« Je suis apte à l’émerveillement. Je veux toujours voir apparaître le soleil à travers les arbres » (Olivier de Kersauson).
Bien plus que nous indigner de la crise écologique, nous avons notamment à surmonter ce qui est à son origine : la crise de notre relation au vivant. Dans Manières d’être vivant, Baptiste Morizot parle de politiser l’émerveillement, en propageant une forme de cosmo-politesse, sorte de diplomatie fine d’égards pour chaque être vivant. Apprendre à se sentir vivants, au point de s’aimer comme vivants. Déployer des politiques d’interdépendances, dans la cohabitation et le respect des altérités.
« Loin des vieux livres de grammaire Écoutez comment un beau soir Ma mère m’enseigna les mystères Du verbe ‘être’ et du verbe ‘avoir’… Parmi mes meilleurs auxiliaires Il est deux verbes originaux Avoir et Être étaient deux frères Que j’ai connus dès le berceau. Bien qu’opposés de caractères On pouvait les croire jumeaux Tant leur histoire est singulière Mais ces deux frères étaient rivaux. Ce qu’Avoir aurait voulu être Être voulait toujours l’avoir À ne vouloir ni dieu ni maître Le verbe Être s’est fait avoir. Son frère Avoir était en banque Et faisait un grand numéro Alors qu’Être, toujours en manque Souffrait beaucoup dans son ego. Alors qu’Être toujours en manque Souffrait beaucoup dans son ego Pendant qu’Être apprenait à lire Et faisait ses humanités. De son côté sans rien lui dire Avoir apprenait à compter Et il amassait des fortunes En avoirs, en liquidités. Pendant qu’Être, un peu dans la lune S’était laissé déposséder Avoir était ostentatoire. Dès qu’il se montrait généreux Être en revanche, et c’est notoire Est bien souvent présomptueux. Avoir voyage en classe Affaires Il met tous ses titres à l’abri Alors qu’Être est plus débonnaire Il ne gardera rien pour lui. Alors qu’Être est plus débonnaire Il ne gardera rien pour lui Sa richesse est tout intérieure Ce sont les choses de l’esprit. Le verbe Être est tout en pudeur Et sa noblesse est à ce prix… Un jour à force de chimères Pour parvenir à un accord Entre verbes ça peut se faire Ils conjuguèrent leurs efforts Et pour ne pas perdre la face Au milieu des mots rassemblés Ils se sont répartis les tâches Pour enfin se réconcilier. Le verbe Avoir a besoin d’Être Parce qu’être c’est exister Le verbe Être a besoin d’avoirs Pour enrichir ses bons côtés Et de palabres interminables En arguties alambiquées Nos deux frères inséparables Ont pu être et avoir été » (Yves Duteil).
La mer Adriatique, avec ses bords cannelés et ses mille îles sauvages, parle chaleureusement à mes angles bien droits, au point que, jour après jour, elle les apprivoise et les assouplit. Ce dimanche matin tôt, je me suis baigné dans cette mer qui devient si vite profonde. Je m’y suis abandonné comme un chien amadoué qui se couche sur le dos pour mieux recevoir les caresses… Les quelques nuages semblaient faire hésiter le ciel qui entamait timidement sa liturgie de l’aube… II parvint tout de même à passer, à leurs franges, par toutes ses couleurs qui célèbrent l’UN multiple. Ce fut pour moi l’invitation à synchroniser ma vie et à offrir dans cette célébration toutes les couleurs de ma propre vie, tout ce dont elle est faite en ce moment, en particulier chacune de mes relations proches. Tu y étais, chère personne chère à mon cœur. J’ai inscrit ton nom dans ce mouvement reliant ciel et terre en pleine mer, Trinité naturellement sainte !
Lettre envoyée de Crikvenica, en Croatie, près de Rijeka, ce 23 octobre 2022 (jour-anniversaire de notre fille, 25 ans ; vive toi, ma chérie !), où je coanimais une conférence internationale sur la paix juste. Photo prise de notre maison d’accueil par ma soeur, Juliane Funk (MERCI !), Californienne vivant à Mostar (Bosnie) en agent de paix.
Et si la crise de l’essence en France était, après le Covid, notre chance de descendre de nos engins malins, pour marcher au rythme de nos jardins, en respirant le parfum du matin ?
