Le rasoir d’Ockham

Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?

Le rasoir d’Ockham / d’Occam a été énoncé par le philosophe Guillaume d’Ockham : « Pluralitas non est ponenda sine necessitate » (les multiples ne doivent pas être utilisés sans nécessité), dans l’intention d’éliminer des explications improbables d’un phénomène. Les hypothèses suffisantes les plus simples sont à préférer car l’explication la plus simple est généralement la bonne.

Les Shadoks (série animée à la TV) ont pris un malin plaisir à inverser ce principe de simplicité / d’économie / de parcimonie :
« Pourquoi se compliquer la vie à faire simple
quand il est si simple de faire compliqué ? »

Serait-il barbant, ce rasoir ?
Serait-il barbant, se rasseoir
(les temples désertés pendant et après le COVID) ?

De l’Amour, nous venons. Vers l’Amour, nous tendons

« Ton âme est faite pour aimer avec la pureté et l’ardeur des anges » (Victor Hugo).

« Ma nature est Feu. Si vous êtes ce que vous devez être, vous mettrez le Feu au monde entier ! » (Sainte Catherine de Sienne, qui en faisait des…).

« Pour moi, la plus belle des choses, c’est de voir quelqu’un aimer quelqu’un » (Σαπφώ / Sapphṓ, poétesse grecque).

Haute voltige

« Haute Voltige : tige qui pousse en Haute-Volta » (Marc Escayrol).

« La mode est cette dictature de l’éphémère qui s’exerce sur les transfuges de l’éternel. Les engouements collectifs se succèdent sans laisser de traces : la feuille morte voltige d’un lieu à l’autre, mais tous les lieux se valent pour elle, car son unique patrie est dans le vent qui l’emporte » (Gustave Thibon, L’équilibre et l’harmonie, 1976).

Pantagruélique

C’est pour faire rire que François Rabelais publie son premier roman en 1532 : « Les horribles et épouvantables faits et prouesses du très renommé Pantagruel, Roi des Dipsodes ». Cette farce truculente et fantasque ébranle par l’humour l’obscurantisme de son temps. Le géant Pantagruel qui rencontre partout des iniquités et des superstitions grossières, est du style à combler, par mégarde, une carie dentaire en avalant des soldats… Selon le bon mot d’Anatole France, la philosophie pantagruélique est proportionnée à la faiblesse humaine.

« L’histoire est une fable pantagruélique et féerique où les lois de la société nous sont enseignées dans les aventures d’un personnage tour à tour grotesque et sublime, digne à la fois d’amour et de pitié, que les anciens Orientaux appelaient Adam, l’Humanité » (Pierre-Joseph Proudhon, Les Confessions d’un révolutionnaire pour servir à l’histoire de la révolution de février, 1849, p. 86). Encore aujourd’hui, le rire est une ressource susceptible de faire tomber quelque pan de bêtise…

Biais cognitif : préférer compliquer plutôt que simplifier

Biais cognitif avéré : l’être humain croit améliorer en rajoutant des éléments, même dans les cas où il serait mieux d’en soustraire. Une expérimentation scientifique l’a mis en évidence, en faisant passer des tests du style : « Améliorez cette recette de cuisine », la solution optimum étant d’enlever les ingrédients farfelus. Seuls 20 % des 500 gens testés font le bon choix de simplifier, les autres cherchent à améliorer en compliquant ! Résultats identiques avec d’autres tests : « Améliorez ce texte, ce parcours de golf, cette structure, rendez cette figure symétrique en moins de clics possibles, etc. »

Ce biais cognitif éclaire le réflexe de rajouter une couche plutôt que d’en enlever une ; par exemple, une structure dans la bureaucratie institutionnelle, un sous-chef dans les hiérarchies en entreprise. Et le biais cognitif s’aggrave en cas de stress, de surcharge de travail, etc.

« Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ? »
< > Less is more.

Leonard de Vinci disait que l’objet parfait est celui où on ne peut plus retirer quelque chose.

Cf. Gabrielle Adams, Benjamin Converse and colleagues, Less is more, in Nature, Volume 592 Issue 7853, 8 April 2021.

