Générosité jaillie de mon âme-Source

« En l’absence du Self déficient, chaque part joue sa partition seule. La cacophonie peut devenir symphonie en présence du Self, lorsqu’il joue son rôle de chef d’orchestre. Au fur et à mesure que nos parts sont comprises dans leurs besoins et qu’elles prennent ainsi leur juste place dans l’orchestre, le chemin qui mène au cœur de notre cœur se désencombre. Une part qui fait un pas de côté, correspond à une porte jusque-là fermée qui s’ouvre, donnant accès à des pièces plus intimes du château intérieur, ou bien elle est comme une roche qui roule, cessant d’obstruer la source et la laissant jaillir davantage. C’est le cercle vertueux de la bienveillance : au départ, les parts ont besoin de notre considération bienveillante pour se débloquer. En sens inverse, la capacité de bienveillance se renforce à mesure que l’accès à la source se dégage. Le premier mouvement d’authenticité humaine qui part des violences dont nous sommes capables quand nous sommes blessés, nous conduit de l’extérieur vers l’intérieur : le défi est d’honorer les clignotants qui s’allument en nous dans nos corps, cœur et entrailles, les trois portes d’entrée à l’âme. Ce long chemin intérieur nous conduit peu à peu au lieu naturel en nous de la bonté et de la générosité, là où coulent les sources d’eau vive. Le deuxième mouvement va, lui, de l’intérieur vers l’extérieur : la source inépuisable et surabondante de l’Amour qui coule en nous au cœur de notre cœur, peut alors authentiquement alimenter chacune de nos parts qui souffre d’un manque de reconnaissance. Ce double mouvement suppose deux points de départ :

1) celui de notre humanité, en prenant au sérieux, humblement, la boue de nos relations conflictuelles, elle qui contient nos pépites les plus précieuses ;

2) celui de notre âme, la fine pointe de notre être où Dieu demeure pleinement, laquelle choisit, en conscience libre et responsable, de plonger dans l’ombre de nous-mêmes, là même où nous pouvons faire les rencontres les plus lumineuses.

Ce cheminement par lequel nous apprivoisons notre humanité dans ses profondeurs produit des fruits à trois niveaux : liberté, unité intérieure, fraternité. La fausse vie est épuisante, la vraie vie est inépuisable » (Chomé Étienne, Construire la paix sociale à partir d’un dialogue intérieur non-violent, dans Ensemble, construire l’interculturel, CEAFRI – L’Harmattan, 2019, p. 113-122 ; téléchargeable sur http://etiennechome.site/publications-de-fond/sociopolitique/).

Cantique des Cantiques

« L’homme : Tel un lis des vallées entre les épines, ma grande amie entre les filles. La femme : Tel un pommier entre les arbres d’une forêt, mon bien-aimé entre les hommes. J’ai désiré son ombre et m’y suis assise. Et son fruit a été doux à mon palais. Il m’a menée dans la salle du festin. Et la bannière qu’il déploie sur moi, c’est l’AMOUR. Soutenez-moi par des gâteaux de raisins. Fortifiez-moi par un lit de pommes car je suis malade d’amour. Son bras gauche est sous ma tête et sa droite m’embrasse »
(Cantique des Cantiques 2,1-6 : le livre biblique dans lequel une voix masculine et surtout une voix féminine s’entrelacent et se célèbrent mutuellement).

Vivent quelques graines de vie, saupoudrées de grains de folie

« Lorsque nous étions réunis à table et que la soupière fumait, maman disait parfois :
– Cessez un instant de boire et de parler. Nous obéissions.
– Regardez-vous, disait-elle doucement.
Nous nous regardions sans comprendre, amusés.
– C’est pour vous faire penser au bonheur, ajoutait-elle.
Nous n’avions plus envie de rire.
– Une maison chaude, du pain sur la nappe, des coudes qui se touchent, voilà le bonheur, répétait-elle à table. Puis, le repas reprenait tranquillement. Nous pensions au bonheur qui sortait des plats fumants et qui nous attendait dehors au soleil et nous étions heureux.
Papa tournait la tête comme nous, pour voir le bonheur jusque dans le fond du corridor. En riant, parce qu’il se sentait visé, il disait à ma mère :
– Pourquoi est-ce que tu nous y fais penser à c’ bonheur ?
Elle répondait :
– Pour qu’il reste avec nous le plus longtemps possible »

(Félix Leclerc, Pieds nus dans l’aube, 1969).

