Dans un petit café belge, deux personnes s’approchent du comptoir : « Cinq cafés, s’il vous plaît, deux pour nous et trois suspendus. » Elles paient, prennent leurs deux cafés et partent. Plus tard, un homme habillé avec des vêtements usés arrive au comptoir et demande cordialement : « Avez-vous un café suspendu ? » Et le serveur lui sert un café…
Précieuse pour les personnes qui ne peuvent pas se payer une boisson chaude, cette tradition des « cafés suspendus » , qui peut aussi servir pour un repas…
Pour Gandhi, choisir un chemin de non-violence, c’est fermement s’accrocher – s’agripper même – à la force de la Vérité. « La démarche fondamentale de Jean et Hildegard Goss-Mayr est d’aller trouver l’autre et désirer qu’à travers l’échange, la vérité se fasse. Dans une telle rencontre, il n’y a pas que mon interlocuteur et moi. Nous ne sommes pas seuls. Il y a entre nous deux la Vérité qui va faire son œuvre dans les consciences. Mon rôle à moi, c’est de dire la vérité avec courage, quoi que cela me coûte. Je ne la possède pas, elle ne m’appartient pas. Mais tu ne la possèdes pas davantage, elle ne t’appartient pas non plus. La vérité est comme un espace sacré entre nous deux et elle va nous faire faire un chemin ensemble qui part de nos vérités subjectives et qui aboutit à la « vérité de la situation », dépolarisée. L’épée est certes tranchante, le glaive de la vérité a lui aussi son tranchant ! En voici un exemple saisissant : alors que Mgr Romero hésitait à dénoncer les injustices dans son pays, Goss vient à lui en simplifiant tout, c’est-à-dire en allant à l’essentiel. Il dit : « Monseigneur, vous n’avez qu’une seule chose à faire, c’est de dire la vérité, simplement, que tout le monde connaît mais que personne n’ose dire, par peur d’être éliminé. Si vous dites la vérité, certes, vous serez tué, mais seulement après avoir dit la vérité. » Et c’est ce qui s’est passé » (Chomé Étienne, Jean Goss (1912-1991) et Hildegard Goss-Mayr, au service de la non-violence évangélique active : engagement, impact et influence, dans Actes du colloque du M.I.R., juin 2023).
« Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon cœur d’une langueur monotone. Tout suffocant et blême, quand sonne l’heure, je me souviens des jours anciens et je pleure » (le poète Paul Verlaine remettant sa ‘tite laine, tant ça caille à l’urbaine).
« Une mouche s’était posée sur le pupitre de Katia, les pattes engluées dans une tache d’encre, et plus le poème s’étirait plus la tache autour de la mouche s’élargissait. Un monde inconnu s’ouvrait à la pensée, on pouvait le prolonger à l’infini, écouter ses résonances, c’était donc ça, la culture, avait-elle pensé, une tache bleue qui se dilatait, une source où venait s’abreuver l’imaginaire. On découvrait un univers parallèle, des eaux nous portaient vers des rivages insoupçonnés, on allait vivre enfin, explorer les abysses, voguer d’un courant à l’autre puis s’échouer quelque part, épuisé et ravi. On aurait gardé sur soi les traces du voyage, la clarté pâle de « l’aurore aux doigts de rose » qu’Homère avait offerte au héros aux mille ruses. On allait pouvoir peindre des fresques, dessiner des traits sur un vase, des traits fins, ceux d’un navire, rouge sur fond noir, et Ulysse attaché au mât. Du fond du vase, nos descendants entendraient peut-être un jour monter le chant des sirènes » (Emmanuelle Dourson, Si les dieux incendiaient le monde, p. 127).
