L’amour de l’ennemi intérieur

« Nourrir ceux qui ont faim, pardonner à ceux qui m’insultent et aimer mon ennemi, voilà de nobles vertus. Mais que se passerait-il si je découvrais que le plus démuni des mendiants et que le plus impudent des offenseurs vivent en moi, et que j’ai grand besoin de faire preuve de bonté à mon égard, que je suis moi-même l’ennemi qui a besoin d’être aimé? Que se passerait-il alors? » (Carl Gustav Jung).

La guérison ne vient jamais de l’extérieur, toujours de l’intérieur

« L’autre ne nous blesse pas, il nous révèle simplement que nos plaies n’étaient pas guéries. Nous avons cru que la rencontre avec un autre nous avait guéri. C’était une illusion, car la guérison ne vient jamais de l’extérieur, toujours de l’intérieur. La relation avec l’autre est donc pour nous un révélateur de nos manques et de nos souffrances cachées.

Croire qu’une relation, quelle qu’en soit la nature, peut nous faire oublier nos manques et nos souffrances est un leurre. Cela conduit inévitablement à la déception.

En revanche, si nous envisageons nos relations avec les autres comme une opportunité de nous connaître, nous pourrons commencer à combler nos besoins et guérir nos blessures.

Tant que nous nous berçons de l’illusion que l’autre possède la clé de notre bonheur, nous restons dans un état de dépendance. L’autre représente une drogue dont le sevrage nous est intolérable. Le manque réveille notre souffrance, notre crainte et donc notre colère » (Thierry Janssens, Vivre en paix).

Rendez-vous réguliers et privilégiés de dialogue

La méthode C-R-I-T-E-R-E, première étape : le CADRE ; outil « Espace et moment de qualité »

Toute organisation sociale a besoin d’habitudes communicationnelles facilitant la démarche d’aller trouver l’autre lorsque ça coince. Sans un cadre incitatif, la marche d’escalier est trop haute pour bien des individus qui se dégonflent. Dans une famille / école / entreprise, l’autorité joue un rôle important dans la mise en place de ces lieux et ces moments où chacun réussira à dire ce qui doit l’être, aux différents niveaux du groupe (parfois seulement à deux, parfois à trois, parfois avec toute l’équipe ou en réunion de délégués d’équipes). La spontanéité ne suffit pas, ni les échanges informels, ni même un budget fêtes et détentes. Ce n’est pas lors du cocktail organisé par la direction, la coupe de champagne à la main, qu’un employé ira trouver le collègue avec qui il ferait bien de mettre à plat une difficulté relationnelle. Il a besoin d’un espace de parole prévu à cet effet dans l’emploi du temps. Cette structuration des espaces et des moments relève de la compétence du responsable. La règle d’or de la communication est qu’au sein de notre groupe, chacun puisse dire ce qu’il vit mal 1) à la bonne personne, 2) au bon endroit et 3) au bon moment + de la bonne manière. C’est un art qui ne s’improvise pas : éviter d’éviter au moyen de rendez-vous réguliers et privilégiés de dialogue. Le groupe trouvera alors les ressources pour s’auto-réguler et régler ses problèmes. On a moins peur de nos désaccords quand on est d’accord sur la procédure à suivre en cas de désaccord !

Extrait de mon livre La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain, 2009, p. 33.

Les effets du jugement

Quand quelqu’un nous blesse, notre réflexe est de regarder ce qui ne tourne pas rond chez lui et de le lui dire. En collant une étiquette sur son front, nous escomptons trois bénéfices :

a) Cela nous donne l’impression de situer le problème, de le circonscrire. Le diagnostic nous fait du bien, nous croyons savoir. Nous trouvons là une explication bon marché qui semble nous permettre de comprendre ce qui se passe.

b) Mettre une étiquette sur l’autre, le mettre en boîte nous soulage sur le coup de la tension interne.

c) C’est une manière de prendre le dessus sur l’autre.

