Les têtes couronnées nous font rêver et chanter

Rêvons :
« Moi, dit la cathédrale, je voudrais être coureur à pied
pour pouvoir lâcher mes béquilles.
Moi, dit le pont, je voudrais être suspendu
pour pouvoir sauter à la corde.
Moi, dit l’imagination, je voudrais être riche
pour pouvoir emmener l’Anselme en vacances.
Moi, dit le Seine, je voudrais être mer
pour avoir des enfants qui jouent dans le sable »
(Jean L’Anselme, Il fera beau demain, 1952).

Charles 1er nous a déjà tant fait rêver :
« Qui a eu cette idée folle un jour d’inventer l’école?
C’est ce sacré Charlemagne, sacré Charlemagne,
de nous laisser dans la vie, que les dimanches, les jeudis
C’est ce sacré Charlemagne, sacré Charlemagne
Ce fils de Pépin le Bref nous donne beaucoup d’ennuis
Et nous avons cent griefs contre, contre, contre lui… »

Aller cueillir les étoiles

Crépuscule de Guillaume Apollinaire
à Mademoiselle Marie Laurencin.

Frôlée par les ombres des morts
Sur l’herbe où le jour s’exténue
L’arlequine s’est mise nue
Et dans l’étang mire son corps

Un charlatan crépusculaire
Vante les tours que l’on va faire
Le ciel sans teinte est constellé
D’astres pâles comme du lait

Sur les tréteaux l’arlequin blême
Salue d’abord les spectateurs
Des sorciers venus de Bohême
Quelques fées et les enchanteurs

Ayant décroché une étoile
Il la manie à bras tendu
Tandis que des pieds un pendu
Sonne en mesure les cymbales

L’aveugle berce un bel enfant
La biche passe avec ses faons
Le nain regarde d’un air triste
Grandir l’arlequin trismégiste

(7e poème du recueil Alcools, 1913).

Que ton nom soit oui !

L’assertivité : dire quand je suis blessé sans blesser à mon tour,apporter dans l’espace commun toute la consistance de mes élans de vie, tout en offrant ma profonde curiosité aux tiens, exprimer mes besoins et écouter les tiens, dans une relation d’égale à égale.
En analyse transactionnelle, l’assertif déploie le top relationnel : je suis OK ET tu es OK ET personne n’est toqué ! OK (0 killed) ?

Bons lavements des pieds (en ce Jeudi Saint) !

Optimiser l’accord plutôt que concéder

Le bon négociateur fait mieux que de poser une offre forte, puis de concéder du terrain (le moins possible) jusqu’à accord. Le bon négociateur favorise l’émergence d’une énergie créatrice à travers laquelle, ensemble, nous optimisons l’accord, dans l’intention explicite d’augmenter les gains de chaque partie. Ce processus Win-Win est facilité par une intelligence collective qui oriente toutes les forces présentes vers cet objectif d’invention de solutions nouvelles, qui créent de la plus-value, qui augmentent le gâteau, au lieu de se battre dans son partage.

Dans ces perspectives, le propos suivant de Matthieu Ricard dans son livre Plaidoyer pour l’altruisme me semble manquer de pertinence à plus d’un titre : « Ayant remarqué que les deux délégations étaient composées exclusivement d’hommes, Hunt demanda : « pourquoi n’y a-t-il aucune femme dans votre groupe ? » On lui répondit : « parce qu’elles feraient des concessions. » Swanee Hunt se souvient d’avoir pensé à ce moment-là : « Eurêka ! Voilà pourquoi cette négociation, comme tant d’autres, n’aboutit pas ! » En effet, comment trouver une solution acceptable par les divers protagonistes sans faire des concessions mutuelles ? »

J’apprécie la finesse du commentaire d’Anne Francard (animatrice diffusant la méthode C-R-I-T-E-R-E) sur ce passage de Matthieu Ricard : « « Concessions mutuelles » ? Oui mais alors dans le sens étymologique du mot « concéder » : céder ensemble une part de notre espace afin qu’une solution qui ne sera ni la mienne, ni la tienne puisse y émerger dans une intelligence collective, berceau des idées novatrices ».

Pour plus de précisions sur les négociations menées sur des intérêts optimisés plutôt que sur des positions concédées, cf. mon livre La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain PUL, p. 260 à 296.

Schéma ci-dessous : le défi d’être à la fois 1) doux & empathique envers les personnes et sur le plan relationnel ET 2) battant et efficace quant au défi créatif de la négociation. Ne pas sacrifier la relation au bénéfice du gain ou l’inverse. Soigneusement distinguer les registres pour harmonieusement les articuler.

Créé pour créer

Tu peux croire : tu peux créer !

