Point de guerre juste

Ceci est la suite de mon post autour du livre Les Croisades vues par les Arabes d’Amin Maalouf. Derrière les arguments religieux, fournissant l’habillage idéologique justifiant la guerre qu’on veut mener, c’est l’histoire tristement répétée des mâles humains qui se lancent dans une guerre quand ils estiment que le rapport des forces en géopolitique penche à leur avantage. Les Occidentaux à l’offensive au cours de ces neuf ‘croisades’ les XIe, XIIe et XIIIe siècles, eurent à subir de lourdes contre-offensives les trois siècles suivants, jusqu’à la bataille de Lépante, signant la défaite pour longtemps des Arabes ; jusqu’à leur réveil, devenu possible grâce au pétrole. Ainsi en va le monde qui passe : un jeu de conquêtes et de contre-conquêtes, selon la loi du plus fort…

Ces invasions franques au début du Millénaire passé ont exactement les mêmes ressorts de pouvoir de domination que le choc de nos civilisations d’aujourd’hui (cf. les parallèles de Maalouf dans sa conclusion), avec, entre les deux, les colonisations et néocolonisations…

De quoi donner le tournis à qui joue à « Qui assaille qui ? »… 

Les Croisés francs

Les termes de ‘croisés’ et de ‘croisades’ sont des anachronismes du XIVe siècle. Ils sont forgés plusieurs générations après qu’eurent lieu ces expéditions militaires, ces ‘pèlerinages’ en armes, pendant lesquelles les Arabes ne se battaient pas contre les Chrétiens mais contre ces « Franj », venus des Royaumes francs, nous dit Amin Maalouf dans son précieux livre Les Croisades vues par les Arabes. La « racaille franque, barbare et rustique » suivie, dans une deuxième vague, par ses chevaliers cuirassés et plus aguerris, ont cherché il y a près de mille ans à occuper le Saint-Sépulcre et les Lieux saints de Jérusalem. Dire que, mille ans après, on parle de l’occupation de la Palestine par les Juifs !

Documents à l’appui, Amin Maalouf montre la principale des « infirmités » du monde arabe, avec ses roitelets locaux et ses peu puissants califes : les peuples arabes ont mis beaucoup de temps à s’unir et à repousser l’agresseur, du fait qu’ils étaient dirigés par des étrangers (Turcs, Arméniens, Kurdes…).

Pour croiser les regards arabes et francs, cf. aussi Franck Mimar, Croisades et pèlerinages. Récits, chroniques et voyages en Terre sainte, en plus d’Amin Maalouf, Les Croisades vues par les Arabes.

Se déposer dans l’infinie terre aimante de Dieu

« Habiter la terre, enfin.
Accepter d’être là, enfin.
Revenir de tous nos ailleurs, de nos fugues.
Revenir de nos refus.
Cesser de réclamer des comptes à la vie,
de lui donner des ordres, ne rien exiger d’elle.
Renoncer au marchandage,
l’acquitter de toute dette, la délivrer de nos impératifs.
Acquiescer à la vie telle qu’elle se donne.
Dans tout ce que nous ne pouvons pas changer,
dans tous de que nous ne pouvons pas choisir,
il y a cela que nous pouvons : dire « oui » à ce qui est.
Consentir sans raison. Faire le saut de consentir, à tout.
Elle est si étroite la cellule où nos exigences nous enferment.
Déplions nos mains et laissons se défaire
la corde qui nous suspend hors de la vie.
Laissons-nous déposer au sol de la vie telle qu’elle est.
Ce n’est pas dans le vide que nous allons tomber.
Ce n’est pas dans la boue amère de la résignation.
C’est dans l’infinie terre aimante de Dieu » 
(Marie-Laure Choplin, Un cœur sans rempart).

infobésité

« Je ne sais pas où je suis né
ni ne sais qui je suis.
Je ne sais pas d’où je suis venu
ni ne sais où je vais.
Suis branche d’un arbre détachée
qui ne sait où elle est tombée.
Où peuvent bien être mes racines ?
De quel tronc suis-je un rameau ? »
(chanson populaire de Colombie).

Dans le Larousse, infobésité  =
surabondance d’informations imputée aux chaînes d’information en continu, aux nouvelles technologies de la communication (Internet, téléphones portables, messageries, réseaux sociaux) et à la dépendance qu’elles créent chez l’utilisateur.

Subjonc’Tiff

Voici un poème qui use et abuse
de l’imparfait du subjonctif :

« Oui, dès l’instant que je vous vis,
Beauté féroce, vous me plûtes ;
De l’amour qu’en vos yeux je pris,
Sur-le-champ vous vous aperçûtes ;
Mais de quel air froid vous reçûtes
Tous les soins que pour vous je pris !
Combien de soupirs je rendis !
De quelle cruauté vous fûtes !
Et quel profond dédain vous eûtes
Pour les vœux que je vous offris !
En vain je priai, je gémis :
Dans votre dureté vous sûtes
Mépriser tout ce que je fis.
Même un jour je vous écrivis
Un billet tendre que vous lûtes,
Et je ne sais comment vous pûtes
De sang-froid voir ce que j’y mis.
Ah ! fallait-il que je vous visse,
Fallait-il que vous me plussiez,
Qu’ingénument je vous le disse,
Qu’avec orgueil vous vous tussiez !
Fallait-il que je vous aimasse,
Que vous me désespérassiez,
Et qu’en vain je m’opiniâtrasse,
Et que je vous idolâtrasse
Pour que vous m’assassinassiez ! »
(Alphonse Allais, Complainte amoureuse).

NB : Alphonse Allais est l’expert des vers holorimes :

https://etiennechome.site/alphonse-allais-et-ses-vers-holorimes/ et

Notre pays alpin

Yannis Ritsos, Notre pays :
« Nous sommes allés sur la colline pour voir notre pays :
quelques pauvres terrains, des pierres, des oliviers,
des vignes qui descendent le long de la mer.
Près de la charrue, fume un petit feu.
Les habits du grand-père, nous en avons fait
un épouvantail pour les corneilles.
Nos journées s’en vont leur chemin pour un peu de pain
et beaucoup de lumière. Sous les peupliers,
brille un chapeau de paille, l’oiseau sur la clôture,
la vache dans le jaune. Comment se fait-il que
d’une main de pierre nous ayons pu aménager
nos maisons, notre vie ? Sur les chambranles de nos portes,
il y a encore la fumée des cierges de Pâques,
de toutes petites croix noires tracées, d’année en année,
par les morts qui venaient de fêter la Résurrection.
On l’aime beaucoup, ce pays, avec patience, avec fierté.
Toutes les nuits, du puits asséché, les statues sortent
avec précaution et montent sur les arbres. »

Tu as raison = tes raisons

Histoire juive : deux personnes en litige plaident leur cause devant le rabbi.
Après que le premier ait parlé, le rabbi lui dit : « Tu as raison ».
Après que le deuxième se soit exprimé, le rabbi lui dit aussi: «Tu as raison».
Un des élèves du Rabbi s’exclame : « Rabbi, il n’est pas possible que les deux aient raison ». Alors le rabbi, après un moment de réflexion : « C’est vrai, toi aussi, tu as raison ».

Distinguer soigneusement la vérité subjective des personnes où chacune a raison, sans que l’autre ait tort, de la vérité objective de la situation (que personne n’a le droit à s’approprier, que seul le groupe peut définir de manière juste). La vérité subjective des personnes évolue sur la planète de la communication vraie, sincère, authentique, où chacun.e a ses raisons, goûts, perceptions, vécus, valeurs propres…