« Le risque est un besoin essentiel de l’âme »
(Simone Weil, L’enracinement).
« Oser, c’est perdre pied momentanément.
Ne pas oser, c’est se perdre soi-même »
(Søren Kierkegaard).
Catégorie : Négociation, créativité
Que ton nom soit oui !
L’assertivité : dire quand je suis blessé sans blesser à mon tour,apporter dans l’espace commun toute la consistance de mes élans de vie, tout en offrant ma profonde curiosité aux tiens, exprimer mes besoins et écouter les tiens, dans une relation d’égale à égale.
En analyse transactionnelle, l’assertif déploie le top relationnel : je suis OK ET tu es OK ET personne n’est toqué ! OK (0 killed) ?
Bons lavements des pieds (en ce Jeudi Saint) !
Optimiser l’accord plutôt que concéder
Le bon négociateur fait mieux que de poser une offre forte, puis de concéder du terrain (le moins possible) jusqu’à accord. Le bon négociateur favorise l’émergence d’une énergie créatrice à travers laquelle, ensemble, nous optimisons l’accord, dans l’intention explicite d’augmenter les gains de chaque partie. Ce processus Win-Win est facilité par une intelligence collective qui oriente toutes les forces présentes vers cet objectif d’invention de solutions nouvelles, qui créent de la plus-value, qui augmentent le gâteau, au lieu de se battre dans son partage.
Dans ces perspectives, le propos suivant de Matthieu Ricard dans son livre Plaidoyer pour l’altruisme me semble manquer de pertinence à plus d’un titre : « Ayant remarqué que les deux délégations étaient composées exclusivement d’hommes, Hunt demanda : « pourquoi n’y a-t-il aucune femme dans votre groupe ? » On lui répondit : « parce qu’elles feraient des concessions. » Swanee Hunt se souvient d’avoir pensé à ce moment-là : « Eurêka ! Voilà pourquoi cette négociation, comme tant d’autres, n’aboutit pas ! » En effet, comment trouver une solution acceptable par les divers protagonistes sans faire des concessions mutuelles ? »
J’apprécie la finesse du commentaire d’Anne Francard (animatrice diffusant la méthode C-R-I-T-E-R-E) sur ce passage de Matthieu Ricard : « « Concessions mutuelles » ? Oui mais alors dans le sens étymologique du mot « concéder » : céder ensemble une part de notre espace afin qu’une solution qui ne sera ni la mienne, ni la tienne puisse y émerger dans une intelligence collective, berceau des idées novatrices ».
Pour plus de précisions sur les négociations menées sur des intérêts optimisés plutôt que sur des positions concédées, cf. mon livre La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain PUL, p. 260 à 296.
Schéma ci-dessous : le défi d’être à la fois 1) doux & empathique envers les personnes et sur le plan relationnel ET 2) battant et efficace quant au défi créatif de la négociation. Ne pas sacrifier la relation au bénéfice du gain ou l’inverse. Soigneusement distinguer les registres pour harmonieusement les articuler.
Crée hatif à tif…
« Mélangez une imagination puissante avec la logique de l’absurde, et le résultat sera soit un paradoxe, soit un Irlandais. En fait, si c’est un Irlandais, vous aurez aussi le paradoxe » (Samuel Beckett).
Créé pour créer
Tu peux croire : tu peux créer !
« Un cerveau efficient est fait pour créer. Qu’il s’agisse de création manuelle, intellectuelle ou artistique, votre cerveau doit pouvoir imaginer, inventer, concevoir, fabriquer, produire, construire… Non sollicité sur un projet excitant, il erre dans ses arborescences, s’ennuie et déprime. Alors, il se déconnecte des réalités quotidiennes et finit par se demander à quoi il sert » (Christel Petitcollin, Je pense trop).
« Ce qui manque à ce monde, ce n’est pas l’argent.
Ce n’est même pas ce qu’on appelle le sens.
Ce qui manque à ce monde,
c’est la rivière des yeux d’enfants,
la gaieté des écureuils et des anges »
(Christian Bobin, La grande vie).
Faramineux esprit !
