Mère nourricière et dévorante

« La figure mythique de la mère nourricière est toujours doublée, dès son origine, de cette autre figure de la mère dévorante ou de la mère-mort. C’est une donnée bien connue de l’histoire des religions que presque toutes les déesses nourricières sont aussi des ogresses qui dévorent leurs enfants ou menacent d’engloutir l’humanité. Le mythe de la Déesse lunaire est d’une certaine façon le mythe générique de ces mères dévorantes. Les divinités lunaires, qu’il s’agisse des Grandes Déesses (Cybèle, Déméter, Kali, Isis ou Isthar) ou de la multitude des succubes anonymes que l’on rencontre sous toutes les latitudes ou simplement des ogresses mises en scène dans les contes, toutes représentent non seulement le lien nourricier (bénéfique et maléfique) mais également le rapport de l’humanité avec le monde des morts. Selon les mythes, c’est par l’intervention originelle de cette divinité que la mort est entrée dans le monde. C’est par la déesse et par les sacrifices qu’elle exige que la mort se perpétue dans la vie, c’est elle encore qui, sous diverses figures d’animaux charognards (louve, chien, corneille, etc.) dévore les défunts. C’est aussi la cuisinière des enfers qui engloutit ses victimes dans l’immense chaudron des sorcières, en particulier dans les cultures celtiques. Cette essence dévorante de la figure maternelle est diversement interprétée. Elle est parfois simplement associée à l’ambivalence inexplicable du sacré elle-même rapportée, en ce qui concerne la féminité, à l’ambivalence de la nature : comme la Terre nourrit et protège, puis ensevelit ou détruit, la Mère serait tour à tour bénéfique et maléfique. L’interprétation jungienne intègre davantage, quant à elle, l’ambivalence puisqu’elle associe la mère nourricière-dévorante à la première phase fusionnelle de l’humanité (ou de l’individu) qui doit être scindée et dépassée » (Anne-Laure Bucher, Engendrer, nourrir, dévorer: les fonctions symboliques de la féminité).

« C’est la terre que je chanterai, mère universelle aux solides assises, aïeule vénérable qui nourrit sur son sol tout ce qui existe….» (Hymne homérique «À la Terre»).

Bilan personnel en cette fin d’année ?

Un bilan personnel de fin d’année est un exercice d’introspection qui consiste à revenir sur les objectifs que je m’étais fixés au cours de l’année, ainsi que sur les résultats obtenus : en tirer des leçons constructives et apprendre plus sur moi-même, cultiver la gratitude, me recentrer sur ce qui est important pour moi, ma vision, ce que je veux accomplir dans ma vie.

Répondre par écrit à ces 4 questions :
Qu’est-ce qui s’est bien passé cette année ?
Qu’est-ce qui s’est moins bien passé ?
Qu’est-ce que j’ai appris ?
Quelle est la suite ?
Développement et exemple :
https://everlaab.com/bilan-personnel-de-fin-dannee/

Partager et être partagé

La langue française a ses truculences et ses foucades d’humeur. Exemple : être partagé tout en partageant, dans le sens d’être divisé, tout en mettant en commun…

 « La ligne de partage des eaux est invisible, même si elle est signalée sur l’autoroute de Bourgogne, quelque part du côté de Beaune. J’ai rêvé à ce verbe ’partager’ qui signifie à la fois mettre en commun et diviser. Par exemple, mes « nuits partagées » renvoient à la fois à celle qui m’accompagne au lit et aux heures d’insomnie qui coupent le sommeil et donnent occasion de ruminer, en essayant des positions pour me rendormir. Le même verbe désigne la continuité, et l’interruption : une communauté assez merveilleuse (apprendre à dormir ensemble !) et son morcellement… » (Daniel Bougnoux).

Ci-dessous l’œuvre de Lorenzo Quinn (fils de l’acteur Anthony Quinn).

Les jurons religieux s’arrangent pour dire sans dire

‘Mordieu’, c’est jurer par la mort de Dieu. 
‘Jarnibleu’ = « je renie Dieu! ».

Ce sont des blasphèmes qui ont rang de « péché mortel ». Car jurer par le Nom de Dieu, c’est enfreindre le troisième commandement du Décalogue.

Aussi, depuis des millénaires, beaucoup de jurons religieux s’arrangent pour dire sans dire, en évitant de prononcer directement les noms (jeu de oui / non). Exemple : La terminaison -bleu est un euphémisme qui évite de dire Dieu, et donc de blasphémer. Dire sacrebleu plutôt que sacré dieu, Scrogneugneu (ou sa forme ancienne sacrégnongnieu) plutôt que sacré nom de Dieu !

Dire Rrronteudjeu plutôt que Nom de dieu / crédieu / crébondieu…
Dire ‘Jarnicoton’ plutôt que ‘Jarnibleu’ : Cotton, le confesseur d’Henri IV lui demandait de remplacer le blasphème ‘Jarnibleu’ (je renie Dieu) par ‘Jarnicoton’ (je renie Cotton), moins grave !