Envouté par ta beauté…

Demandez-vous, mon amour, si vous n’avez pas été
cruelle de m’avoir ainsi envouté et privé de ma liberté.
Quant à moi, je ne sais comment exprimer
ma dévotion à une si belle créature.
Il me faut un mot plus éclatant qu’éclat,
un mot plus beau que beauté.
Je rêve que nous sommes des papillons
n’ayant à vivre que trois jours d’été.
Avec vous, ces trois jours seraient plus plaisants
que cinquante années d’une vie ordinaire
(John Keats, Lettres à Fanny).

L’amour pour toujours

De mémoire de rose
On n’a vu mourir un jardinier
Si rien qu’une pause ne peut vous suffire
Madame laissez
Le temps s’est tiré sans le maudire
Patientez
Laissez-vous glisser dans le vent léger
Patience, patientez…

Si l’amour s’envole ne t’en prends qu’à toi
Tu as fui l’école pour le lit d’un roi
Si sa voile blanche n’est plus que brouillard
Te pends pas à la branche
Dès qu’il fera noir
Te pends pas à la branche
Dès qu’il fera noir

Car…
De mémoire de rose
On n’a vu mourir un jardinier
Si rien qu’une pause ne peut vous suffire
Madame laissez
Le temps s’est tiré sans le maudire
Patientez
Laissez-vous glisser dans le vent léger
Patience, patientez…

Garde tout au fond tout au fond de toi
Un vide un endroit
Derrière les fêtes
Ou poser la tête
Dans le vent du soir
Bercer ses vieux rêves
Même s’il fait noir
Bercer ses vieux rêves
Même s’il fait noir

Car…
De mémoire de rose
On n’a vu mourir un jardinier

Si rien qu’une pause ne peut vous suffire
Madame laissez
le temps s’est tiré sans le maudire
Patientez
Laissez-vous glisser dans le vent léger
Patience, patientez

Julos Beaucarne, De mémoire de rose

20 octobre 2021

Comme un écureuil qui plonge sur l’arbre de la vie

Quand vous serez au milieu de la grande vie paysanne
Au milieu d’un champ, dans les loin
Ou au cœur d’une forêt en automne
Vous comprendrez qu’il y a loin de vous au cœur du monde
Qu’il y a loin de votre coupe aux lèvres de l’éternel
Et vous écouterez bruire l’automne
Et vous entendrez les feuilles tomber, de vos arbres intérieurs
Vous entendrez la voix de la terre
Et le présent vous sautera aux yeux
Comme un écureuil qui plonge sur l’arbre de la vie
Croyez en l’extase des nuages
Qui traversent les grands horizons
Au petit vent du soir
Au cœur de l’été chaud
Croyez à la douceur d’une amitié
Ou d’un amour
à la main qui serre votre main
Car demain, mais n’y pensez pas
Demain éclateront peut-être les nuages
et l’orage emportera vos amours
Tenez-les serrés
Ne vous endormez pas sur un reproche non formulé
Endormez-vous réconciliés
Vivez le peu que vous vivez, dans la clarté.

                                                            Julos Beaucarne

Le cœur broyé, brisé, vibre aux souffrances d’autrui

Aimons toujours, aimons encore.
L’amour, c’est le cri de l’aurore…
Ce que le flot dit aux rivages
ce que le vent dit aux vieux monts
ce que l’astre dit aux nuages,
c’est le mot ineffable: « Aimons »…
L’amour fait songer, vivre et croire
Il a, pour réchauffer le cœur
un rayon de plus que la gloire
et ce rayon, c’est le bonheur…
Aimons-nous toujours davantage
unissons-nous mieux chaque jour
les arbres croissent en feuillage
que notre âme croisse en amour…
Toute ambition allumée
dans notre esprit brasier subtile
tombe en cendre ou vole en fumée
et l’on se dit : « Qu’en reste-t-il? »
L’amour seul reste…
Si tu veux dans ce vil séjour
garder ta foi, garder ton âme
garder ton Dieu, garde l’amour…
Conserve en ton cœur sans rien craindre
Dusses-tu pleurer et souffrir
la flamme qui ne peut s’éteindre
et la fleur qui ne peut mourir…
(Victor Hugo, Contemplations).