« Mais pourquoi fallait-il que le merle noir chante plus tôt que les autres ? Qu’il choisisse la lucarne de sa chambre pour perchoir ? À quatre heures du matin, Jean avait ouvert les yeux, expulsé du sommeil par le chant de l’oiseau – un instrument de torture pour l’homme épuisé. […] Jean avait tenté de se représenter le visage de sa cadette, Albane, d’en faire resurgir chaque détail, depuis le grand épi du front jusqu’au sillon des veines sur la tempe droite en passant par les yeux très grands, très noirs. L’image avait flotté un moment. Il s’était demandé s’il reconnaîtrait sa fille aujourd’hui et son cœur s’était emballé ; il avait compté les années, ça ferait bientôt quinze ans qu’elle était partie, ne laissant comme trace de son existence qu’une carte postale chaque année – quinze cartes rangées dans une boîte à cigares posée sur son bureau, entre un microscope et une encyclopédie entomologique. Quinze cartes de vœux envoyées des quatre coins du monde. Comme si la vie d’Albane s’était résumée à un conte de Noël. Il avait lâché le livre et l’image s’était dissoute. La nuit tremblait derrière la vitre. L’espace entre les rideaux laissait deviner la dérive de nuages floconneux qu’argentait la lune. Par les fentes du châssis, le vent sifflait et déposait sur la tête de Jean un coulis froid. Allongé sur le dos, il était resté immobile, à l’affût des sensations changeantes, tour à tour douces et cuisantes, qui sinuaient dans son corps. Quand elles étaient douces elles réveillaient une ardeur enfouie, comme une eau sourde remonterait en plein désert ; quand elles drainaient la douleur, c’était la peur qui suintait, attisée par le courant d’air nocturne et le souvenir du visage hâve, des yeux immenses de sa fille. Albane, on l’avait interviewée la veille sur les ondes, il avait entendu sa voix. C’était une bourrasque, cette voix qui revenait du passé et surgissait à l’improviste sans s’annoncer. Il se souvenait de ses accents d’adoration lorsqu’elle était enfant, puis de son timbre rauque le jour où elle avait dit, bien plus tard, Quand vous serez morts, j’irai danser sur vos tombes. Il se demandait à quel moment la fêlure était apparue et l’anxiété oubliée revenait, glacée, une camisole d’inquiétude le figeait sur son lit. Albane était grande pourtant, désormais elle se débrouillait sûrement mieux que lui. Le journaliste avait fouillé dans nos vies, quelques minutes seulement mais avec acharnement, pour satisfaire les auditeurs, qu’ils sachent comment on réussit, quel milieu et quel concours de circonstances engendrent le génie ou la chance ou les deux, comme si le travail et la ténacité n’y étaient pour rien – les recalés veulent croire qu’une fée se penche sur certains berceaux plutôt que sur d’autres. Jean s’était demandé si, avant de répondre, Albane avait jeté à l’homme le trait assassin de ses yeux noirs, comme avant, lorsque son regard disait à Jean : « Retire ta question, ta question est un mirage, je l’effacerai, je ne veux rien entendre et tu ne peux rien savoir ». Elle gardait les yeux levés vers lui, elle le défiait jusqu’à ce qu’il se détourne puis elle s’en allait et lui, rageur, la laissait s’éloigner en serrant les poings » (Emmanuelle Dourson, Si les dieux incendiaient le monde, 2021).
« “Une existence sans conflit est une existence d’avare” (René Spitz, psychiatre). L’absence de conflits n’est pas un signe de bonne santé. Un couple qui ne se dispute jamais est souvent malade de ne plus rien avoir à se dire. Le dicton populaire le dit : “Un couple sans histoires est un couple qui n’a pas d’histoire”. Et l’absence de mauvaises herbes ne veut pas nécessairement dire la présence d’un froment à la tige droite, à l’épi lourd de grains. Un groupe est d’autant plus solide qu’il a appris à gérer ses divergences, pas à les éviter, ni à avancer comme des rails de chemin de fer : en parallèle, chacun sur son propre rail.
Le Père Léon (l’Abbé Pierre belge), fondateur de La Poudrière, une communauté de vie à Bruxelles proche d’Emmaüs, faisait remarquer : “Les relations humaines, ce ne sera pas facile. Il y aura des ennuis. Mais par ailleurs, combien de gens pour ne pas avoir d’ennuis, s’ennuient à mort !”. Une relation superficielle ou ennuyeuse est le prix que nous payons de notre manque de vérité. Il ne faut pas confondre désaccord et désamour.
“Si tu veux grandir, use-toi contre tes litiges, ils conduisent vers Dieu. C’est la seule route qui soit au monde” (Antoine de Saint-Exupéry, Citadelle).
La règle d’or de la communication est qu’au sein de notre groupe, chacun puisse dire ce qu’il vit mal à la bonne personne, 2) au bon endroit et 3) au bon moment. Pour autant que soit posé et garanti en son sein un cadre régulier et privilégié de dialogue, tout groupe dispose des ressources pour s’auto-réguler et régler ses problèmes » (Chomé Étienne, La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain, p. 31-33).
Saviez-vous que la poésie italienne adore les vers pentadécasyllabes (15 pieds) ? Pour le plaisir, ci-dessous des verts vers pentadécasyllabes (de 3 x 5 syllabes) très chou, non ?!
Vive le chouffle qui gonfle les voiles de notre imagination…
Selon Albert Chapelle, un de mes maîtres de jeunesse, la mort est rupture de rythme, éclatement des temps : cet abrupt qui nous fait tous tomber dans un abîme qui semble séparer les êtres irrémédiablement. La Bible tient à souligner que Dieu n’a pas fait la mort et qu’Il lui a réservé une surprise de taille. En portant le poids de la mort jusqu’au bout de l’Amour, Dieu Père-Mère, Fils et Esprit révèle le surcroît de Vie que la Trinité nous offre gratuitement. La mort est devenue cet hiatus par lequel Dieu nous donne accès à la Vie éternelle ! Pour qui accueille la vie de Jésus, s’y manifeste l’immensité de l’Amour divin et la surabondance de ses éternelle surprise et éternel surcroît…
Vivent nos défunts que nous honorons par cette fête du 2 novembre…