L’érosion t’a rabattu la superbe

« La véritable humilité ne reste pas inconnue. Elle ressemble à cette fleur du printemps qu’on trouve cachée sous l’herbe, qui répand son odeur au loin » (Adolphe d’Houdetot, Dix épines pour une fleur, 1853).

« Chaque douleur que je supporte me laisse dans l’âme un orgueil inconscient dont mon humilité ne rougit pas. […] Les larmes dépouillent à la frontière terrestre toute leur humilité et arrivent à Dieu en vainqueurs » (Anne Barratin, Chemin faisant, 1894).

« Le passé est passé, mais retiens les leçons qu’il t’a enseignées » (Henri-Frédéric Amiel, Journal intime, 18 juin 1865).

Après avoir passé un séjour dans la ville de Menton (près de Nice), Franz Liszt s’exclama : « Jamais, dans un autre pays du monde, je n’avais ressenti cette sensation de bonheur total » (+/- 1830).

L’infini dans la beauté

« Dans la jeunesse, la beauté est un accident de la nature. Dans la vieillesse, c’est une œuvre d’art » (Lin Yutang, écrivain chinois, 1895-1976).

« L’idée de l’infini se dégage du beau comme l’idée du beau se dégage de l’infini. La beauté, ce n’est pas autre chose que l’infini contenu dans un contour » (Victor Hugo).

Dans les froides rigueurs de l’hiver

« Le temps est venu de rentrer en soi-même, à l’image de la végétation qui prépare son entrée dans l’hiver en arrêtant son activité, nous devenons comme les arbres qui stockent leur énergie dans leurs racines pour un temps, sacrifiant leurs feuilles pour mieux renaître au printemps…

Descendre dans les profondeurs de notre âme, de notre essence, pour écouter les messages de notre Nature et prendre soin de notre être intérieur…

Les journées plus courtes nous permettent de passer plus de temps à l’intérieur, d’être à l’écoute de nos besoins et de rééquilibrer nos énergies avant la venue de l’hiver.

Écouter son corps, ses besoins, respecter ses rythmes biologiques, dormir plus tôt, manger beaucoup de légumes racines, graines et noix (et par là se reconnecter à la Terre) et privilégier les sorties en pleine nature. Bon voyage vers vos profondeurs… » (San Jee).

Le risque d’être transformé en statue de sel

« Le sort de nos vies est entrelacé sur plusieurs générations. Les êtres et leurs fragilités, par-delà les années, sont noués les uns aux autres par les chocs que leurs corps ont enregistrés. Sur plusieurs générations, une matière humaine modifiée, brassée par les exils, traverse des deuils et des naissances, des guerres et des crises. Elle s’attache des espoirs de vie meilleure et survit grâce à des secrets, des oublis, des camouflages.

Quand une génération s’est autorisée à n’être que tournée vers l’avenir, alors la nécessité de se retourner incombent à ceux qui suivent. Il y a plusieurs récits bibliques qui interdisent ce retour : lorsque Sodome est détruite, il ne faut pas se retourner, au risque d’être transformé en statue de sel = on est pétrifié, réifié. Parce que se retourner, c’est souvent regarder les morts. Quand on regarde trop la mort, la paralysie vient, on devient soi-même un gisant » (Camille de Toledo, Thésée, sa vie nouvelle, p. 250).

Fils sans père, Sartre revint sans fin à ce père absent et à son procès : « Quand les pères ont des projets, les fils ont des destins », dit-il à propos du père de Flaubert.

Sagesses de l’automne et de l’hiver de la vie ?

Notre voisine s’en est allée en paix, dans la douceur et la confiance… Pendant ses funérailles, je voyais comment, à travers sa maladie, ses parts protectrices puissantes qui contrôlaient tout ce qui bougeait autour d’elle avaient peu à peu déposé leurs armes. À travers son chemin de croix, le Seigneur l’a transformée, en l’amenant pas à pas à la douceur, à la reconnaissance par un simple sourire, un simple regard de connexion avec l’autre… Étonnante sagesse de la saison vieillesse !?

Son chemin quotidien de dépossession et de dépouillement m’a impacté. Je réalise que je vis un chemin dans la même direction, en vieillissant. Je suis déjà en train de muer : toujours moins de testostérone, je ralentis, je fais de moins en moins, je goûte de plus en plus de prendre le temps d’être, de contempler, d’être avec, d’écouter de la musique, de respirer simplement, de visiter ma maison intérieure, dans ses sensations, émotions, passions, abandons/lâcher-prises, etc. Joie que ces saveurs vont continuer à se déployer en moi. Elles font les délices de l’automne de ma vie…

Ma vie ralentit et se pose,
se ménopause, me mène-aux-pauses.

Les quilles libres / l’équilibre

« C’est ça, la vie : un fragile équilibre entre l’harmonie et le chaos » (Mylène Gilbert-Dumas).

« Toute l’existence est basée sur la recherche de l’équilibre et de la complémentarité » (Nanan-Akassimandou).

« L’amour durable est celui qui tient toujours les forces de deux êtres en équilibre » (Honoré de Balzac).