« Un cerveau efficient est fait pour créer. Qu’il s’agisse de création manuelle, intellectuelle ou artistique, votre cerveau doit pouvoir imaginer, inventer, concevoir, fabriquer, produire, construire… Non sollicité sur un projet excitant, il erre dans ses arborescences, s’ennuie et déprime. Alors, il se déconnecte des réalités quotidiennes et finit par se demander à quoi il sert » (Christel Petitcollin, Je pense trop).

« Ce qui manque à ce monde, ce n’est pas l’argent.
Ce n’est même pas ce qu’on appelle le sens.
Ce qui manque à ce monde,
c’est la rivière des yeux d’enfants,
la gaieté des écureuils et des anges »
(Christian Bobin, La grande vie).

Le jeu parabolique de Jésus

Extrait de l’introduction du livre que j’ai écrit sur les paraboles :

Jésus parle en paraboles afin de toucher en profondeur la conscience de ses interlocuteurs. Il évite la confrontation directe et, en même temps, ose une parole d’interpellation vive. C’est une troisième voie qui refuse la passivité autant que la contre-violence. Les paraboles évangéliques qui sont une manière bien à lui de gérer les conflits, sont étudiées par l’école de Palo Alto pour leur étonnante capacité à produire un changement chez l’auditeur.

« Convaincre » est formé en latin du préfixe « con » (ensemble) et de la racine « vincere » qui a donné « conviction ». Convaincre signifie donc « vaincre ensemble », c’est à dire dépasser ensemble une situation d’opposition, et non obliger l’autre à se rallier à ma position par le raisonnement. Il s’agit en fait d’accorder les convictions ! Jésus est lucide sur l’impasse de l’argumentation qui bloque davantage encore la partie adverse dans ses mécanismes de défense ou qui donne lieu à une escalade stérile. À travers le questionnement indirect, Jésus veille à ne pas tirer sur le nœud. Il ne défend pas sa vérité, il ne plaide pas pour sa cause, il ne cherche pas à avoir raison, il désire faire la vérité, ou mieux faire faire la vérité par ses interlocuteurs. En cela, il est précurseur de la non-violence active qui s’appuie sur la force de la vérité : la vérité déploie sa force lorsque nous ne la tirons pas à nous, lorsque nous résistons à la tentation de nous l’approprier.

[…] « La parabole offre à la recherche le champ le plus fertile, le matériau le plus disponible à la polysémie d’une actualisation incessante » (Vittorio Fusco). il y aura toujours plusieurs niveaux de lecture légitimes d’une parabole, dont aucun ne peut prétendre en épuiser le sens. Cela ne nous autorise tout de même pas à lui faire dire n’importe quoi. Mon objectif dans ce livre est de repérer le genre propre aux paraboles et le ressort propre à chacune.

Chomé Étienne, Le jeu parabolique de Jésus, une étonnante stratégie non-violente, Éditions Lumen Vitae, Collection Connaître la Bible, n° 57, 2009.

Le pouvoir de l’âne dans ses oreilles baissées… Baiser !

La semaine dernière, sur base de prévisions météo annonçant des pluies torrentielles, le gouvernement de l’île Maurice avait donné congé aux élèves et fermé les écoles. Mieux vaut prévenir que guérir ! Comme les pluies n’étaient pas venues, les Autorités furent la risée de tous. À peine elles avaient ordonné la réouverture que l’île fut noyée sous des trombes d’eau (plusieurs mètres à absorber en peu de jours). Ayooo pas facile !

Voici l’histoire que font circuler entre eux les confinés inondés.

Il était une fois un roi qui voulait aller à la pêche. Il appelle son météorologue et lui demande l’évolution pour les heures suivantes.
Celui-ci le rassure : pas de pluie prévue.
Sur le chemin, il rencontre un paysan monté sur son âne qui, en voyant le roi, dit : « Seigneur mieux vaut que vous rebroussiez chemin car il va beaucoup pleuvoir dans peu de temps ! » Bien sûr, le roi continue en pensant : « Comment ce gueux peut-il mieux prévoir le temps que mon spécialiste diplômé, grassement payé, qui m’a indiqué le contraire ? Poursuivons… » Et c’est ce qu’il fait.
Mais il se met bientôt à pleuvoir à torrents. Le roi rentre trempé, la reine se moque de le voir dans un si piteux état. Furieux, le roi congédie son météorologue, puis convoque le paysan en lui offrant le poste vacant…
Mais le paysan refuse en ces termes : « Seigneur, je ne suis pas celui qui comprend quelque chose dans ces affaires de météo, mais je sais que si les oreilles de mon âne sont baissées, cela signifie qu’il va pleuvoir…! » Et le roi embauche l’âne… C’est ainsi que commença la coutume de recruter des ânes pour les postes de conseillers les mieux payés.

Ci-dessous le comique Vincent Duvergé. J’en ris depuis 2 jours sans m’arrêter, tant il montre bien le mood mauricien…