Les jugements semblent efficaces, ils sont pourtant contreproductifs. Dire ce qui ne va pas chez l’autre, c’est provoquer chez lui une réaction de défense (se justifier) ou de contre-attaque (par exemple dire à son tour ce qui ne tourne pas rond chez nous). Celui qui dit « Tu n’arrêtes pas de me juger » se rend-il compte qu’il juge à son tour ? Juger quelqu’un pour qu’il cesse de nous juger, est tout aussi inefficace que frapper son enfant pour qu’il arrête de frapper.

Les jugements ont le pouvoir de provoquer ce qu’ils dénoncent ! Le parent qui répète à son enfant « Tu es désordonné » renforce chez lui ce comportement. Les jugements sont des prophéties qui s’accomplissent d’elles-mêmes, car celui qui juge les autres s’attend à les voir agir selon l’image qu’il se fait d’eux. Il ne voit chez eux que ce qui confirme son diagnostic : « Je le savais, ils sont bien comme ça ! J’avais raison. » Il a le pouvoir de rendre réel ce qu’il abhorre le plus car les personnes étiquetées se vengent spontanément — et en bonne part inconsciemment — en se conformant au jugement porté sur elles. Les enfants jugés délinquants se montreront délinquants !

Ce genre de prophétie auto-réalisatrice constitue un des principaux saboteurs de nos échanges, dans les deux sens : nous faisons entrer les autres dans les moules que nous fabriquons pour eux et nous nous laissons définir par eux. « Ne vous posez pas en juge afin de n’être pas jugé. Car c’est de la façon dont vous jugez qu’on vous jugera » (Mt 7, 1). Cette parole nomme les conséquences concrètes du jugement sur les autres : juger, c’est finalement être jugé. C’est un appel à la lucidité : ouvrez les yeux, le jugement est aussi malin que le crachat en l’air à la verticale !

Extrait de mon livre La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain, 2009, p. 193-194.

Apprendre à éviter la planche-à-savon qu’est la violence

Voici ce qu’un ami a écrit sur sa page FB : «  Tant qu’on est en situation de pouvoir se défendre et de se faire comprendre par la parole ou la non-violence, autant les utiliser le plus possible. Il n’en demeure pas moins que, dans un certain nombre de cas, la légitime défense se justifie. L’usage de la force s’avère nécessaire dans certains cas. Si ma patrie et/ou ma famille, étaient violemment attaquées, je n’hésiterais pas à les défendre. Ce serait même mon devoir. »

Une telle réflexion comporte, selon moi, plusieurs schémas implicites à déconstruire, ce que je m’attache à faire depuis une dizaine de posts à ce propos (pour les lire, rassemblés : https://etiennechome.site/category/politique/nv/).

Devoir de défendre ma famille, bien sûr ; la bonne question est : comment le fait-on au mieux ? On n’arrête pas d’apprendre cet art… Usage de la force, en légitime défense ? Bien sûr ; la difficulté est de discerner où passe la ligne séparant force de légitime défense et violence. Et surtout le défi est d’apprendre à déployer cette force véritable, qui n’est pas violence. La première se justifie, la deuxième non.

Il y a tellement mieux à faire que de justifier nos exceptions à la non-violence (démarche des doctrines étudiant les licéités de la guerre juste) : apprendre à déjouer les pièges diaboliques de la violence (démarche des doctrines de la paix juste). Or, la dynamique conflictuelle est aussi glissante qu’une planche-à-savon très penchée, sur laquelle la violence nous entraîne irrésistiblement vers les enfers, en nous réduisant à une riposte toujours plus aveugle.

Dans une grave crise, nous perdons vite les pédales, en faisant exactement le contraire des bons gestes qui sauvent, comme quand nous nous noyons et coulons la personne qui vient nous aider. Pris à la gorge, nous oublions bien vite les beaux principes dégoulinant de bonté. Voilà pourquoi des personnes engagées dans la non-violence active comme Jean Goss considèrent décisif de décider explicitement et en amont des combats d’exclure tout moyen violent. Le fait de poser ainsi ce choix en conscience contribue à débloquer son potentiel de créativité pour une gestion du conflit la plus constructive possible. C’est en ouvrant les possibles qu’on échappe à l’enfer, c’est en créant des possibles, à côté de la planche-à-savon, qu’on optimise la fécondité de la légitime défense !