« La vérité est le point d’équilibre de deux contradictions » (Proverbe chinois).

Souvenir, est-ce campette ?

J’espérais bien pleurer, mais je croyais souffrir
En osant te revoir, place à jamais sacrée,
Ô la plus chère tombe et la plus ignorée
Où dorme un souvenir !

Que redoutiez-vous donc de cette solitude,
Et pourquoi, mes amis, me preniez-vous la main,
Alors qu’une si douce et si vieille habitude
Me montrait ce chemin ?

Les voilà, ces coteaux, ces bruyères fleuries,
Et ces pas argentins sur le sable muet,
Ces sentiers amoureux, remplis de causeries,
Où son bras m’enlaçait.

Les voilà, ces sapins à la sombre verdure,
Cette gorge profonde aux nonchalants détours,
Ces sauvages amis, dont l’antique murmure
A bercé mes beaux jours.
[…]
Ô puissance du temps ! ô légères années !
Vous emportez nos pleurs, nos cris et nos regrets;
Mais la pitié vous prend, et sur nos fleurs fanées
Vous ne marchez jamais.
[…]
En est-il donc moins vrai que la lumière existe,
Et faut-il l’oublier du moment qu’il fait nuit ?
Est-ce bien toi, grande âme immortellement triste,
Est-ce toi qui l’as dit ?
[…]
Regrettez la torpeur qui vous cloue à la terre,
Vos agitations dans la fange et le sang,
Vos nuits sans espérance et vos jours sans lumière
C’est là qu’est le néant !
[…]
Oui, sans doute, tout meurt; ce monde est un grand rêve,
Et le peu de bonheur qui nous vient en chemin,
Nous n’avons pas plus tôt ce roseau dans la main,
Que le vent nous l’enlève.
[…]
La foudre maintenant peut tomber sur ma tête ;
Jamais ce souvenir ne peut m’être arraché !
Comme le matelot brisé par la tempête,
Je m’y tiens attaché.

Je ne veux rien savoir, ni si les champs fleurissent ;
Ni ce qu’il adviendra du simulacre humain,
Ni si ces vastes cieux éclaireront demain
Ce qu’ils ensevelissent.

Je me dis seulement : À cette heure, en ce lieu,
Un jour, je fus aimé, j’aimais, elle était belle.
J’enfouis ce trésor dans mon âme immortelle,
Et je l’emporte à Dieu !
                         (Alfred de Musset, Souvenir).

John Olcroft

« Je suis, donc je pense » avant « je pense, donc je suis »

« Je pense, donc je suis » de Descartes est inversé par Blaise Pascal : « je suis, donc je pense ». Je suis qui je suis, en amont de mes « moi » qui pensent et de mes « moi » diversement affectés par des vécus… Par exemple, quand je pense, je suis parfois avec ce que je voudrais être et que je ne suis pas ; autrement dit, quand je pense, je ne suis pas simplement, pleinement ! « Je suis qui je suis » est la réponse divine, simple et pleine (Exode 3,14), qui nous inspirent aujourd’hui, dans nos élans de pleine conscience / Présence dans l’instant présent…

Pascal semble être le premier philosophe à réfléchir le « moi » dont il souligne le caractère fuyant et inassignable : « Qu’est-ce que le « moi » ? Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants, si je passe par là, puis-je dire qu’il s’est mis là pour me voir ? Non, car il ne pense pas à moi en particulier. Mais celui qui aime quelqu’un à cause de sa beauté, l’aime-t-il ? Non, car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus. Et si on m’aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m’aime-t-on, moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même. Où est donc ce « moi », s’il n’est ni dans le corps, ni dans l’âme ? Et comment aimer le corps ou l’âme, sinon pour ces qualités qui ne sont point ce qui fait le « moi », puisqu’elles sont périssables ? Car aimerait-on la substance de l’âme d’une personne abstraitement, et quelques qualités qui y fussent ? Cela ne se peut, et ce serait injuste. On n’aime donc jamais personne, mais seulement des qualités. Qu’on ne se moque donc plus de ceux qui se font honorer pour des charges et des offices, car on n’aime personne que pour des qualités empruntées » (Blaise Pascal, Laf. 688, Sel. 567).

C’est vendredi 13 août. À moi, Kigali’s routes

Toi qui pâlis au nom de Vancouver,
tu n’as pourtant fait qu’un banal voyage.
Tu n’as pas vu la Croix du Sud, le vert
des perroquets ni le soleil sauvage.

Tu t’embarquas à bord de maint steamers.
Nul sous-marin ne t’a voulu naufrage.
Sans grand éclat tu servis sous Stürmer,
pour déserter tu fus toujours trop sage.

Mais qu’il suffise à ton retour chagrin
d’avoir été ce soldat pérégrin
sur les trottoirs des villes inconnues,

Et, seul, un soir, dans un bar de Broadway,
d’avoir aimé les grâces Greenaway
d’une Allemande aux mains savamment nues

(Marcel Thiry, Toi qui pâlis au nom de Vancouver, 1924).