« Chez les reptiles, la progéniture sortant de l’œuf est livrée à elle-même pour survivre. Les mammifères, eux, sont devenus capables d’un attachement parents-enfants, qui permet une plus grande protection des petits. Dans l’évolution des espèces, cela représente un grand progrès qui comprend, néanmoins, un prix à payer : chez les humains, le tout-petit reçoit l’amour de ses parents, sans aucun recul, il en reçoit le meilleur comme les côtés tordus. Pour obtenir la protection de ses parents et les soins indispensables à sa survie, il répond à leurs attentes inconscientes sur lui, il est formaté par les programmes parentaux, y compris leurs bugs et virus, tout comme eux aussi, avant lui, petits, ses parents avaient été conditionnés, au gré de leur propre histoire blessée.
La vie est bien faite : là même où l’enfant sacrifie son développement spontané sur l’autel du bonheur de ses parents, il éprouve une intense jouissance, celle de créer les conditions de sa survie ! Ce « plaisir biologique de survie » est engrammé au plus profond de son être, il va le réactiver comme la solution en cas de danger ou de problème. Il va le répéter tout au long de son existence, à moins de modifier le mode automatique et inconscient de son programme invariant.
La vie est, une deuxième fois, bien faite : parvenu à l’âge adulte, l’homme est capable de prendre conscience que ses conditionnements d’enfance, adéquats à l’époque, ne le sont plus aujourd’hui. Il peut ainsi les lâcher. Adulte, il ne dépend plus de ses parents, il a les ressources de se libérer et de devenir qui il est, en propre. Tel est le chemin de libération auquel la vie bien faite nous convie tous » (Étienne Chomé).
J’exprime là ce que j’ai compris d’un point de théorie dans la formation du Dr Jean Lerminiaux. Voici un exemple donné par ce neuropsychiatre belge : « Des parents ressentent inconsciemment qu’être de bons parents consiste à s’occuper de leur enfant sans compter. Ils ont eux-mêmes été élevés de la sorte. Par suite, leur rejeton ressent qu’il a intérêt à tout mettre en œuvre pour qu’ils puissent beaucoup s’occuper de lui. Il constate que c’est le cas dès qu’il tombe malade. Il perçoit comment pouvoir intéresser ses parents : se montrer chétif et en mauvaise santé devient sa manière de ne pas être abandonné et d’assurer sa survie. Il continuera à agir de la sorte pour maintenir l’intérêt de ses parents. Ce faisant, devant être malade, il fait l’énorme sacrifice de sa bonne santé » (Syllabus de la formation à la psychothérapie de la libération du ressenti par le dialogue tonico-émotionnel, p. 172).