Quand il pleut en automne au ciel des arbres, Un déluge de couleur et de feuilles mortes Que le vent emporte dans une folle danse Comme des ballons de baudruche à la fête foraine Excités par ces frêles nuages de coton blanc Qui les attirent pour le dernier ballet du soir.
L’automne a sorti sa robe de madras Pour un léwoz jusqu’au petit matin d’hiver. Les premiers flocons s’invitent à la ronde Sur un air joué par le mistral du Nord Et l’automne s’endort lentement, transi, Dans le fin lin blanc que la neige lui tend.
Je rends hommage ici à Bruno Latour qui est décédé ce dimanche 9/10, Il a dit : « Agir signifie faire venir son existence du futur vers le présent » (Face à Gaïa. Huit conférences sur le nouveau régime climatique). Et j’ajoute :
À chaque tournant de l’évolution, le vivant semble s’adapter non pas tant à partir de conditionnements passés qu’à partir d’une intelligence du futur. C’est parce qu’il représente un atout dans le futur qu’est retenu un comportement qui a réussi dans le passé. Ainsi, la logique de l’Évolution semble être de préparer l’avenir sur base des leçons du passé ; un changement advient parce qu’il est utile à préparer l’avenir.
Ces deux derniers siècles, les scientifiques avaient recherché la cause des adaptations successives des espèces dans l’origine, dans le passé. De nos jours, on la cherche aussi dans cette sorte de logique téléologique du vivant. L’exemple le plus frappant d’une telle vision m’a été donné par le Dr Jean Lerminiaux, à qui j’exprime ma profonde gratitude : un poisson échoué sur la berge développe un cancer des reins en vue de sa survie. Le cancer des reins augmente ses chances de survie, en lui donnant plus de temps pour attendre la vague salvatrice qui le ramènera dans l’eau.
Le nouveau paradigme, dont Teilhard de Chardin n’est pas loin, est apparu dans le champ des idées en même temps que la préoccupation nouvelle qu’a entraîné le pouvoir d’annihiler l’humanité et la planète. Ce pouvoir conduit à la lourde responsabilité d’organiser un futur viable à notre descendance, selon le slogan en vogue : « nous n’héritons pas de la terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants ». Les choses ne sont plus seulement pensées en tant que résultats du passé mais bien en tant que « réalisées en vue de quelque chose », en fonction d’un futur.
Le défi contemporain est nouveau quant aux périls nucléaire et écologique mais, en fait, il n’a rien de nouveau dans le principe : survivre a été, est et sera le moteur de l’Évolution. Le vivant développe depuis toujours une série de processus lui permettant de survivre, en surmontant les difficultés rencontrées à chaque étape. Le vivant s’adapte perpétuellement aux situations nouvelles en instaurant des mécanismes d’autocorrection.
La préoccupation de l’avenir peut être vue à la base même de l’Évolution. La recherche scientifique ne consiste plus seulement à expliquer le présent à partir du passé, elle est de mettre en lumière « en vue de », « pour quoi » les évolutions se font. Ce nouveau paradigme qui considère le futur des choses et donne de l’importance au temps à venir peut profondément modifier divers champs, dont notre façon de concevoir la persistance et le changement à travers le temps, le fonctionnement biologique, la neurologie, l’épigénétique, la pathologie (la maladie vue comme un moindre mal, cadeau de l’Évolution), le rôle de l’émotion(qui permet une économie de temps en préparant au futur possible), les sciences de l’éducation…
« Cultiver un potager, ce n’est pas seulement produire ses légumes. C’est apprendre à s’émerveiller du mystère de la vie » (Pierre Rabhi).
« Deux biens sont pour nous aussi précieux que l’eau ou la lumière pour les arbres : la solitude et les échanges » (Christian Bobin).
« Il nous faudra sans doute, pour changer jusqu’aux tréfonds de nos consciences, laisser nos arrogances et apprendre avec simplicité les gestes qui nous relient aux évidences » (Pierre Rabhi).
Chez les Himbas de Namibie, en Afrique australe, la date de naissance d’un enfant est fixée bien avant sa venue au monde, avant même sa conception : au jour où l’enfant est accueilli dans l’esprit de sa mère.