Miss-ti-gris âgée

« Un mistigri couleur de charbon trottait sur la balustrade, à la recherche d’une bonne fortune dotée de grandes oreilles roses et d’une queue de rat » (Frédéric Lenormand, Le diable s’habille en Voltaire, Éditions Jean-Claude Lattès, 2013).

Une maison sans mistigri, serait-ce comme un moine sans sa bure ou un Basque sans son béret ?

Arriver comme des figues après Pâques

En Flandre, on utilise souvent l’expression ‘vijgen na Pasen’ : « arriver comme des figues après Pâques », c’est arriver trop tard. La figue fraîche est un produit de saison, disponible seulement d’octobre à mars. Et elle avait, de ce fait, le rare privilège de faire partie des aliments sucrés autorisés par l’Église pendant le carême. D’où son succès comme friandise en pleine période de jeûne. D’où la fin de son succès dès le jour de Pâques, à la fin des restrictions !…

Autres expressions avec le même sens :
arriver à la fumée des cierges,
arriver comme le marquis de Couille-Verte
(comme Grouchy à la bataille de Waterloo),
arriver après la bataille,
arriver comme les carabiniers :

« Nous sommes les carabiniers,
la sécurité des foyers.
Mais par un malheureux hasard,
au secours des particuliers,
nous arrivons toujours trop tard »
(carabiniers de l’opéra bouffe ‘Les Brigands’,
musique de Jacques Offenbach, 1869). Et j’ajoute :

Le bruit de nos bottes sur le pavé,
et les voilà déjà détalés !

Effet de surconfiance des cuistres, ultracrépidarianisme et ipsedixitisme

Charles Darwin affirma que l’ignorance engendre plus fréquemment la confiance en soi que ne le fait la connaissance. Des études rigoureuses ont confirmé ce biais cognitif : une personne ignorante dans un domaine tend à sousestimer ses lacunes et limites et à surestimer son niveau de compétence, tandis qu’une personne qualifiée a la double tendance inverse. Plus une personne est informée et qualifiée, plus elle a conscience de ses lacunes et limites !

Notamment étudié par les psychologues américains David Dunning et Justin Kruger, l’effet de surconfiance dont souffrent les cuistres, contribue aux dérives des réseaux sociaux, à travers l’ultracrépidarianisme et l’ipsedixitisme : a) les avis les plus fondés et les plus éclairés ne sont pas les plus relayés, b) car des millions d’internautes relaient surtout les points de vue (qu’ils tiennent pour vrais) de leurs stars-idoles (qu’ils tiennent pour autorités autorisées)…

Ci-dessous mon humour de la chose : dérive d’incontinent, d’un gueux en train de se perdre. En fondant, son aumône à la vérité augmente l’océan ultracrépidarianiste qui l’entoure…

Propagande et mensonge

« Il y a deux manières de mentir : on peut inventer mais aussi dire la vérité » (Christian Bobin, La femme à venir, 1990).

« Qui me ment toujours ne me trompe jamais » (Miguel de Cervantès, Le petit-fils de Sancho Panza, 1613) !

Voir au-delà des apparences, écouter au-delà des Fake News.

Le linguiste américain Noam Chomsky analyse la « fabrique du consentement » dans Manufacturing Consent : The Political Economy of the Mass Media. Ce « Voltaire de notre temps » y propose une modélisation de la propagande (propaganda model) à partir de cinq filtres par lesquels les mass media américains trahissent leur rôle de quatrième pouvoir critique, à cause de leur allégeance aux élites politiques et économiques. Il met à jour de manière détaillée comment les manipulations médiatiques opèrent aujourd’hui aux États-Unis un « lavage de cerveaux en liberté » ; telles une camisole de force idéologique invisible, elles maintiennent la population soumise à la domination d’une minorité de puissants. Le philosophe italien Roberto Mancini parle du « pouvoir systémique de la violence normalisée » : « de nos jours, celle-ci se dissimule sous une apparente normalité, modernité et insurmontable nécessité. Quelle efficacité la non-violence peut-elle avoir au sein d’une société dominée par des systèmes d’organisation globaux tels que le marché mondial, la bureaucratie et les réseaux internet ? »

(Étienne Chomé, Le nouveau paradigme de non violence, p. 28, disponible sur http://etiennechome.site/publications-de…/sociopolitique/ où se trouvent l’apparat critique et les références).