Vers holorimes : « Étonnamment monotone et lasse Est ton âme en mon automne, hélas ! » (Louise de Vilmorin, L’Alphabet des aveux). Quand le jeu contraignant des vers holorimes réussit néanmoins à faire jaillir la flamme de la poésie, nez en moins.
« Rien n’est plus contraire à l’expérience mystique que la routine et la sécurité. Seules les âmes ébranlées jusque dans leurs fondements par la passion ont la chance de voir s’écrouler l’édifice de leur moi, de devenir les chantiers du divin » (Christiane Singer).
« Le couple est notre laboratoire de croissance le plus intense, le plus complet, le plus complexe, potentiellement le plus dangereux comme le plus fertile. Il y a des moments aveugles. On a besoin d’outils, on a besoin de guides. Je trouve extraordinaire que notre pulsion de vie, notre instinct, notre intuition, notre désir nous poussent à essayer cette paire de vie, à la chercher, à la faire durer, à travailler pour la construire. Après, il nous reste à devenir compétents » (Florentine d’Aulnois-Wang).
Ramenée à son essentiel, la vie de couple est somme toute très simple : 1) Avant le mariage, éprouver l’unité, secouer le cocotier, en vérifiant bien qu’il n’y a pas erreur de casting. 2) Une fois mariés, nourrir l’accord des cœurs (l’accorité est un des plus beaux mots que j’apprécie dans le vocabulaire du créole mauricien), prendre soin de nos cœur-à-cœur et âme-à-âme, accueillir nos parts dans tous leurs manques et étroitesses, jusqu’à ce qu’elles se laissent combler par l’Amour et qu’elles s’ordonnent à la vie et à l’avis de nos âmes…
Merci, mon amour, d’être dans ma vie la gardienne de l’Amour véritable. C’est ainsi que Dieu t’a présenté à moi le 6/5/1988 : « celle qui va t’apprendre à aimer, vraiment et jusqu’au bout ».
« C’est dans la relation que nous naissons. C’est dans la relation que nous sommes blessés. Et c’est dans la relation que nous pouvons être guéris » (Harville Hendrix, fondateur d’Imago).
Ne laisse pas tes ombres me réduire à mes ombres, laisse la compassion nous ouvrir à moins sombre. Appelle-moi par mon vrai nom qui est tien É-tienne, marié à Christ-in pour que l’Amour advienne dans nos vases d’argile, dans notre foyer fragile. Laisse l’Amour ouvrir les portes peu agiles de nos cœurs endurcis, obscurcis par Pénombre. Que Christ, troisième Larron, balaie ce qui encombre.
Le 6 mai 1988, assis adossé au mur extérieur de la chapelle de l’abbaye de Chimay, j’ai entendu en moi, après des mois de prière intense : « Ne crains pas de prendre Christine pour épouse, elle va t’apprendre à aimer, vraiment et jusqu’au bout » et j’ai quitté le Séminaire qui me préparait à devenir prêtre. Douze jours plus tard, pour la première fois, de nos cœurs embrasés, nos lèvres se sont embrassées. Derrière nos corps enlacés, nos inconscients se sont électriquement choisis, avec la vocation de nous libérer de nos réflexes archaïques limitants, ceux que chacun.e a adopté, tout petit.e, pour être ajusté.e à l’amour imparfait de ses parents.
Pour cette mission de redevenir pleinement nous-même, Christine, je ne pouvais pas trouver meilleure partenaire et tu ne pouvais pas trouver meilleur partenaire. Ces vieilles casseroles enfilées à nos pattes, quel mémorable chemin déjà parcouru pour les lâcher… S’épouser, ce n’est pas moins qu’une longue nouvelle naissance, le travail de toute une vie… Vive l’amour !