L’aïkido : la force légitime qui déjoue la violence

Comment, en cas d’agression, optimiser nos chances de déjouer la violence? Comment mettre la violence hors d’état de nuire par des forces qui relèvent d’un autre registre que la violence ? C’est ce qu’enseigne à faire par exemple l’aïkido (do signifie voie, méthode en japonais) en quatre phases : l’absorption, l’entrée, le déséquilibre et l’immobilisation ou la projection. L’aïkidoka (personne qui pratique cet art) commence par absorber l’énergie dégagée par l’agresseur en s’esquivant par un pivot, en ouvrant un champ qui modifie la cible ou la trajectoire de l’attaque. Puis il prend la conduite des opérations, d’un côté il s’avance et consolide sa stabilité autour de son centre de gravité, de l’autre, il dévie la force de l’attaquant et l’exploite afin d’entraîner son déséquilibre. L’aïkidoka exploite l’énergie de l’agresseur non pas contre lui mais pour empêcher l’agression de parvenir à ses fins. C’est l’énergie de l’agresseur qui sert à réaliser le mouvement. Plus on est expérimenté, moins on dépense ses propres forces et plus on exploite intelligemment celles de l’autre, en connaissant les lois de la gravité, de l’inertie et des leviers.

L’aïkidoka neutralise et dissuade l’agression, démarche très différente des « sumos [qui] cherchent à impressionner l’adversaire, à l’hypnotiser, à l’empoigner et à le balancer hors du cercle  ». S’entraîner chaque semaine à l’aïkido est une piste parmi bien d’autres. De nombreuses organisations non-violentes proposent des stages pratiques sur les moyens de sortir de la violence. En guise d’exemple, une semaine de stage intensif consacré entièrement aux parades pertinentes contre une agression en rue ne suffit pas à explorer le champ des possibles, les alternatives au coup de sang chaud et à la peur qui paralyse. Les stagiaires apprennent comment garder leurs moyens, accéder à toutes leurs ressources, intégrer les bons gestes, qui commencent par les bonnes dispositions d’esprit, les énergies « pour » (et non « contre » ou « sur »). Ils apprennent à repérer les réflexes contreproductifs en crise (qui alimentent les logiques de contre-violence / de passivité) et aussi à s’exercer hors crise aux gestes et paroles les plus à même d’enrayer la spirale de la violence . On n’a jamais fini d’approfondir l’acquisition des bonnes compétences et leur renforcement au moyen d’entrainements réguliers.

Le déficit n’est pas d’abord doctrinal, il est pratique et méthodologique. La force est dans la méthode et dans les exercices. La compétence de ne pas se laisser trop vite enfermer par la fatalité du dernier recours s’acquiert et requiert des années de pratique, bien avant le jour funeste de l’agression. Personne n’a fini d’apprendre à surmonter ses réflexes, à saisir comment, quand et où le conflit est en train de déraper dans la violence, comment, quand et où celle-ci peut être déjouée. Dès lors, la problématique contemporaine telle que posée par les praticiens de la non-violence active n’est pas tant de justifier des exceptions à la règle morale que de trouver les méthodes et les moyens à la hauteur des principes moraux. Sans tout ce travail de création des possibles entre céder ou se battre violemment, on en arrive si vite à la nécessité du dernier recours ! À vrai dire, le scénario le plus courant de la légitime défense violente n’est pas celui du dernier recours réfléchi : pris de court par l’agresseur, on court à la violence comme on attrape une bouée de secours. L’histoire donne bien des exemples de pacifistes qui, par un mouvement de bascule, tombent de Charybde en Scylla : une non-violence incapable de défense fait le lit d’une défense qui en vient trop vite à la violence . L’incapacité à gérer un affrontement est complice de la violence.

Extrait de mon livre La non-violence évangélique et le défi de la sortie de la violence, p. 256.

