Tout ce qui est refusé, parce que non conforme avec l’image de soi que l’on s’efforce de construire, tombe dans la partie non visible du Moi. En sens inverse, l’ombre devient davantage consciente par un regard d’acceptation bienveillante. Ce chemin d’humanisation révèle les projections de notre ombre sur les autres. Exemple : une femme aimait une de ses jeunes nièces plus que les autres nièces, alors même qu’elle la houspillait sans cesse. C’est plus fort qu’elle, elle la voudrait parfaite. Un jour, le frère de cette femme lui dit : « Je ne comprends pas pourquoi tu as ce comportement avec elle, tu devrais la préférer, elle te ressemble tellement ». Cette femme a soudain réalisé : sa nièce a des traits de caractère qui avaient été les siens autrefois et qui, pour plaire à son entourage, avaient été « mis à l’ombre ».
Elle a du bon, la robe à crinoline (élargie par des jupons à armature cerclée), elle offre un large périmètre de sécurité à la personne qui la porte, pendant le bal. Elle rend visible l’enjeu d’une juste distance, où chacun.e habite son propre espace et veille à ne pas empiéter sur l’espace de l’autre.
Cela me parle de prendre soin dans mon quotidien de ma propre parcelle : l’aligner par en haut et par en bas, la fleurir à gauche et à droite… Tout le reste vient en surcroît, y compris la prise et de conscience et l’accueil compréhensif de mes parts sauveuses qui, avec la meilleure intention du monde, ont tendance à prendre en charge des bouts de parcelle d’autrui, dans l’illusion de les servir. Il est bon de grandir en conscience sur mes élans généreux, de sentir quand ils viennent d’un endroit en moi non libre, chargé, tentant de combler un manque de présence, une peur de ne pas avoir ma place, une angoisse de rejet, une angoisse d’abandon.
Quand nous nous emmêlons à l’autre en conflit, il me semble utile d’avoir l’humilité d’imaginer porter des cerceaux, comme ces enfants au début de la pandémie, qui étaient ainsi aidés à visualiser la distance d’1,50 m. à respecter…
« Qui regarde dans le miroir de l’eau aperçoit, il est vrai, tout d’abord sa propre image. Qui va vers soi-même risque de se rencontrer soi-même. Le miroir ne flatte pas, il montre fidèlement ce qui regarde en lui, à savoir le visage que nous ne montrons jamais au monde, parce que nous le dissimulons à l’aide de la « persona », du masque du comédien.
Le miroir, lui, se trouve derrière le masque et dévoile le vrai visage. C’est la première épreuve du courage sur le chemin intérieur, épreuve qui suffit pour effaroucher la plupart, car la rencontre avec soi-même est de ces choses désagréables auxquelles on se soustrait tant que l’on a la possibilité de projeter sur l’entourage tout ce qui est négatif. Si l’on est à même de voir sa propre ombre et de supporter qu’elle existe, une petite partie seulement de la tâche est accomplie: on a du moins supprimé l’inconscient personnel » (Carl Gustav Jung, Les racines de la conscience).
« Aucun arbre, dit-on, ne peut pousser jusqu’au paradis à moins que ses racines n’atteignent l’enfer » (Carl Gustav Jung).
« Car JE est un autre. Si le cuivre s’éveille clairon, il n’y a rien de sa faute. Cela m’est évident : j’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute : je lance un coup d’archet : la symphonie fait son remuement dans les profondeurs, ou vient d’un bond sur la scène.
Si les vieux imbéciles n’avaient pas trouvé du Moi que la signification fausse, nous n’aurions pas à balayer ces millions de squelettes qui, depuis un temps infini, ont accumulé les produits de leur intelligence borgnesse, en s’en clamant les auteurs !
La première étude de l’homme qui veut être poète est sa propre connaissance, entière ; il cherche son âme, il l’inspecte, il la tente, l’apprend.
[…] Tant d’égoïstes se proclament auteurs. […] Imaginez un homme s’implantant et se cultivant des verrues sur le visage. Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant. Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, — et le suprême Savant — Car il arrive à l’inconnu ! Puisqu’il a cultivé son âme, déjà riche, plus qu’aucun ! Il arrive à l’inconnu, et quand, affolé, il finirait par perdre l’intelligence de ses visions, il les a vues ! Qu’il crève dans son bondissement par les choses inouïes et innombrables : viendront d’autres horribles travailleurs ; ils commenceront par les horizons où l’autre s’est affaissé ! » (Arthur Rimbaud, Lettre à Paul Demeny, 15 mai 1871).