Le couple, ça fait parfois très mal mais ce n’est pas du masochisme ; ça nous fait souffrir pour nous guérir de nos blessures d’enfance, pour nous libérer des programmes de survie qui s’y rattachent. La vie de couple est un chemin initiatique, un long chemin de délivrance progressive, qui nous met en route vers la plénitude de la complétude : il ne s’agit pas moins de retrouver notre intégrité, l’intégralité de notre Essence créée, de savourer à nouveau nos nombreuses ressources et divers possibles.
Toi, mon épouse (avec qui mon nez-pousse, de temps en temps = de décennie en décennie), tu as l’art d’aller appuyer précisément là où ça fait mal en moi. Mes parts à la perspective étriquée te le reprochent mais moi, qui vois au-delà de l’immédiat, je te remercie. À vrai dire, quand j’ai eu le coup de foudre, le 21 septembre 1987, tout mon être t’a embauchée inconsciemment pour cela : pour le meilleur et pour le pire, tu réveilles mes blessures, tant qu’elles ne sont pas encore pleinement guéries. Tu me ramènes en vérité à moi-même, à mes ombres et au chemin encore à faire, aux conversions encore à vivre. Avec une redoutable justesse, tu es le témoin authentique de ce qui n’est pas encore réglé dans ma vie. Et moi aussi, comme je suis doué pour aller appuyer pile poil là où ça réagit en toi, mon amoureuse, pour t’inviter à ne pas en rester là, dans cet état d’âme-moureuse/mourante. Mon caca, que j’essaie désespérément d’enfuir, tu le mets sous mon nez, jusqu’à ce que je le sente, puis jusqu’à ce que je le digère et l’évacue de ma vie. Ce que tu essaies désespérément de fuir, je te le mets sous les yeux et dans les oreilles, tant que tu fais la sourde et l’aveugle. Je t’aime, je m’aime même ; tu m’aimes, tu t’aimes-thème ! Nous nous souhaitons le meilleur jusque dans le pire : nous nous voulons pleinement vivants !
En tous temps, en tous lieux, tous les vivants célèbrent leur source, leur souffle, leur lumière.
La Bible honore ces fondamentaux du Vivant : « En toi, est la source de vie ; c’est par ta lumière que nous ‘soufflons’ la lumière » (Ps 35,10).
« La prière est le souffle de l’âme, l’oasis de paix où nous pouvons puiser l’eau qui irrigue notre vie spirituelle et illumine notre existence » (Benoit XVI, L’âme de la prière, p. 297).
Dans les bras de la mère qui engendre la vie, porteuse du souffle vital, fils et père, réunis, se réjouissent. Cette dynamique du Vivant court sur toute la terre, à l’image et à la ressemblance du Créateur, qui partage sa plénitude de communion. Bienheureux qui se laisse combler de sa joie légère à chaque inspire et qui, à chaque expire, y prend part de tout son être…
« Souvenez-vous que sans vos parents vous ne seriez point né, et faites tout pour eux comme ils l’ont fait pour vous. Un père et une mère sont nos premiers partenaires dans la vie, ils sont les mortels à qui nous devons le plus » (Benjamin Delessert, Le guide du bonheur, 1839).
« La dépendance est dans l’ordre de la nature. L’humain vient au monde faible et nu ; à sa naissance, c’est un pauvre petit enfant qui a besoin de tout. Si on l’abandonnait à lui-même, il mourrait infailliblement. Mais il ne meurt pas, il a une mère qui le nourrit de son lait après l’avoir nourri de son sang, un père qui travaille pour subvenir aux dépenses qu’il nécessite. À l’aide de ce double appui, l’enfant se développe, grandit, devient fort. Le voilà donc redevable envers son père et sa mère du bienfait de la vie. Comment les en récompensera-t-il ? Par le respect, la reconnaissance et l’amour. Enfants, n’oubliez donc jamais ce que vous devez à vos pères et mères, et pour ne pas l’oublier, pensez à vos premières années » (Alfred Auguste Pilavoine, Pensées, mélanges et poésies, 1845).
« On ne peut jamais s’acquitter envers ses parents » (Aristote, Éthique à Nicomaque, IVe s. av. J.-C.).