L’aïkido

Mettre le jeu de pouvoir hors d’état de nuire par une initiative qui relève d’un autre registre, comme l’aïkido (do signifie voie, méthode en japonais) l’apprend en cas d’agression physique. Cet art martial ne rend pas coup pour coup (ce qui alimente le cycle des coups), il répond au coup de pied par un contre-pied qui fait perdre pied. Quel pied : désarçonner et désamorcer le coup, ça vaut le coup ! Ses techniques de self-défense et non de contre-attaque enseignent comment contrer l’agression, sans se faire piéger par l’agressivité et sans entrer dans la dynamique contagieuse de la violence.

Imaginons un homme qui s’élance, l’épaule en avant, pour enfoncer une porte. Surprise, la porte s’ouvre au moment même de l’impact et on « aide » l’homme déséquilibré à tomber par terre ! L’aïkido opère un renversement de situation : l’attaquant s’attend à rencontrer une résistance, il rencontre le vide et son déséquilibre est immédiatement amplifié jusqu’au tapis. C’est donc l’énergie de l’agresseur qui sert à réaliser le mouvement. Plus on est expérimenté, moins on dépense ses propres forces et plus on exploite intelligemment celles de l’autre, en connaissant les lois de la gravité, de l’inertie et des leviers. Les meilleurs aïkidoka (pratiquants de cet art) ne sont pas les plus forts physiquement : les grands maîtres ont largement dépassé l’âge de la retraite, et il ne fait pas bon s’attaquer à eux, même à plusieurs. C’est tout en rondeur que l’esquive et le déséquilibre conduit l’assaillant au tapis. L’aïkidoka ne se bat pas contre mais avec lui, jusqu’à ce qu’il renonce devant l’inutilité de sa force physique, qui ne rencontre que le vide.

Ce savoir-faire a été mis au point, il y a quelques siècles en Chine, par des moines itinérants qui cherchaient à concilier le double impératif de 1) ne pas ôter la vie humaine, 2) être à même de parer tous les coups possibles d’un agresseur, y compris d’un guerrier armé d’une épée (les moines employaient alors un bâton, le jō). La démarche cherche à concilier éthique et nécessité stratégique de ne pas laisser faire un agresseur. En s’en inspirant, il est possible d’apprendre comment court-circuiter les jeux de pouvoir que l’autre essaie d’exercer sur nous, sans nous-mêmes utiliser les mêmes jeux de pouvoir.

Extrait de mon livre Le nouveau paradigme de non-violence, p. 163.

Psy – Spi

Nos jugements, reproches et réflexes de contrôle sur les autres sont d’abord l’amer salaire de notre difficulté à valoriser nos propres besoins, motivations profondes, valeurs et fondements. C’est en respectant ceux-ci, au moyen d’une circulation fluide des énergies entre notre tête, notre cœur et nos tripes, que nous parvenons à les faire respecter par les autres et que nous sommes délivrés de nos regards qui tuent, de nos paroles-poisons, de nos gestes malheureux. Ce chemin d’accès à nos ressources internes passe par la prise au sérieux des messages de nos corps, cœur et entrailles et il peut nous conduire au cœur de notre cœur, ce lieu calme, libre et bienveillant, siège de la sagesse, socle de la sérénité. Puis, en sens inverse, à partir de ce lieu-source duquel coule la source inépuisable et surabondante de l’Amour, nous pouvons apprendre à accueillir chaque part de notre vie qui surgit, en prenant soin de sa colère / fatigue / stress et de son besoin. Ce dialogue intérieur est à accomplir chaque fois qu’une part réactive sonne l’alerte en nous. Cette bienveillance avec nos propres parts nous fait découvrir l’écoute des parts fragiles chez l’autre, en amont de ses paroles-poisons et de ses gestes de mort. Plus nous avons appris comment connecter nos trésors intérieurs, plus nous sommes capables de nous connecter de l’intérieur au meilleur de l’autre, même lorsqu’il est dans la violence. 

« Seul l’homme qui a pénétré en ses propres profondeurs est capable de découvrir et de rencontrer la profondeur de l’autre » (P. Henri Le Saux, cité par Coste René, Théologie  de la paix, Cerf, 1997, p.  42).