Quand une femme souhaite un enfant, elle s’installe sous un arbre et écoute jusqu’à ce que monte en elle la chanson de l’enfant qui veut naître. Elle va alors à l’homme qui sera le père de l’enfant pour lui enseigner la chanson de l’enfant, qu’ils chantent pendant qu’ils font l’amour, avec l’intention de l’inviter.
Une fois enceinte, la maman enseigne le chant de cet enfant aux sage-femmes et aux femmes aînées du village. Ainsi, en naissant, l’enfant est accueilli par elles chantant sa chanson.
Au fur et à mesure que l’enfant grandit, les autres villageois apprennent sa chanson. Si bien que quand l’enfant tombe, il se trouve toujours quelqu’un pour le relever et lui chanter sa chanson. De même, si l’enfant fait quelque chose de merveilleux, par exemple traverse avec succès les rites de passage, les gens du village l’honorent par son chant.
De même, plus tard, s’il commet un crime ou un acte social déplacé, il sera appelé au centre du village et tous, en cercle autour de lui, chanteront sa chanson. La tribu reconnaît ainsi que la correction d’un comportement antisocial ne passe pas par la punition mais par l’amour et le rappel de l’identité profonde, qui nous gardent de nuire aux autres.
De même, sur son lit vers la mort, tous les villageois connaissant sa chanson, la lui chanteront, pour la dernière fois.
« Être pleinement humain, c’est être sauvage. La sauvagerie, c’est l’étrange attraction et le murmure de la sagesse. C’est le doux coup de pouce et la douleur intense. C’est ta vérité, transmise par tes anciens, et le courant de vie dans ton sang. Sauvage est l’âme où résident passion et créativité, sauvage est le battement de ton cœur. Sauvage est ce qui est réel. La sauvagerie est ta maison » (Victoria Erickson).
Morceaux extraits du psaume 103 : 01 Bénis le Seigneur, ô mon âme ; Seigneur mon Dieu, tu es si grand ! Revêtu de magnificence, 02 tu as pour manteau la lumière ! Comme une tenture, tu déploies les cieux, 04 tu prends les vents pour messagers, pour serviteurs, les flammes des éclairs. 05 Tu as donné son assise à la terre : qu’elle reste inébranlable au cours des temps. 19 Tu fis la lune qui marque les temps et le soleil qui connaît l’heure de son coucher. 20 Tu fais descendre les ténèbres, la nuit vient : les animaux dans la forêt s’éveillent ; 22 Quand paraît le soleil, ils se retirent : chacun gagne son repaire. 23 L’homme sort pour son ouvrage, pour son travail, jusqu’au soir. 30 Tu envoies ton souffle : ils sont créés ; tu renouvelles la face de la terre. 33 Je veux chanter au Seigneur tant que je vis ; je veux jouer pour mon Dieu tant que je dure. 34 Que mon poème lui soit agréable ; moi, je me réjouis dans le Seigneur.
Ce psaume, vieux de plus de 2000 ans, s’est inspiré du GRAND HYMNE égyptien au dieu soleil, qui est, lui, vieux de 3400 ans, dont voici le début et la fin : « Tu te lèves beau dans l’horizon du ciel, Soleil vivant, qui vis depuis l’origine. Tu resplendis dans l’horizon de l’est, Tu as rempli tout pays de ta beauté. Tu es beau, grand, brillant. Tu t’élèves au-dessus de tout pays. Tes rayons embrassent les pays, jusqu’aux confins de ta création. […] Tu resplendis, et ils vivent ; tu te couches et ils meurent. Toi, tu as la durée de la vie par toi-même, on vit de toi. Les yeux sont sur ta beauté jusqu’à ce que tu te couches ».
En me promenant, je laisse les paysages élargir ce qui me racrapote, absorber ce qui me pèse (chagrins, contrariétés, inquiétudes…). Je plonge dans la rivière qui me lave de toutes mes mondanités… J’aime me laisser réensauvager, au ras des pâquerettes et au large des horizons.
Joyeuses pâque-rettes.
Joyeuse Pâques que rien n’arrête !
Fougueuse chasse aux œufs dans les jardins (je la propose ce matin à 3 enfants pakistanais qui ne l’ont jamais vécue)… Je nous souhaite la joie et la simplicité de l’enfant, panier au poignet, émoustillé par chaque rencontre.
Je vous embrasse avec des bulles qui ‘pop’ et moussent tout autour…