« Les grands esprits sont comme les phares :
plus ils sont isolés, plus ils jettent de lumière »
(Jean-Napoléon Vernier, Les fables, pensées et poésies, 1865).
Le jeu parabolique de Jésus
Extrait de l’introduction du livre que j’ai écrit sur les paraboles :
Jésus parle en paraboles afin de toucher en profondeur la conscience de ses interlocuteurs. Il évite la confrontation directe et, en même temps, ose une parole d’interpellation vive. C’est une troisième voie qui refuse la passivité autant que la contre-violence. Les paraboles évangéliques qui sont une manière bien à lui de gérer les conflits, sont étudiées par l’école de Palo Alto pour leur étonnante capacité à produire un changement chez l’auditeur.
« Convaincre » est formé en latin du préfixe « con » (ensemble) et de la racine « vincere » qui a donné « conviction ». Convaincre signifie donc « vaincre ensemble », c’est à dire dépasser ensemble une situation d’opposition, et non obliger l’autre à se rallier à ma position par le raisonnement. Il s’agit en fait d’accorder les convictions ! Jésus est lucide sur l’impasse de l’argumentation qui bloque davantage encore la partie adverse dans ses mécanismes de défense ou qui donne lieu à une escalade stérile. À travers le questionnement indirect, Jésus veille à ne pas tirer sur le nœud. Il ne défend pas sa vérité, il ne plaide pas pour sa cause, il ne cherche pas à avoir raison, il désire faire la vérité, ou mieux faire faire la vérité par ses interlocuteurs. En cela, il est précurseur de la non-violence active qui s’appuie sur la force de la vérité : la vérité déploie sa force lorsque nous ne la tirons pas à nous, lorsque nous résistons à la tentation de nous l’approprier.
[…] « La parabole offre à la recherche le champ le plus fertile, le matériau le plus disponible à la polysémie d’une actualisation incessante » (Vittorio Fusco). il y aura toujours plusieurs niveaux de lecture légitimes d’une parabole, dont aucun ne peut prétendre en épuiser le sens. Cela ne nous autorise tout de même pas à lui faire dire n’importe quoi. Mon objectif dans ce livre est de repérer le genre propre aux paraboles et le ressort propre à chacune.
Chomé Étienne, Le jeu parabolique de Jésus, une étonnante stratégie non-violente, Éditions Lumen Vitae, Collection Connaître la Bible, n° 57, 2009.
Le pouvoir de l’âne dans ses oreilles baissées… Baiser !
La semaine dernière, sur base de prévisions météo annonçant des pluies torrentielles, le gouvernement de l’île Maurice avait donné congé aux élèves et fermé les écoles. Mieux vaut prévenir que guérir ! Comme les pluies n’étaient pas venues, les Autorités furent la risée de tous. À peine elles avaient ordonné la réouverture que l’île fut noyée sous des trombes d’eau (plusieurs mètres à absorber en peu de jours). Ayooo pas facile !
Voici l’histoire que font circuler entre eux les confinés inondés.
Il était une fois un roi qui voulait aller à la pêche. Il appelle son météorologue et lui demande l’évolution pour les heures suivantes.
Celui-ci le rassure : pas de pluie prévue.
Sur le chemin, il rencontre un paysan monté sur son âne qui, en voyant le roi, dit : « Seigneur mieux vaut que vous rebroussiez chemin car il va beaucoup pleuvoir dans peu de temps ! » Bien sûr, le roi continue en pensant : « Comment ce gueux peut-il mieux prévoir le temps que mon spécialiste diplômé, grassement payé, qui m’a indiqué le contraire ? Poursuivons… » Et c’est ce qu’il fait.
Mais il se met bientôt à pleuvoir à torrents. Le roi rentre trempé, la reine se moque de le voir dans un si piteux état. Furieux, le roi congédie son météorologue, puis convoque le paysan en lui offrant le poste vacant…
Mais le paysan refuse en ces termes : « Seigneur, je ne suis pas celui qui comprend quelque chose dans ces affaires de météo, mais je sais que si les oreilles de mon âne sont baissées, cela signifie qu’il va pleuvoir…! » Et le roi embauche l’âne… C’est ainsi que commença la coutume de recruter des ânes pour les postes de conseillers les mieux payés.