Amour toujours

« L’amour-désir, qui nous fait brûler d’une joie majuscule et nous conduit à la vie haute, qui crée un halo de beauté et de lumière autour de l’être élu, l’amour-désir généreux, quand l’autre requiert toute notre sensuelle et amoureuse attention et que notre cerveau devient une sorte d’organe érotique, cet amour-désir est adressé. Par d’obscurs mécanismes, il élit un être — celui-ci et nul autre —, et de cet être il perçoit et goûte ce que je ne sais nommer que son « aura » : plus qu’un ensemble de traits de caractère, de goûts et d’opinions, l’aura est cette dimension où se cristallise la totalité d’un corps-esprit. C’est elle, parce qu’elle nous est secrètement connivente, qui peut susciter notre amour. L’amour-désir est reconnaissance et assomption de l’altérité. Il n’enlève rien à l’autre, ne le dépouille ni ne le diminue, et le plaisir réciproque lui confère une beauté supplémentaire : ce désir en acte est création commune, comme une danse partagée, une œuvre à quatre mains, deux voix, deux corps – un accroissement de l’être. En ce sens, il se distingue de la pulsion sexuelle solipsiste : celle-ci, qui émane de moi-même, m’y reconduit instantanément au terme de son déploiement. La pulsion existe : nous portons une disposition à la rencontre sexuelle qui, lorsqu’elle ne trouve pas satisfaction, nous fait éprouver un manque. Mais elle est peu de chose face au désir adressé. D’une nature différente, celui-ci est mouvement transitif, orienté vers un autre, élection et bienveillance – au sens le plus radical : je peux le choisir contre moi-même. Ce grand désir, qui inclut aussi bien l’attirance sensuelle et le jeu charnel que le sentiment d’amour et l’excitation intellectuelle, a donc une valeur altruiste : tourné vers l’autre et par lui commandé » (Belinda Cannone, Le nouveau nom de l’amour).

« L’amour-désir, qui nous fait brûler d’une joie majuscule et nous conduit à la vie haute, qui crée un halo de beauté et de lumière autour de l’être élu, l’amour-désir généreux, quand l’autre requiert toute notre sensuelle et amoureuse attention et que notre cerveau devient une sorte d’organe érotique, cet amour-désir est adressé. Par d’obscurs mécanismes, il élit un être — celui-ci et nul autre —, et de cet être il perçoit et goûte ce que je ne sais nommer que son « aura » : plus qu’un ensemble de traits de caractère, de goûts et d’opinions, l’aura est cette dimension où se cristallise la totalité d’un corps-esprit. C’est elle, parce qu’elle nous est secrètement connivente, qui peut susciter notre amour. L’amour-désir est reconnaissance et assomption de l’altérité. Il n’enlève rien à l’autre, ne le dépouille ni ne le diminue, et le plaisir réciproque lui confère une beauté supplémentaire : ce désir en acte est création commune, comme une danse partagée, une œuvre à quatre mains, deux voix, deux corps – un accroissement de l’être. En ce sens, il se distingue de la pulsion sexuelle solipsiste : celle-ci, qui émane de moi-même, m’y reconduit instantanément au terme de son déploiement. La pulsion existe : nous portons une disposition à la rencontre sexuelle qui, lorsqu’elle ne trouve pas satisfaction, nous fait éprouver un manque. Mais elle est peu de chose face au désir adressé. D’une nature différente, celui-ci est mouvement transitif, orienté vers un autre, élection et bienveillance – au sens le plus radical : je peux le choisir contre moi-même. Ce grand désir, qui inclut aussi bien l’attirance sensuelle et le jeu charnel que le sentiment d’amour et l’excitation intellectuelle, a donc une valeur altruiste : tourné vers l’autre et par lui commandé » (Belinda Cannone, Le nouveau nom de l’amour).

« Le désir est grave, et grâce : non pas anodin ou une chose parmi d’autre, il est surrection de l’être, ce cri jeté à la face delà mort, rencontre et reconnaissance de l’altérité, hommage. Je me contente de prendre mon plaisir avec toi : je te fis objet. Je te désir: je te fais roi » (Belinda Cannone, Petit éloge du désir).

Pluie de coeurs…

« Quel beau feu clair vous avez allumé au carrefour de ma vie, quel beau feu clair. Et comme sa pure force assouvie fait trembler l’air ! » (Rainer Maria Rilke).

« Après ma mort, je ferai tomber une pluie de roses sur la terre. Je reviendrai sur la terre pour faire aimer l’Amour. Je veux passer mon ciel, à faire du bien sur la terre » (la petite Thérèse).