« « Je suis hors de moi » : qui est le ‘je’ et qui est le ‘moi’ ?
« Je me sens partagé » : qui est le ‘je’ qui veut faire une chose, le ‘je’ qui veut en faire une autre ?
« Mon problème, c’est que je n’ai pas confiance en moi » : qui est le ‘je’ et qui est le ‘moi’ ?
Au lieu de laisser nos voix critiques nous harceler, le Système Familial Intérieur (Internal Family System) nous apprend à les accueillir d’un autre lieu et entendre ce dont elles prennent soin » (Nadine d’Ydewalle, qui a lancé l’IFS en Belgique, décembre 2010). Cf. https://ifs-association.com/.
« La thérapie ne commence qu’à partir du moment où le malade se rend compte que ce ne sont pas son père et sa mère qui lui barrent la route, mais que c’est lui-même, c’est-à-dire une partie inconsciente de sa personnalité, qui prolonge et perpétue le rôle du père et de la mère » (Jung, Psychologie de l’Inconscient).
« Accompagner quelqu’un ne consiste pas à le porter sur ses épaules mais à lui apprendre à se servir de ses ailes » (Sophie Alandry).
La part de moi qui a peur de mourir, cherche à rester vivante jusqu’au paradoxe que, pour préserver la vie, elle s’empêche de Vivre ! Tandis qu’au cœur de mon cœur, je me baigne avec confiance dans cette Vie surabondante, donnée et reçue bien au-delà de mes morts.
« C’est toi qui as créé mes reins, qui m’as tissé dans le sein de ma mère. Je reconnais devant toi le prodige, l’être étonnant que je suis » (Psaume 138).
« Un chef-d’œuvre se prépare dans chaque femme enceinte. Mais cette œuvre d’art va naître inachevée et Dieu a voulu qu’il en soit ainsi pour que nous participions à notre propre création. Par les choix libres, posés chaque jour, nous devenons l’artisan de notre propre vie. […] Devenir une personne de confiance, un être libre et responsable, un véritable enfant de Dieu, cela prend beaucoup de temps, le temps d’une vie, et ne va pas sans souffrance, car devenir enfant de Dieu c’est renoncer à devenir enfant du monde qui passe » (Soeur Marie-Lys Nuville). Merci, Anne J., de me l’avoir partagé !
« Je me tiens en paix et en silence comme un enfant sur le sein de sa mère » (Ps 131).
À quoi passes-tu ton temps ? À t’inquiéter d’un virus ou à danser l’angélus ? à partir de l’utérus de cette crèche qui détend les sauvés conscients, confiants.
Comment pourrais-je perdre la vie ? Je suis déjà dans cette Vie qui ne passe pas grâce à Celui qui a les Paroles de la Vie ! Amen, oui, il en est ainsi.
« En l’absence du Self déficient, chaque part joue sa partition seule. La cacophonie peut devenir symphonie en présence du Self, lorsqu’il joue son rôle de chef d’orchestre. Au fur et à mesure que nos parts sont comprises dans leurs besoins et qu’elles prennent ainsi leur juste place dans l’orchestre, le chemin qui mène au cœur de notre cœur se désencombre. Une part qui fait un pas de côté, correspond à une porte jusque-là fermée qui s’ouvre, donnant accès à des pièces plus intimes du château intérieur, ou bien elle est comme une roche qui roule, cessant d’obstruer la source et la laissant jaillir davantage. C’est le cercle vertueux de la bienveillance : au départ, les parts ont besoin de notre considération bienveillante pour se débloquer. En sens inverse, la capacité de bienveillance se renforce à mesure que l’accès à la source se dégage. Le premier mouvement d’authenticité humaine qui part des violences dont nous sommes capables quand nous sommes blessés, nous conduit de l’extérieur vers l’intérieur : le défi est d’honorer les clignotants qui s’allument en nous dans nos corps, cœur et entrailles, les trois portes d’entrée à l’âme. Ce long chemin intérieur nous conduit peu à peu au lieu naturel en nous de la bonté et de la générosité, là où coulent les sources d’eau vive. Le deuxième mouvement va, lui, de l’intérieur vers l’extérieur : la source inépuisable et surabondante de l’Amour qui coule en nous au cœur de notre cœur, peut alors authentiquement alimenter chacune de nos parts qui souffre d’un manque de reconnaissance. Ce double mouvement suppose deux points de départ :
1) celui de notre humanité, en prenant au sérieux, humblement, la boue de nos relations conflictuelles, elle qui contient nos pépites les plus précieuses ;
2) celui de notre âme, la fine pointe de notre être où Dieu demeure pleinement, laquelle choisit, en conscience libre et responsable, de plonger dans l’ombre de nous-mêmes, là même où nous pouvons faire les rencontres les plus lumineuses.