Ci-dessous le comique Vincent Duvergé. J’en ris depuis 2 jours sans m’arrêter, tant il montre bien le mood mauricien…
Le Self aime sans aucun effort
Au cœur de mon cœur, là où je suis qui je suis en vérité, je suis spontanément créatif, courageux, confiant… Le Self authentique en moi est généreux sans effort. Par contre, mes parts généreuses triment dur pour apprivoiser leur environnement et s’attirer les bonnes grâces de leur entourage. L’une d’entre elles a une énergie à revendre, tel Sisyphe remontant perpétuellement son rocher en héros. Une autre se décourage devant les efforts à fournir ; sans élan, elle est excellente à procrastiner !
Quel pied de les inviter à profiter avec moi des bienfaits des rayons de soleil que je reçois dans le coeur de mon cœur, parfumés et colorés par Ta belle présence… Les années passent, la Présence ne passe pas…
Je nous souhaite de prendre soin de nos Sisyphe remontant perpétuellement leur rocher pour faire héros … Ferrero
Osons l’impossible devant l’impôt-cible
Voci des extraits de mon livre Le nouveau paradigme de non-violence, p 241-242 et p. 304-35 :
Le caractère inacceptable des horreurs de la guerre fait consensus. Ceci dit, pour ne pas les revivre, il ne suffit pas de « dessiner des pigeons et signer des appels », comme dit Gaston Bouthoul, dans sa Lettre ouverte aux pacifistes. Le défi est de mettre en place des alternatives crédibles de défense efficace nous permettant effectivement de désamorcer les violences. « Supprimer les guerres, c’est résoudre les conflits autrement que par l’usage des armes. Il s’agit donc bien d’imaginer d’autres moyens que les armes de la violence pour résoudre humainement les inévitables conflits humains » (Jean-Marie Muller, Vous avez dit : « Pacifisme ? »).
Traditionnellement, la défense se résumait à des dispositifs militaires. Avec l’essor de la résolution des conflits, une défense globale donne beaucoup plus de place à la défense civile citoyenne. La composante armée est insérée dans une mobilisation de toutes les forces économiques, sociales et culturelles. Traditionnellement, la doctrine de la guerre/paix juste stipule que « le dernier recours » de la violence n’est moralement autorisé qu’en cas d’échec durable des stratégies non-violentes. Mais quelle chance un pays donne-t-il à celles-ci lorsque plus de 99 % de son budget de défense est alloué à l’armée, largement dépendant du lobby militaro-industriel ? Dans divers pays, des citoyens osent faire objection de conscience précise : ils paient leurs impôts sauf +/- 2 % (l’équivalent de leur participation au budget militaire national), en expliquant à leur gouvernement leur refus de coopérer à sa politique militariste et en affectant ces +/- 2 % au financement d’expériences novatrices de défense civile citoyenne et des programmes de paix constructive. L’union fait la force : si une masse critique de citoyens bouge, toute la Nation bougera.
Les acteurs engagés dans des interventions civiles de paix revendiquent un statut d’acteurs à part entière dans les conflits de ce monde et dans la construction de la paix véritable, au moyen d’une politique multidimensionnelle, active et crédible, de promotion de la paix. Des statuts juridiques ont encore à être pensés pour ceux qui ne réclament pas un droit d’objection de conscience absolue mais qui contestent aussi l’obligation d’enrôlement militaire automatique sous les drapeaux. En 1994, les évêques américains disaient : « Le besoin se fait sentir de mieux définir les relations justes entre l’autorité de l’État et la conscience de l’individu sur les questions de la guerre et de la paix », invitant à réfléchir à « l’objection de conscience sélective » (Conférence épiscopale des États-Unis, Le fruit de la justice est semé dans la paix).
Bienheureux les leaders comme Gandhi montrant au plus grand nombre de leurs concitoyens comment prendre toute leur place dans la construction d’une paix juste.