice, 2003.

[16] Dumas André, Bible et violence, p. 13. « Dans cette perspective, il s’agit essentiellement de la transformation de la violence des hommes en violence subie ; par sa Passion, le Christ prend sur lui un ensemble de violences auquel il est livré comme victime – violence des autorités juives [ou] de la puissance d’occupation, violence gratuite des bourreaux – et, par sa résurrection, remporte la victoire définitive sur la mort, cette violence suprême faite à l’être humain. » (Gibert Pierre, L’espérance de Caïn : la violence dans la Bible, Paris, 2002, p. 223.

[17] Jaubert Annie, Lecture de l’Évangile selon saint Jean, dans Cahiers Évangile, n° 17, 1976, p. 70.

[18] Gauchet Marcel, Le désenchantement du monde, Paris, Gallimard, p. 133.

[19] Cf. Rigal Jean, Je crois autrement, Éditions Karthala, 2014.