Ce cheminement par lequel nous apprivoisons notre humanité dans ses profondeurs produit des fruits à trois niveaux : liberté, unité intérieure, fraternité. La fausse vie est épuisante, la vraie vie est inépuisable » (Chomé Étienne, Construire la paix sociale à partir d’un dialogue intérieur non-violent, dans Ensemble, construire l’interculturel, CEAFRI – L’Harmattan, 2019, p. 113-122 ; téléchargeable sur http://etiennechome.site/publications-de-fond/sociopolitique/).
« Jette les armes et aime ton ombre ! Plutôt que d’être en conflit avec ton ombre, connais-toi toi-même : les Anciens nous ont ouvert la voie en nous invitant à aimer l’ennemi qui est en nous sans nous acharner à le combattre. Ils nous suggèrent d’examiner en vérité nos défauts, nos peurs, nos répugnances, nos antipathies, dans une véritable et profonde acceptation de nous-mêmes, dans une démarche d’humble courage.
Faisons le pari de la croissance personnelle (et de celle de notre couple), en allant puiser dans notre obscur trésor intérieur qui se compose d’éléments infantiles de notre être, d’attachements, de talents et de dons non développés… Reprenons contact avec la vie, avec notre vitalité, notre créativité. Collaborons avec notre ombre, en apprenant à l’aimer, et nous parviendrons à une authentique estime de nous-mêmes. Faute de nous y atteler, nous encourons le risque de la projeter sur l’autre. Chacun.e n’accepte ni ses défauts ni ses faiblesses et les projette sur son conjoint. Comment nous aimer alors ?
Reconnaître nos tendances désordonnées, en assumer la responsabilité, les réintégrer dans une vie cohérente, apporte un monde de possibilités pour nous et pour le couple. Regarder en vérité qui je suis, respecter mes aspirations profondes, revient à exploiter un potentiel enfoui. C’est le gage d’un épanouissement plus complet de nous-mêmes et donc d’une réelle croissance » (Maud Chabert d’Hières, 2018).
« Tous les dragons de notre vie sont peut-être des princesses qui attendent de nous voir beaux et courageux. Toutes les choses terrifiantes ne sont peut-être que des choses sans secours, qui attendent que nous les secourions.
Pensez qu’il se produit quelque chose en vous, que la vie ne vous a pas oublié, qu’elle vous tient dans sa main ; elle ne vous abandonnera pas. Pourquoi voulez-vous exclure de votre vie toute inquiétude, toute souffrance, toute mélancolie alors que vous ignorez leur travail en vous ?
Aussi, ne devriez-vous pas vous effrayer quand se lève devant vous une grande tristesse, comme vous n’en n’avez jamais vu de telle.
Pourquoi vouloir vous torturer en vous demandant d’où tout cela peut bien venir et à quoi tout cela aboutira ?
Vous savez bien que vous êtes dans des états transitoires et que vous ne désirez rien tant que de vous transformer. Si certains de vos états sont maladifs, considérez que la maladie est le moyen qu’a l’organisme pour se libérer de ce qui lui est étranger. Il s’agit alors simplement de l’aider à être malade, à avoir la maladie dans sa totalité, à la laisser se déclarer, car c’est par là qu’il progresse…
Vous êtes le médecin qui doit veiller sur lui même… Et voilà ce qu’il faut faire avant tout pour autant que vous soyez votre médecin » (Rainer Maria Rilke, Lettre à un jeune poète).