Et Georges Brassens de s’en donner à cœur joie :
Voici la ronde des jurons
Qui chantaient clair, qui dansaient rond,
Quand les Gaulois de bon aloi
Du franc-parler suivaient la loi,
Jurant par-là, jurant par-ci,
Jurant à langue raccourcie,
Comme des grains de chapelet
Les joyeux jurons défilaient :
Tous les morbleu,
Tous les ventrebleu,
« par le ventre de Dieu! »
Les sacrebleu et les cornegidouille,
Ainsi, parbleu,
Parbleu
Par Dieu !
Que les jarnibleu
Et les palsambleu,
« par le sang de Dieu! »
Tous les cristi,
Les ventre saint-gris,
Les par ma barbe et les nom d’une pipe,
Ainsi, pardi,
Que les sapristi
Sapristi et sacristi
Et les sacristi,
Putain de Tabarnac !
Sans oublier les jarnicoton,
Les scrogneugneu et les bigre et les bougre,
Les saperlott’, les cré nom de nom,
Les peste, et pouah, diantre, fichtre et foutre,
Tous les Bon Dieu,
Tous les vertudieu,
Les saperlott’, les cré nom de nom,
Les peste, et pouah, diantre, fichtre et foutre,
Tous les Bon Dieu,
Tous les vertudieu,
Tonnerr’ de Brest et saperlipopette,
Ainsi, pardieu,
Que les jarnidieu
Et les pasquedieu

(Le pornographe, 2, 1958).

Le pouvoir cathartique des jurons

Voici une brève présentation de l’article scientifique ‘Le pouvoir des jurons, ce que nous savons, ce que nous ne savons pas’, paru récemment dans la revue scientifique de linguistique ‘Lingua’. Les jurons produisent des effets physiologiques et psychologiques tels qu’ils font baisser la perception de la douleur. Ça a été démontré par des expérimentations, telles que la main plongée dans de l’eau glacée ou des doigts frappés par un marteau. En repérant les activités du système limbique, des IRM ont attesté que les jurons ont un effet de catharsis et de décharge émotionnelle. 

Ça ne fonctionne pas quand nous jurons dans une langue autre que la nôtre. Par contre, ça fonctionne d’autant mieux que le juron concerne un de nos tabous sociaux (qui dépendent toujours de notre contexte culturel précis) et qu’il joue entre un sens à la fois littéral et non littéral (voir mon prochain post avec la ronde des jurons de Georges Brassens et nos jurons-blasphèmes religieux qui disent sans dire, qui jouent avec le nom, oui / non).

Il semblerait que c’est l’interdiction que les adultes donnent aux enfants (« ce n’est pas bien de dire cela ») qui crée une charge émotionnelle, laquelle devient utile quand on a besoin de décharger une douleur ou une émotion… Plus les autorités éducatives mais aussi religieuses (je l’illustre dans mon post de demain) nous ont réprimandés avec forte répression, plus il y a de la jouissance à jurer en cas de crise !

Autre point de vue sur les bénéfices des jurons :
https://www.psychologies.com/Actualites/Sante-mentale/Les-insultes-font-plus-de-bien-qu-on-ne-le-pense

En attendant Godot

L’œuvre célèbre de Beckett, En attendant Godot, qu’il écrivit au sortir de la deuxième guerre mondiale, fut souvent neutralisée. Jadis, l’homme de goût la neutralisait par l’ennui : pas d’histoire, pas de personnage, pas de drame à se mettre sous la dent. Aujourd’hui, il la neutralise par le divertissement : l’œuvre mal aimée est devenue chef d’œuvre hilarant de l’absurde. Respecter la charge problématique de l’œuvre consisterait, à l’inverse, à laisser l’œuvre d’art construire le sujet d’expérience qu’elle appelle, en d’autres termes, à donner le corps et l’esprit de l’homme nu pris dans l’expérience, plutôt qu’à lui faire barrage avec la subjectivité de l’homme de goût (qui plaque sur l’œuvre son ennui qui exclut et son divertissement qui inclut).

Le mot « inachevé » revient du début à la fin du drame. Dès le début, comment vivre après le mot « fin » ? Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Quand il n’y a plus rien, comment on vit après la fin ? Qu’est-ce qui nous unit quand il n’y a plus d’autre « nous » que la co-présence oscillant entre toutes les nuances de l’ennui au divertissement, quand il n’y a plus d’homme entier, quand il n’y a plus que des chiffonniers qui ramassent des lambeaux de civilisation, tout ce qui jadis faisait des hommes et des communautés ?

Godot, c’est peut-être une blague de catholique irlandais : ce God qui ne viendra jamais, la figure de l’espoir, des lendemains qui chantent ?

(J’ai repris ici ce que j’ai trouvé essentiel de l’analyse faite par Sébastien Barbion ; analyse bien plus complète : https://www.rayonvertcinema.org/beckett-en-attendant-godot/).