Ensemble faire tomber une injustice

L’Équipe d’Études sociales, économiques et politiques de l’ICJM organise une session de formation pour tous Mauriciens désireux de penser ensemble et de poser, ensemble, des pistes de réflexion et d’engagement face aux injustices prévalant au sein de notre société mauricienne.Animée par le Dr. Étienne Chomé, professeur belge, coach et consultant en entreprise, cette session s’articulera autour de la méthode D-I-A-P-O-S : il s’agira, outre d’acquérir des connaissances, de développer des compétences en vue de renforcer la résilience citoyenne des Mauriciens et de faire émerger une conscience forte en faveur d’un meilleur-vivre-ensemble au sein de la République de Maurice, une et plurielle.Nous risquant à rêver ensemble, il s’agira, surtout, de continuer à créer des ponts, à bâtir des passerelles, à réunir des Mauriciens de tous horizons religieux et culturels, milieux socioprofessionnels et « backgrounds » académiques, Citoyens de Maurice de tous sexes et âges. Et ce, afin qu’ensemble, au moyen de ce séminaire, chacune, chacun, et tous puissent dégager et développer des pistes pour mieux être présents et engagés face à tous les enjeux qui nous attendent tous pour l’avenir de nos enfants et le devenir de notre société.Nous demeurons convaincus qu’en osant rapprocher les personnes et les communautés, quelles qu’elles soient, cette méthode D-I-A-P-O-S peut propulser les participants sur une voie nouvelle où chacun portant sa différence rencontrera son concitoyen, également porteur de différences, afin de penser et agir ensemble. L’horizon d’une société plus juste, plus écologique et plus inclusive nous attend : c’est la République de Maurice.

La voie de résolution dans l’impasse Ukraine-Russie

L’impasse actuelle en Ukraine a des points de ressemblance avec la guerre que se menaient les Égyptiens et les Israéliens dans les années 70. Israël avait envahi le Sinaï, territoire égyptien, en riposte aux attaques arabes, et l’occupait par les armes pour se prémunir de toute attaque surprise des avions de chasse arabes.

Tant que le débat se résumait à déterminer qui va occuper le Sinaï, les pourparlers étaient complètement dans l’impasse, aucune des parties n’acceptant de perdre ! L’Égypte exigeait de recouvrer son entière souveraineté nationale sur le Sinaï. Pour elle, ce point est non négociable. Mais la sécurité l’est tout autant pour Israël !

L’impasse est dans le soit…, soit… : SOIT Israël continue d’occuper le Sinaï, SOIT l’Égypte le récupère. La solution est dans un ET…, ET… : comment faire pour que l’intégrité nationale de l’Égypte soit restaurée ET la sécurité israélienne garantie.  

En 1978, Jimmy Carter invite à Camp David les Égyptiens et les Israéliens, où ils passent plusieurs jours. Les médiateurs ont travaillé séparément avec chaque délégation, en se concentrant sur l’explicitation de ses intérêts. Ils en vinrent ainsi à négocier sur les intérêts légitimes et non sur les positions intransigeantes, en se demandant comment faire pour que l’intégrité nationale de l’Égypte soit restaurée et la sécurité israélienne garantie. Cette manière de formuler le problème ouvrit un processus de négociation sans perdant. Dans l’accord signé à Camp David, le Sinaï est retourné entièrement à l’Égypte et la sécurité d’Israël a été assurée par une vaste zone démilitarisée à la frontière et des dispositifs d’alerte rapide, au moyen des radars sophistiqués déployés par les forces des Nations Unies. Ceci est extrait de mon livre La méthode C-R-I-T-E-R-E pour mieux gérer nos conflits, Presses universitaires de Louvain, 2009, p. 275.

Plus la guerre tuera de personnes et détruira à tous les niveaux, plus les belligérants calculeront leurs progrès non pas selon leurs gains mais selon les pertes infligées à l’ennemi, plus ils s’éloigneront de ce processus de résolution Win-Win et plus il faudra du temps et de l’énergie pour revenir à ce processus incontournable d’honorer les besoins profonds et légitimes des parties.